Une Histoire de The Regency
Après le décès de Robert Cochrane lors du Solstice d’Eté 1966, certains membres de son groupe ont décidé de reprendre le flambeau et de continuer son œuvre. Parmi eux Ronald White et George Winter ont formé un groupe païen qui se voulait plus « ouvert » qu’ils ont appelé « The Regency » avec l’idée qu’ils n’étaient là que jusqu’à ce que le fils de Jane et Robert Cochrane soit assez âgé pour prendre la place qu’avait occupée son père, mais ça ne s’est jamais fait.
Une Histoire de The Regency
Mike Howard
Après la mort de Robert Cochrane, plusieurs membres de son coven ont décidé de former un nouveau groupe pour perpétuer son enseignement et préserver son héritage sous une autre forme. Ce groupe fut appelé « The Regency » et s’est décrit comme « une société religieuse axée sur la croyance en une Déesse Mère et Créatrice de toutes choses. Elle représente le principe féminin stable et son émanation, le principe masculin actif ». De tels commentaires peuvent faire penser qu’ils cherchaient à fonder une nouvelle religion néo-païenne.
Ils se présentaient ainsi : « cela se nomme ‘The Regency’ (la régence), car actuellement il n’y a personne en vie dont la stature spirituelle lui permette de parler avec l’autorité des anciens leaders des grandes religions (Arthur dort toujours en Avalon). Il y a eu un homme de ce type qui pouvait remplir cette mission. C’est pour préparer la venue d’une autre personne de ce genre que nous nous appelons ‘La Régence’, nous préparons comme nous pouvons l’arrivée de celui qui reprendra le flambeau ». En fait, ils espéraient que le fils de Cochrane, alors adolescent, se chargerait de ce rôle ; mais il n’a pas souhaité marcher dans les traces de son père.
Deux membres de l’ancien coven ont fondé « The Regency » : Ronald « chalky » White, un professeur d’art de Hampstead dans le nord de Londres, et George « Georgie Bang Bang » Winter, un employé qui avait été interpellateur du coven. Il a apparemment reçu ce surnom, car il avait pris l’habitude de battre de son bâton le rythme de la danse sur le sol. Winter a été décrit par Hans Holzer comme quelqu’un de très sophistiqué et psychologue, mais il a aussi été initié dans une tradition sorcière rurale et a été décrit à l’auteur comme « un vieux sorcier de campagne ». Dans une de ses lettres à Gray, Cochrane dit qu’un jeune homme nommé Winter a été initié à la sorcellerie par une vielle femme à Norfolk.
A la fin des années 60 et pendant les années 70, « The Regency » s’est retrouvé à différentes adresses à Londres, y compris dans un studio à Islington dans le nord de Londres et dans des appartements à Ealing dans l’ouest londonien, ainsi qu’à Purley dans le Surrey. L’appartement de Purley était celui de la femme qui m’a initié à la wica gardnérienne. Elle a rencontré Robert Cochrane par le biais de Doreen Valiente et était la « dépositaire » d’une statue en terre cuite de la Déesse faite par Chalky White et utilisée pour les rituels. Ces rituels se déroulaient dans le jardin de l’appartement et on a dit aux voisins un peu trop curieux qu’il s’agissait des répétitions d’une troupe de théâtre.
L’appartement de Ealing était celui de Ruth Wynn Owen, une ancienne actrice, coach vocal et professeur de théâtre, qui était une amie de Dame Peggy Ashcroft (une actrice connue en Angleterre). Son grand-père était un pasteur gallois et un inspecteur des écoles diocésaines nommé Elias Owen, qui a écrit des livres sur le folklore et la sorcellerie au Pays de Galles. Elle était proche de Dylan Thomas. Elle est tombée amoureuse du poète gallois et ils ont échangé des lettres d’amour, mais leur relation n’est jamais allée plus loin et Thomas est resté fidèle à son épouse (« Caitlin : The Life of Caitlin Thomas » de Paul Ferris). Dans les années 50, la famille de Wynn Owen résidait dans le Yorkshire et Ruth donnait des cours de théâtre dans une école de la région. Deux de ses étudiants, Brian Blessed et Patrick Stewart, furent des acteurs réputés ; le second est passé par la Royal Shakespeare Company et on l’a retrouvé dans le rôle du Capitaine Picard dans « Star Trek The Next Generation ». Blessed avait entendu les rumeurs locales selon lesquelles Wynn-Owen était une « sorcière blanche » et elle a confirmé à l’acteur que sa famille « était d’une ancienne lignée pleine de légendes et de mystères ». Elle lui a aussi dit qu’elle avait hérité de dons (psychiques) héréditaires et disait que ce qui a été oublié dans l'étude religieuse est « l'importance du côté féminin, qui apporte l'équilibre au côté masculin… ». Lorsque Blessed est passé à la télé dans l’émission populaire « This is Your Life » (c’est votre vie), Ruth Wynn Owen était invitée et fut présentée comme son premier professeur d’art dramatique.
En 1999, on a parlé à la télévision, sur chanel 4, dans l’émission archéologique « Time Machine », du demi-frère de Ruth Wynn-Owen, un pilote de la seconde guerre mondiale de la Royal Air Force. Il avait été abattu au-dessus de la France en mai 1940 et le temps a déterré son Spitfire du champ où il s’était écrasé. On y a aussi vu la tombe du pilote dans un cimetière proche.
Dans les années 60, Ruth Wynn dirigeait un petit groupe païen celtique, nommé « Y Plant Bran » (les enfants de Bran), de son appartement à Ealing et de sa maison familiale dans le Yorkshire. Elle a aussi écrit des articles sur la Sorcellerie Héréditaire pour le magazine Quest, sous le pseudo de « Gwenfran ». Elle a aussi écrit un livret avec des questions et des réponses au sujet « de l’art des sorcières traditionnelles ». Elle s’est ensuite retirée sur la côte nord du Norfolk et est décédée des suites d’une longue maladie. On a dit que Wynn-Owen avait eu une influence sur le contenu des rituels de « The Regency ». Le professeur Ronald Hutton a dit : « ‘The Regency’ a combiné les idées de Cochrane avec celles de Wynn Owen, ainsi que d’une nouvelle lecture du travail de Robert Grave. Cela a donné une série de rituels sophistiqués et évolutifs. Actuellement, « Y Plant Bran » est toujours en activité et a son propre site web.
« The Regency » tenait aussi des rituels en plein air dans le bois de la Reine à Highgate, dans le nord de Londres, ainsi qu’aux Rollright Stones, dans le Warwickshire. Même si, comme nous le verrons, il y avait un noyau central qui appartenait à l’ancien coven, la plupart des réunions de « The Regency » était ouverte au public et ils pratiquaient des rituels saisonniers ouverts à tous. Le rite d’Halloween au Rollright attirait plus d’une centaine de personnes. Comme dans l’ancien coven, ces rituels étaient souvent spontanés et improvisés. Cependant, au début, ces rites étaient écrits par un « comité » dans lequel on retrouvait Ruth Wynn Owen et des membres du groupe qui appartenaient aussi à « The Regency ». L’ensemble des rituels a été dactylographié sur des feuilles volantes. On a ensuite relié ces feuilles et le texte était remis à ceux qui avaient un rôle particulier à jouer dans les rituels. En pratique, les rituels saisonniers étaient assez simples et étaient présentés sous forme de « jeux » basés sur le thème mythique de la Roue de l’Année.
Par exemple, pour Halloween, deux cercles étaient utilisés pour représenter les pays des vivants et des morts. Des dés étaient jetés pour que les participants puissent pénétrer dans le royaume des morts et ils devaient donner une pièce de monnaie au passeur comme prix du passage. Le dieu et la déesse de la mort étaient invoqués et « la route fantôme » était ouverte pour que les esprits des ancêtres puissent revenir. Des bougies étaient allumées pour dire que « il y a de la lumière aussi bien que des ténèbres dans la mort ». On buvait des verres de vin rouge en l’honneur des morts et des pommes étaient mangées en sacrément.
En 1968, Chalky White a été interviewé au sujet de « The Regency » et cette interview a été publiée dans « Man, Myth & Magic » sous le titre de « The Messiah of Highgate Hill ». Dans cet article, White dit avoir fondé une « nouvelle religion païenne » avec George Winter après avoir bu quelques pintes de bitter à la « Dick Whittington public house » à Highgate Hill. On y lit aussi que White détestait l’idée de grande Prêtresse et de Chef Druide ; ainsi l’idée dernière du nouveau groupe était de n’avoir ni leader, ni credo, ni dogme.
Considérant leur expérience récente dans le coven de Cochrane, il est plutôt étrange que White ait pu dire à l’interviewer : « nous avions pleins d'ennuis avec le rituel tout d'abord, mais après tout, nous sommes une religion en développement. Nous ne nous sommes jamais tournés vers la sorcellerie avec l’idée d’enlever nos vêtements, mais nous avons essayé la magie cérémonielle. Nous avions un mat de mai à notre premier rassemblement et c’était ridicule, alors nous nous en sommes passés ensuite –pour notre rassemblement de la chandeleur, nous avions un court service de dédication, puis une femme a recouvert un autel improvisé avec des boules de neige et des bougies. Nous avons dit quelques prières toutes simples et un peu dansé autour et ce fut tout- ».
Ronald White a donné une description intéressante des rituels de « The Regency » dans un article publié dans un magazine occulte « Spectrum », que l’auteur a édité au début des années 70. Il commence en décrivant un rituel typique pratiqué dans le Bois de la Reine à Highgate :
« Dans une île boisée où l’on trouve des chênes, du houx et des noisetiers, dans la grande région de Londres, un rituel s’est déroulé. Un à un les participants ont fait un pas en avant, se sont agenouillés devant les divinités et ont offert solennellement leur libation. Chacun pouvait parler, un peu ou beaucoup, selon son désir. La dignité du grand chêne, la présence fantastique de la Déesse et du Dieu, la quiétude de l’instant sont souvent une prière suffisante.
Sa libation offerte, chacun reprend respectueusement sa place dans le cercle. Le cri d’un hibou sera la dernière libation offerte et le Dieu et la Déesse feront un pas en avant et donneront du gâteau épicé et du vin rouge sang aux participants.
C’est une réunion de « The Regency » –une organisation sans organisation–, un groupe qui, comme son nom le suggère, n’a pas de chef. En vérité, le rite a ses instigateurs, ceux qui expriment et expliquent sa signification première ; mais il n'y a aucun pouvoir, aucun dirigeant, ni même d’obligation à participer ; le timide peut se contenter de regarder.
Plus loin dans l’article, White dit du groupe : « à la base, il se réunissait à l’intérieur, mais le manque de locaux appropriés les a poussés à se réunir dans les bois. Maintenant, sentir la terre et les grands arbres qui font rêver est une nécessité, et même si un feu n’est pas possible, les bougies du solstice d’hiver autour de l'arbre à houx et une bougie noire sont les lucioles de notre foi toute simple. La simplicité est le cœur même de « The Regency ». Il n’y a pas d’instruction écrite pour troubler l’esprit. Chaque cérémonie est issue de la terre où elle se déroule. L’ambiance décide de sa forme, les mots sont spontanés, l’action est libre. Cela n’a pas toujours été ainsi. A la base les rites étaient écrits en totalité, mais on a cessé de les répéter pour qu’ils ne deviennent pas vain ».
En 1967, Hans Holzer, le chasseur de fantômes et écrivain sur l’occulte, a fait une autre description, plutôt déformée, mais néanmoins intéressante, de « The Regency » et de ce qui restait du Coven de Cochrane. Il s’est rendu à Londres cette année là pour tourner un documentaire pour la télévision et faire des recherches pour un livre sur la sorcellerie contemporaine, qui fut publié en 1971. Il a reçu des informations sur « The Regency » et fut mis en contact avec eux. Il fut ainsi invité à une « cocktail partie » chez George Winter. Là-bas il a rencontré des personnalités de l’occulte comme Bill Gray et un ancien Alexandrien appelé Robert Turner, qui était à ce moment là le gardien d’un groupe magique de Wolverhampton « The Order of the Cubic Stone ». Le rituel qui a suivi avait pour but de réunir différentes magies et traditions sorcières dans un travail commun.
Trois jours plus tard, Holzer était invité à rencontrer un « coven habillé » dont faisait partie son informateur ainsi que Winter. Ils portaient tous des robes noires et les rituels, décrits comme une célébration d’Halloween, étaient conduits par un Maître et une Dame, assistés d’une Demoiselle. Chaque membre recevait l’escourge et était « absout de ses péchés ». Des fleurs bleues étaient offertes en symbole de mort et le cercle était purifié par la Dame qui en balayait le sol. Le balai et une épée (symbole du pouvoir du maître) étaient croisés sur le sol et le coven pénétrait dans le cercle en passant par-dessus le balai et l’épée. Les Dieux et la lune étaient invoqués dans le cercle en chantant et en dansant et une tentative a été faite pour entrer en contact avec l'esprit des morts. Ensuite, un nouvel athamé était consacré en utilisant de « l’huile consacrée » faite à base d’herbes. Le rituel s’achevait par le partage d’un gâteau aux épices et au miel et de vin.
Auparavant, son informateur, qui appartenait au groupe, avait déjà dit à Holzer qu’ils s’efforçaient de retrouver d’anciennes traditions afin que l’ancienne sorcellerie ne meure pas. Elle lui a dit que leur but était de d’accéder au savoir, pas à la puissance. Cependant, elle a ajouté qu’ils pouvaient tout aussi bien faire un rituel pour guérir que pour maudire, s’ils le désiraient. On a aussi dit à Holzer que le coven entrait dans une transe médiumnique grâce à l’usage de plantes enthéogènes ou de chants rythmiques jusqu’à ce que la personne soit partiellement hypnotisée et tombe en transe. Le médium était ensuite questionné par les autres qui lui posaient des questions au sujet de ce qu’ils voulaient savoir de leur avenir.
« The Regency » a continué à pratiquer dans les années 70 jusqu’à ce que Chalky White et George Winter quittent Londres. Ils se sont depuis tous les deux désincarnés.