Travailler avec l'obscurité

De Wiccapedia

Travailler avec l’Obscurité

Jane Meredith

Traduit et adapté de l'anglais par Iridesce


La lumière est un des mots de passe du New Age. La clarté, synonyme de vie, d’amour, de toutes les bonnes choses. La lumière en tant que blancheur qui protège et qui sécurise, la lumière dont nous sommes tous composés, qui est la meilleure part de notre nature, l’illumination vers laquelle nous tendons et la lumière que nous aspirons à devenir. La lumière, comme celle du Soleil, des étoiles ou de la Lune que nous regardons pour obtenir l’inspiration céleste. Que dire de l’obscurité ?


Exactement comme la lumière, le noir représente et peut signifier beaucoup de choses.

Le noir est traditionnellement relié aux endroits sombres de nos esprits – peurs, cauchemars, doutes, dépressions et nos propres ombres, et peut aussi représenter certains passages mornes de nos vies, des temps de crise, d’effondrement, de maladie et de dévastation personnelle. Rien d’étonnant qu’on préfère plutôt se focaliser sur la lumière.

Il y a pourtant d’autres aspects dans l’obscurité. Il y a sa simple qualité d’opposition par rapport à la lumière, ou d’absence de lumière – c'est-à-dire que, exactement comme il y a le jour, il y a aussi la nuit. Quand la Terre fait l’expérience de l’été, elle fait en même temps, sur l'autre hémisphère, l’expérience de l’hiver. Nous avons de la joie dans nos vies, et nous connaissons aussi son opposé, le chagrin. En considérant ces équations, la relation entre lumière et ténèbres devient plus claire. C’est une relation essentielle ; vous ne pouvez pas avoir l’un sans l’autre.

C’est la lumière la plus éclatante qui projette l’ombre la plus grande. C’est dans la nuit la plus obscure qu’on voit le mieux la lueur des étoiles ; et moins il y a d’autres sources lumineuses alentour ( éclairage des rues, lueur de la lune ), mieux on peut les voir. Le symbole du Yin et du Yang présente cette relation clairement : le noir et le blanc s’enroulent l’un autour de l’autre, l’extrémité de l’un rencontrant la plenitude de l’autre et arborant, en son centre, un peu de l’opposé. Cela se réfère une fois encore à la relation naturelle entre la lumière et l’obscurité – car lorsqu’il fait jour dans un hémisphère, l’autre expérimente la nuit ; et au plus haut de l’été dans une partie du globe, l’autre partie est dans les profondeurs de l’hiver.

Comment cela s’applique-t’il au travail personnel ? Pouvons nous considérer tout cela et continuer à dire que la lumière est bonne et l’obscurité mauvaise ? Ou que nous désirons être remplis de lumière, consumés par la lumière, devenir pure lumière ? Le coût de ces désirs, comme beaucoup d’entre nous le savent par expérience personnelle, est de nier une grande partie de nos émotions, beaucoup de nos expériences passées et de leurs effets sur nous, et la réalité dense de nos corps et de nos vies sur terre, où la douleur, et la mort, et l’obscurité sont aussi réelles que la lumière, la naissance et la joie, et parfois plus puissantes. Car l'obscur recèle aussi, encodé en lui, des siècles de notre déni et de notre répression, issus d'une longue tradition de religions basées sur la lumière, qui associaient l'obscur au démon, à la souffrance terrestre et à la répression, et aussi à certaines catégories de personnes.

L'occulte par exemple, a fréquemment été étiqueté comme « sombre ». Les femmes, via leur association avec la lune, les menstruations, la naissance et la mort, mais aussi avec les arts suspects de la guérison et de la magie, ont été catégorisées comme le genre le plus terrestre, le plus matériel et le plus sombre ; laissant le genre masculin et les hommes se proclamer lumineux, spirituels, et plus doués dans des disciplines telles que les arts et la politique. Il y a aussi l'embarrassant lien évident avec le racisme, puisque le blanc est appelé « bien », et le noir pas seulement « mauvais », mais aussi « moindre ».

Nous avons certainement appris que cette division et cette fausse catégorisation sont contre-productives. Pour en revenir à l'analogie avec la nature, et à quelque chose que nous avons, j'en suis sûre, tous dit à nos enfants : la nuit n'est pas mauvaise ni moins importante que le jour, seulement différente. Elle est sans doute moins bien connue, et dans ces lacunes de connaissances réside un très fort potentiel – le potentiel des rêves, des apprentissages cachés, du mystère et de l'expansion.


Travailler délibérément avec l'obscurité, c'est marcher dans ces lieux et commencer à se confronter avec le pouvoir de l'ombre, pas simplement l'ombre individuelle des traits de personnalité et des refoulements d'une personne, mais le côté obscur de toute notre culture. La plupart d'entre nous se sont retrouvés dans ces régions par erreur, pour y découvrir que nous ne devons pas seulement lutter pour gérer nos problèmes personnels de manque d'estime de soi, les abus que nous avons subis, nos addictions, nos dépendances ou quoi que puissent êtres nos soucis, mais que nous devons également gérer une structure sociale entière, qui minimise et nie la nature de ces choses, et plus encore, les étiquette comme négatives, et anti-sociales.

Le fait que, quand nous combattons, nous en sortons presque toujours avec davantage de pouvoir personnel, plus conscients de nous-mêmes, plus intégrés et avec des projets nouveaux, est quelque peu passé sous silence, ou traité comme un effet secondaire plutôt que comme une composante essentielle du processus.

Projeter de travailler délibérément avec l'obscur aussi bien qu'avec le clair, c'est s'engager dans ses apprentissages et ses mystères comme partie d'un tout. D'une certaine manière, l'obscur requiert davantage d'attention de nos part lorsque nous gérons nos peurs et que nous rappelons à nous nos pouvoirs longtemps niés ou réprimés, et nous ne disposons pas d'enseignements sûrs tels que ceux disponibles lorsqu'on travaille avec la lumière. Une chose que j'ai cependant expérimentée à de nombreuses reprises en accomplissant ce travail, c'est que plus j'ai mis de force et plus j'ai été loin en entrant délibérément dans le noir, plus j'en suis sortie forte et brillante, effectivement entourée et remplie de lumière. C'est contradictoire. Plus profond est l'obscur, plus brillante est la clarté.

Travailler avec l'obscurité, ce n'est pas se détourner de la lumière, bien que cela puisse y ressembler au départ. C'est en fait se diriger – sinon délibérément, du moins inévitablement – droit dans la lumière. Et j'ajouterais que nombre de pratiques basées sur la lumière uniquement conduisent inévitablement à l'obscurité, ou du moins au déni et à la répression, sinon à la réelle oppression et destruction, comme cela a été le cas dans l'histoire de l'Eglise catholique. Les motifs du Soleil, de la Lune et de la Terre nous eneignent continuellement cette leçon : l'heure la plus sombre est celle qui précède immédiatement l'aube, le moment le plus froid de l'année précède tout juste le printemps, et la lune noire vient toujours avant la nouvelle lune. Ni la lumière ni l'ombre ne peuvent être évitées, ou mêmes contrôlées. Elles dansent l'une avec l'autre dans une valse éternelle, et nous avons un petit rôle dans cette chorégraphie. En prenant part à cette dance nous expérimentons les grands métamorphoses de la vie et de la mort, de l'esprit et du temps, de l'ombre et de la lumière sans les éviter, sans se punir et sans les dénier. Et nous devenons plus complets.


Comment faire ? Comment pouvons nous travailler de façon sécurisée, ou du moins constructive, avec des éléments aussi sauvages, dangereux et méconnus que nos peurs, nos ombres, la condamnation de la société, et des siècles de répression ? Je procède personnellement en utilisant ce que j'appelle des « cartes ». Ces cartes existent tout simplement dans ce que j'ai déjà mis en évidence – les motifs et les séquences des saisons, de la nuit et du jour, de la lune et du soleil, ou de la vie, mort et renaissance. Elles sont bien plus détaillées et bien plus riches de l'expérience humaine dans les mythes qui nous sont parvenus ; les mythes grecs qui nous ont été rendus familiers à l'école, les mythes provenant d'Egypte, de Sumer, des Celtes et de bien d'autres cultures anciennes ; les mythes qui sont même encodés dans la Bible aussi bien que les histoires classiques, thèmes et mythes encore « vivants » aujourd'hui dans les cultures natives ou basées sur la nature.

Nombre de ces mythes et histoires, y compris ceux qui parlent de Jésus, traitent directement du thème de la naissance, mort et renaissance. L'obscur et le clair en sont deux protagonistes. Dans des mythes plus anciens comme celui, Sumérien, de la descente d'Innana dans le monde d'en-bas, l'obscur n'est même pas nécessairement une mauvaise chose, bien qu'il doive de toute évidence être approché avec prudence et préparation.

Mais dans ces deux histoires, et aussi dans bien des mythes grecs concernant le monde d'en-bas, incluant ceux de Psyché et Perséphone, le voyage dans le noir et l'intégration ou la culmination de cette expérience sont essentiels pour le développement de l'histoire et la progression du personnage principal. Le Christ pourrait-il avoir eu l'importance qu'il a eue dans notre culture s'il n'était pas « mort pour nos péchés » et n'avait pas ressuscité ? S'il n'avait pas, en d'autres termes, pénétré dans les lieux les plus sombres et ré-émergé ? Une façon très simple de travailler avec l'obscurité aussi bien qu'avec la lumière est de suivre les cycles de la Lune et du Soleil. En reconnaissant et en célébrant les phases différentes et séquentielles de la pleine lune, lune décroissante, nouvelle lune, lune croissante, ou bien les saisons et les festivals saisonniers de l'année, et en liant ces événements à nos vies et en nous posant à chaque point la question des correspondances entre ces événements et des événements plus personnels, nous commençons à comprendre les rythmes de la lumière et de l'ombre, la danse de la naissance et de la mort, partant et revenant, et revenant encore.

Certaines de nos peurs de rester coincé dans le noir, notre façon de rester agrippé à la lumière pour prolonger sa brillance, commencent alors à décroître. Ce travail peut-être accompli par des rituels, qu'ils soient de groupe ou solitaires ; par l'observation et la tenue de journaux, et par les aventures créatives telles que la poésie, l'art et la danse.

J'accomplis ce travail avec des groupes de gens, et inévitablement, je découvre que le pouvoir réside dans les secteurs que nous décrivons comme sombres. Il y a là une faim, et une peur aussi, de s'aventurer dans ces lieux d'une manière sacrée pour y chercher la guérison, l'intégration et le pouvoir personnel. Suivre les mythes est une manière très concrète de travailler avec l'ombre, car ils exposent clairement les chemins, et nous pouvons mettre immédiatement les histoires en relation avec notre expérience personnelle. Les mythes ont aussi établi une sécurité interne, ils fonctionnent sur les bases de motifs et de cycles qui incluent inévitablement un retour et une intégration comme part essentielle de l'histoire. Un autre avantage du travail avec les mythes plutôt qu'avec les aspects psychologiques primordiaux est que les facteurs communs de nos expériences sont mis en évidence – les aspects humains, collectifs, plutôt que les aspects individuels, et ceci fournit aussi un cadre et une sorte de filet de sécurité pour l'individu qui travaille sur sa propre histoire dans un contexte puissant et encourageant, plutôt qu'au milieu de nulle part dans la nature sauvage.

L'obscurité est aussi inévitable et incontournable que la mort. Le sombre contient les mystères et la magie de la naissance elle-même, et cette lutte et de cette émergence en devenir. Le sombre est effrayant, puissant, et largement méconnu, et travailler avec lui revient à embrasser ses peurs et défier ses limites, à s'étendre et s'intégrer, pas délibérément, mais inévitablement. Travailler avec l'obscur est une composante essentielle du travail avec la lumière, avec l'esprit, et de l'expérience de la vie sur terre. C'est une composante de la grande danse de l'être et du non-être.


Sources

http://www.janemeredith.com/