Onirocriticon
Onirocriticon (Jugements astronomiques des songes)
Artémidore
Traduit du grec par Charles Fontaine
AU LECTEUR
Prends ce livret fait par Artémidore,
Il te rendra content te disant plus.
PREMIER LIVRE D’ARTEMIDORE : Des songes spéculatifs, et allégoriques, ou significatifs.
Il y a des songes qui sont spéculatifs, et correspondent à leur vision. Comme quelqu’un a songé que le Navire où il était périssait, et au réveil il arriva que c’était vrai, et il se sauva avec peu de gens. Les autres sont allégoriques, qui par une chose signifient une autre, l’âme nous avisant naturellement qu’il y a je ne sais quoi de secret caché dessus, dont je donnerai une définition du Songe en général, contre laquelle on ne pourra rien alléguer sauf chez les esprits chicaniers. Songer est un mouvement ou une fixation de l’âme en diverses formes et qui signifie des bonheurs ou des malheurs à venir. Les songes qui ne s’étendent point à autrui, étant seulement en eux et envers ceux qui les voient, et non envers autrui, ni par autrui : ils adviendront à ceux qui les voient, comme parler, chanter, danser, combattre et nager. Mais ceux qui sont autour du corps, ou des choses externes, comme lits, coffres, habits, et meubles, [p. 9] même s’ils sont propres et particuliers, si est ce que souvent advient aux prochains selon la nécessité et propriété de l’usage. Et en cette sorte la tête signifie le père, la main droite la mère, le fils et le frère, la main gauche signifie la femme, l’amie, la fille et la sœur. Or est-il que des songes communs, et qui s’entendent à autrui, tous ceux qui se sont par nous et en nous, ou envers nous seulement, ils doivent être réputés appartenir à nous particulièrement. Et au contraire, tous ceux qui ne se sont pas à nous, ou envers nous, ni par nous adviendront à autrui; toutefois si ce sont nos amis, et que les songes soient significatifs de bien, la joie nous en sera double, et au contraire, la tristesse; mais si ce sont nos ennemis, il faut estimer et juger aussi au contraire.
De Naître.
Si quelqu’un songe qu’il sort du ventre d’une femme, comme pour naître au monde, il faut juger en telle sorte. Ce songe est bon à celui qui est pauvre, car il aura des moyens ou des amis qui le nourriront; mais s’il est artisan, et d’un métier qui requiert qu’on travaille des mains, le songe lui prédit qu’il sera sans oeuvrer, comme les enfants qui ont les mains enveloppées. A celui qui est riche, ce songe signifie qu’il n’aura pas le contrôle de sa maison, mais que d’autres domineront sur lui contre sa volonté : car les enfants sont gouvernés par autrui. A celui dont la femme n’est pas enceinte, cela signifie qu’il perdra sa femme, car les enfants ne sont pas mariés et hantent les femmes. Mais à celui dont la femme est enceinte, c’est qu’il aura un fils qui lui sera du tout semblable. Et en cette sorte il lui semblera qu’il est né deux fois. Aux champions et combattants, ce songe est mauvais : car les enfants ne cheminent ni ne courent et ne peuvent assaillir aucun. A celui qui est en lointaine région, c’est qu’il retournera chez lui, afin qu’il retourne à son commencement. A celui qui est malade, c’est la mort, attendu que les Morts sont enveloppés de linges et drapeaux comme les enfants, et étendus en terre.
D’être gros d’enfant.
Si quelqu’un, étant pauvre, songe qu’il est enceint d’enfant, il deviendra riche et amassera de l’argent à grand tas. S’il est riche, il sera en peine et soucis.
Qui a femme, la perdra, n’ayant plus besoin qu’elle lui fasse d’enfants. Qui n’en a point en aura une bien douce. Aux autres, ce rêve signifie maladie. Mais être enceint puis enfanter, c’est pis : car il veut dire que le malade mourra bientôt. Mais à celui qui est pauvre et endetté, vit en peine et misère, c’est la fin et la décharge de tous ses maux présents. Aussi ce songe révèle les secrets. Ce songe est contraire aux riches usuriers, négociateurs, et à tous qui sont en autorité : car ce qu’ils avaient auparavant, ils le perdront. Mais aux marchands et navigateurs, ou à ceux qui ont navires ce songe est bon. A plusieurs est advenu après ce songe perte de parents.
D’avoir enfant.
Songer de voir ou avoir des enfants en propre et non d’autrui, est mauvais à l’homme et à la femme : car c’est souci et tristesse des choses nécessaires, sans lesquelles on ne peut nourrir les enfants. Mais les mâles apportent bonne issue. Les filles apportent une fin pire que le commencement, car elles sont mariées avec dot. J’ai connu un homme qui songea qu’il lui était né une fille, et il emprunta de l’argent à usure. Et au contraire j’ai connu un autre qui songea qu’il enterrait sa fille trépassée, et il lui advint qu’il fut contraint de payer la dette dont il était obligé, ainsi donc la fille a convenance avec la dette : mais voir des enfants d’autrui est bon quand ils sont beaux et de bonne grâce : car cela signifie approcher bon temps.
Des enfants enveloppés de drapeaux et linges, et du lait.
Si quelqu’un se voit enveloppé de drapeaux à la façon des petits enfants et sucer la mamelle d’une femme qu’il connaisse, c’est longue maladie, s’il n’a sa femme enceinte. En ce dernier cas, il lui naîtra un fils qui lui ressemblera. Et si la femme fait ce songe, il lui naîtra une fille. Mais si quelqu’un étant en prison fait ce songe, le diable lui suscite encore quelques charges, avant qu’il ne soit délivré. Et n’est pas hors de raison juger le semblable en la maladie : mais se voir par songe avoir du lait en ses mamelles : à la jeune femme, c’est qu’elle concevra et son fruit viendra à perfection. A la vieille étant pauvre cela signifie richesses; étant riche, dépense et largesse. A la fille, ce sont ses noces qui approchent, car sans être accouplée avec l’homme elle ne pourrait avoir de lait; mais si elle est bien petite fille et loin du temps d’épouser, celui signifie mort : car toutes choses advenant en-dehors de l’âge requis sont mauvaises, à peu d’exceptions près. A l’homme pauvre, c’est abondance d’argent et de possessions, de sorte qu’il puisse nourrir les autres. Davantage j’ai connu par expérience que ce songe prédit à celui qui n’est point marié mariage. A celui qui n’a point d’enfants, il en aura. Mais au champion et artisan et à tous ceux qui de leur état travaillent et meuvent le corps, il signifie maladie : car les corps féminins ont du lait, de même j’ai connu que quelqu’un ayant femme et enfants, à qui était advenu ce songe, perdit sa femme par mort : et puis après lui même nourrit ses enfants, faisant envers eux office de père et de mère ensemble.
De la teste.
Songer avoir grande tête, est bon à l’homme riche, qui n’a point encore grand état ni dignité. Aussi à celui qui est pauvre, au champion, à l’usurier, au changeur, et à celui qui recueille l’argent pour le vivre : car en premier ce songe prédit principauté ou dignité, en laquelle il faudra qu’il porte couronne, sceptre ou diadème. Au second grandes richesses de possessions, au champion, victoire; au changeur et usurier, amas de grandes sommes d’argent. Mais au riche qui est déjà en dignité, et au rhétoricien, et au juge du peuple, ce songe apporte charges de par le peuple. Et à celui qui est malade c’est douleur de tête. A l’homme de guerre travaux et peines. Au serf longue servitude. Et à celui qui a élu vie tranquille, c’est peine et fâcherie. Mais avoir la tête plus petite que la proportion naturelle, signifie choses contraires selon la raison de la signification de chaque tête ci dessus décrite, portant différence pour différentes qualité de personnes.
Des cheveux longs.
Avoir les cheveux grands et beaux et y prendre gloire, est bon principalement à la femme, et aussi à l’homme sage, au Sacrificateur, au devin, au roi et Prince : car à ceux qui ont coutume de laisser croître leurs cheveux, ce songe est bon, attendu que leur profession leur permet d’entretenir leur perruque. Il est bon aussi aux autres, mais non pas tant : car il leur signifie seulement richesse, laborieuse non joyeuse, car il faut du temps et de la peine pour produire de longs cheveux.
Du poil de Porc et de Cheval.
Songer avoir poil de Porc, signifie grands périls violents, et tels que sont ceux auxquels la bête est sujette, à savoir le Porc. Avoir poil de Cheval c’est servitude et misère.
Avoir laine au lieu de cheveux.
Avoir de la laine au lieu de cheveux, prédit longues maladies, et la grattelle, et souvent ayant de la laine en la tête, il pensera quasi qu’elle lui est naturelle. Si les cheveux semblent être changés en quelque autre matière, il faudra semblablement faire conjecture, c’est à dire selon la nature de la transmutation aussi. S’il se voit sans poil à l’entour de la face, c’est honte prochaine, et empêchement d’affaires présentes. Mais voir la partie de derrière la tête en telle sorte, c’est pauvreté et infortune en la vieillesse. Si aucun a la partie droite de la tête chauve et nue, il perdra tous ses parents mâles, et s’il n’en a point il aura dommage. Si au contraire, la partie gauche de la tête est sans poil, c’est perte de cousines et alliées : car la tête signifie les parents : la partie droite, les mâles, la gauche les femmes, et ainsi par tout le corps. Avoir tout le derrière de la tête nu, est bon à celui qui est connu en Justice, qui a crainte, et qui est référé et détenu par force : car il pourra fuir et éviter, attendu qu’on ne saura comment les prendre par derrière en fuyant.
Se voir tondre ou raser.
Se voir raser tout le chef, est bon aux baladins qui ont coutume de faire rire, et à ceux qui communément sont rasés. À tous les autres il est mauvais car il signifie autant que nudité et calvitie, mais il apporte plus grands maux et plus prochains. Aux marins c’est évident naufrage, aux malades grand péril non pas mort toutefois : car ceux qui sont sortis de naufrage et de grande maladie se rasent, mais non pas les morts. Être tondu par le Barbier, est bon à tous généralement : car certes nul en quelque cas dangereux ne se tond, mais ceux qui aiment l’honnêteté ou qui sont sans tristesse et indigence. J’ai dit par les mains du Barbier : car si quelqu’un se tond soi-même, cela signifie tristesse subite, ou infortune pleine de grands maux. Au surplus, c’est qu’il acquittera aux autres ses dommages par ceux qui le grattent.
Du Front.
Le Front sain et charnu est bon à tous, et signifie liberté de parler, force et confiance. Mais songer avoir le front d’airain, de fer ou de pierre : aux taverniers, et à tous qui vivent avec impudence sans honte et vergogne est bon, et à eux seulement, aux autres cela engendre haine.
Des Oreilles.
Avoir plusieurs oreilles, est bon à celui qui veut avoir quelqu’un d’obéissant, comme femme enfants, serviteur. Au riche, signifie grand renom en bien si les oreilles sont belles et bien formées, ou en mal, si les oreilles sont laides et difformes. Ce songe est mauvais au serf, même à celui qui a procès comme demandeur ou défendeur, mais il est bon à un artisan et ouvrier qui travaille des main : car il y en aura plusieurs qui le demanderont pour faire une besogne. Perdre les oreilles, c’est le contraire de chacune des choses susdites. Curer ses oreilles, c’est bonne nouvelle qui nous viendra de quelque part. Et au contraire les oreilles battues et frappées, prédisent mauvaises nouvelles.
Des fourmis entrant aux oreilles.
Songer que les Fourmis entrent dans les oreilles est bon seulement aux Sophistes, Philosophes et Précepteurs : car les Fourmis sont semblables aux enfants qui vont ouïr les Sophistes. Aux autres, ce songe signifie la mort : car elles sont filles de la terre, et entrent dedans la terre. J’en ai connu un qui songea que de ses deux oreilles étaient sortis des épis de blé, et que le blé en tombait dans ses mains et il s’ouït appeler héritier d’un sien frère mort, à cause des épis : Héritier de son frère, à cause des oreilles, qui sont comme frères et sœurs. Songer d’avoir oreilles d’âne, est bon seulement aux philosophes : car un âne ne peut mouvoir facilement les oreilles; aux autres, c’est servitude et misère. Avoir oreilles de Lyon, de Loup ou de quelque autre bête cruelle, c’est fraude par envie. Au surplus, songer avoir les yeux aux oreilles, signifie aveuglement.
Des sourcils.
Les sourcils velus et de bonne grâce, sont bons à toux, et même aux femmes. Mais les sourcils nus et sans poil, signifient à tous mauvaise issue des affaires, deuil et douleur.
Des yeux.
Avoir vue aiguë est bon généralement à tous. Mais la vue trouble signifie faute d’argent, et empêchement d’affaires. A celui qui a enfants, c’est qu’ils seront malades. Être aveugle du tout, c’est perte des enfants, de frère, de père et mère. Toutefois ce songe est bon à celui qui serait en prison, et à celui qui est grandement pauvre : car le premier ne verra plus autour de soi les maux. Le second aura qui lui aidera et fera plaisir, comme plusieurs sont prêts à donner la main à un aveugle. Mais ce songe empêche de faire longs voyages, et prédit aussi à celui qui est en pays étranger, qu’il ne retournera pas chez lui : car celui qui a perdu la vue, ne pourrait voir, ni pays étranger, n’y sa maison. Aussi est mauvais ce Songe à l’homme de guerre, et aussi à tout courtisan : car leurs affaires n’auront point bonne issue. Aussi est contraire aux marins, et à ceux qui contemplent les étoiles et aux devins. Et si aucun cherchant une chose perdue voit ce songe là, jamais ne la retrouvera. Aux poètes ce songe est bon : car ils ont besoin de grand repos quand ils veulent composer en vers. Aux malades ce songe leur apporte toujours la mort. Si quelqu’un songe avoir perdu un œil, les choses prédites et signifiées lui adviendront en partie et comme à demi. Davantage il faut considérer que l’œil droit signifie le fils, le frère, le père, et le gauche la fille, la sœur et la mère. Avoir trois ou quatre yeux à celui qui a envisagé prendre femme, et à celui qui n’a point d’enfants est bon et qui désire en avoir. C’est bon aussi à l’usurier : car il aura grandes sommes de deniers. Mais à celui la qui doit, c’est mauvais. Au riche cela annonce qu’il se donne bien garde de soi, et de ses possessions, pour raison de quelques fraudes et menées secrètes. Et à l’homme trompeur et à la femme belle, avoir plusieurs yeux n’est pas bon : car celui-là aura plusieurs yeux qui le surprendront, celle-ci aura plusieurs paillards qui seront surpris autour d’elle. Au surplus si quelqu’un songe avoir des yeux aux pieds, ou aux mains, perdre la vue si en autre partie du corps, ceste partie là sera malade, battue ou affolée. J’ai connu homme qui songea que ses yeux lui étaient tombez aux pieds, et il n’en devint pas aveugle, mais maria ses filles avec ses serviteurs. Avoir les yeux d’autrui, signifie perdre la vue, mais si on connaît celui de qui on a les yeux, on aura son enfant ou quelque grand bien de lui.
Du Nez.
Avoir le nez beau et grand, est bon à tous : car il signifie subtilité de sens, et providence aux affaires, et accointance avec grands personnages. Mais n’avoir point de nez, signifie le contraire. Et au malade la mort : car la tête des morts n’a point de nez. Avoir deux nez c’est discorde avec les domestiques plus apparents.
Des Joues.
Avoir les Joues refaites et pleines, est bon à tous, même aux femmes, mais plates et pleines de furoncles, c’est tristesse.
Des Mâchoires et des Lèvres.
Les mâchoires sont reliées aux caves, boutiques, et autres choses propres à garder marchandises ou drogues. Les lèvres sont reliées à ceux qui nous baisent ou embrassent et qui sont souvent autour de nous comme la femme, les enfants, les parents et alliés. Si l’un ou l’autre nous semble avoir quelque mal ou difformité, c’est que les affaires de nos alliés ne sont pas en bon état.
De la Barbe.
Avoir la barbe longue et épaisse, et rude, est bon à celui qui est curieux de bien parler, comme serait un ambassadeur, orateur, avocat, aussi un philosophe, et à celui qui veut entendre quelque affaire. Si la femme veuve songe avoir barbe, elle recouvrera mari, ce qui lui sera doux et bien. Si elle est mariée elle perdra son mari, ou sera séparée de lui, gouvernera sa maison seule, comme si elle était homme et femme tout ensemble, sauf si elle est enceinte, ou connue en justice : car celle-là fera un fils et celle-ci demeurera en son entier, ayant haut cœur et honneur comme si c’était un homme. Au jeune enfant ce songe signifie mort, mais à celui qui est déjà en adolescence commençant à porte Barbe, c’est signe qu’il parviendra de soi-même, et se mettra en avant, de quelque qualité qu’il soit. La barbe tombant, ou rasée, ou à force arrachée par mains d’autrui outre ce que signifie perte de parents, c’est aussi dommage et déshonneur.
Des dents.
Les dents de dessus, signifient les membres les plus apparents de la maison, et celles de dessous les inférieurs : car il faut estimer que la bouche représente la maison, les dents, les habitants. Celles du côté droit, les hommes, et les autres les femmes. Ou autrement les droites, les plus vieux, les gauches, les plus jeunes. Les dents de l’œil, ceux d’âge moyen, les grosses dents, les vieux. Quelque dent donc que l’homme songera perdre, il perdra tel personnage que la dent signifierait. Mais les dents signifient aussi perte de biens. Par les grosses sont entendus les trésors cachés, et par les autres la vaisselle, ou autre chose de petite importance. A ceux qui sont en dette, si une dent quelconque leur tombe, cela signifient qu’ils s’acquitteront. Les dents tombant toutes en un coup, cela signifie que la maison sera déserte et abandonnée de tous les habitants. A ceux qui sont malades, songer que quelque dent ou dents leur tombent, c’est longue maladie, mais sans mort. Le meilleur serait de songer perdre toutes les dents : car on serait plutôt relevé de maladie.
Au serf, n’avoir nulle dent : c’est liberté. Aux marchands, brève et bonne issue de leurs marchandises, charges et trafics. Les dents qui semblent croître de sorte que l’une surpasse l’autre, c’est sédition en la maison, ou si elles semblent bouger mais sans tomber. Ceux qui ont les dents noires, pourries, rompues, et songent les perdre, seront délivrés de leurs maux et fâcheries. Aussi par ce songe certains ont perdu des vieillards. Avoir les dents d’or est bon à ceux qui s’étudient de bien parler : aux autres c’est dommage par feu en la maison, à d’autres maladie d’abondance de colère. Avoir des dents de cire, c’est mort subite de plomb ou d’étain, c’est vergogne et déshonneur; de verre ou de bois, mort violente; d’argent, c’est acquérir argent par éloquence et beau parler. A riche c’est grande dépense en vivres et provisions. Songer perdre des dents et en recouvrer d’autres, c’est changement d’état en bien ou mal selon la qualité des dents. Recevoir ses dents en sa main, ou en son sein, c’est perte d’enfants. Regratter ses dents de la langue, c’est mettre fin à ses peines et misères par son éloquence.
Du vomissement de sang et d’humeurs, colériques et mélancoliques.
Vomir beaucoup de sang et de bonne couleur, est bon à celui qui est pauvre : car il acquerra abondance d’argent. Aussi est bon à celui qui n’a point d’enfants, et qui a son parent en pays étranger. Le premier verra un sien enfant, l’autre son parent de retour. Porter du sang n’est pas bon à celui qui veut être caché. Vomir du sang corrompu, c’est maladie à tous. Jeter un petit peu de sang comme en crachant c’est sédition, ainsi comme je l’ai connu par expérience. Vomir flegmes, soit humeurs colériques ou mélancoliques, est bon à celui qui est en misère, et angoisse, ou maladie, car il signifie cesser tous ses maux. Vomir ses entrailles, c’est mort d’enfants, c’est perte de chose la plus chère qu’ils aient entre leurs biens; au malade, c’est la mort.
Du col et d’avoir plusieurs têtes.
Tout sur ongle, maladie ou imperfection autour du col, de la tête, ou de la barbe, signifie à tous indifféremment maladie. Avoir deux ou trois têtes, est bon à celui qui est pauvre : car il amassera beaucoup de biens et aussi aura femme et enfants de bonne nature. Au riche c’est adversité de la part de ses alliés.
D’être décapité.
Songer d’être décapité soit par justice ou autrement, est mauvais à celui qui a père et mère et enfants, car il signifie les perdre. D’aucuns aussi, par ce songe, ont perdu femmes, amis, métayer. Et quelque autre ayant maison l’a perdue. Et qui toutes choses n’aura par toutes ces fortunes, mais comme j’ai connu par expérience, il perdra ce qui lui est plus nécessaire et qu’il aura le plus cher. Ce songe est bon à celui qui est accusé de crime et en danger de mort. Mais aux changeurs, usuriers, patrons de galères, ou marchands, et à tous qui recueillent argent, il signifie perte de somme d’argent. Le songe est bon à ceux qui doivent. Celui qui est en pays étranger retournera en son pays. Qui a procès d’héritage, gagnera sa cause, mais en cause d’injure et d’argent, il la perdra.
D’avoir le col tordu.
Avoir la tête renversée de sorte qu’elle regarde sur le derrière, annonce de ne pas partir du pays et de n’entreprendre aucune affaire, autrement l’issue en serait mauvaise. Ceux qui sont en pays étranger, retourneront chez eux.
D’avoir la tête de quelque bête
Penser avoir la tête d’un lion, d’un loup, d’une panthère, d’un éléphant au lieu de la sienne, est bon : car entreprenant choses plus grandes que sa puissance, celui qui aura fait ce songe, en viendra à chef et honneur. Plusieurs désirant offices et dignités, y sont parvenus après ce songe. Songer avoir tête de chien, de cheval ou d’âne, ou d’autre bête à quatre pieds, c’est servitude, peine et misère. Avoir tête d’oiseau, c’est qu’on ne demeurera pas en son pays.
Avoir la tête entre ses mains.
Songer avoir sa tête entre ses mains, est bon à celui qui n’a femme ni enfants, et à celui qui désire le retour de quelqu’un étant lointain. Et si l’on a encore souci de peigner et parer ceste tête qu’on pense tenir entre ses mains, c’est signe qu’on disposera bien de ses affaires, et qu’on aura fin des maux et adversités. Même chose, si avec cette tête qu’on tient aux mains, on pense encore en avoir une autre naturelle.
Avoir des cornes.
Songer avoir des cornes de Boeuf, ou de autre telle sorte de bête, signifie mort violente et le plus souvent décollation, laquelle aussi advient aux bêtes qui portent cornes.
Des épaules.
Les épaules grasses et charnues sont bonnes à tous, fors à ceux qui sont aux liens ou en prison. Aux premiers cela signifie force et prospérité, aux autres, qu’il seront longtemps en captivité. Si les épaules sont malades, maigres et défaites, cela signifie le contraire des choses susdites. Et souvent cela prédit la mort ou maladie des frères.
De la poitrine et des mamelles.
Avoir la poitrine saine, est bon, l’avoir velue est bon et signe de gain aux hommes : aux femmes signifie veuvage. Les mamelles belles et sans aucun mal, sont bonnes, et si elles apparaissaient plus grosses, toutefois avec moyen et grâce, elles signifient enfants, et possession à venir. Mais si elles sont malades, comme pleines de fronces, c’est maladie à venir. Mamelles tombantes, c’est mort d’enfants à celui qui songe, et s’il n’en a, c’est pauvreté à lui. A la nourrice c’est mort de l’enfant qu’elle nourrit. Avoir plusieurs mamelles signifie comme de les voir plus grande que de coutume. A la femme, c’est qu’elle fera train de paillardise. Être navré en l’estomac par quelque familier, c’est mauvaise nouvelle aux vieillards; aux jeunes gens soit hommes ou femmes, c’est amour.
Des Mains.
Les mains belles et fortes : c’est prospérité, même aux gens de métier. A celui qui craint être lié et mis en prison, le songe n’est point sans doute. Outre ce que par ci devant nous aurons dit que la droite signifie le fils, le père, l’ami; la gauche, la femme, la mère, la soeur, la servante. La droite peut signifier les biens que l’on est âpre pour acquérir, la gauche, les biens déjà acquis. Si donc l’on songe que l’une ou l’autre est perdue, l’on perdra une des choses qui sont signifiées. En général toutes les deux mains signifient art, signer, parole. Perdre tous les doigts de la main, ou une partie, signifie dommage et perte de serviteurs. Aux écrivains, orateurs, avocats cela signifie qu’ils seront sans gain et oisifs; à ceux qui doivent qu’ils payeront plus qu’ils ne doivent; aux usuriers perte d’usures. J’ai connu homme qui songea n’avoir point de doigts, et icelui trouva créditeur qui lui prêta argent, même sans obligation. Avoir plus de doigts que le naturel, signifie le contraire que d’en avoir défaut. Certains ont pensé que c’était bon songe, toutefois c’est le contraire : car l’on se trouve mal d’avoir plus de doigts que le naturel. Et si sont oisifs les doigts abondants, ils en rendent leurs maîtres oisifs. Avoir du poil qui sort des jointures, c’est captivité; mais s’il sort de la paume de la main, c’est oisiveté, principalement aux laboureurs et gens de métier. Avoir plusieurs mains est bon à un artisan et manoeuvre. Car le songe lui dit: tu auras affaire de plusieurs mains, tant il te viendra de besogne. Et aux gens de bien aussi est bon : car il signifie acquérir enfants, serviteurs ou argent, comme j’ai connu par expérience : Mais aux méchants, c’est captivité, et qu’on jettera les mains sur eux.
Des côtes et du nombril.
Les côtes et le ventre inférieur contenant les boyaux, jusques au membre, c’est force de corps et abondance de biens et richesses. Si donc elles semblent malades, ils signifient maladie au corps, et pauvreté à la bourse. Le nombril, c’est perte de père et mère à celui qui les a, et aux autres le pays.
Des parties intérieures.
Songer être mort et voir les parties intérieures selon leur ordre naturel, est bon à celui qui n’a pas d’enfants et à celui qui est pauvre : car l’un verra de ses enfants, l’autre du bien; mais au riche et à celui qui veut être secret, c’est honte et surprise. C’est mal à tous quand les entrailles sont regardées par autrui : car ce sont affaires fâcheuses, procès et diffamations. Mais songer d’être ouvert et ne voir aucune entraille, signifie maison déserte à celui qui l’aurait songé, perte d’enfants et mort par maladie. C’est aussi soulagement à celui qui est en misère : car qui perd les parties concernant les cures et soucis, certes il sera délivré de tristesse. Outre cela il faut estimer que le coeur signifie l’homme et mari de la femme qui aurait songé; et la femme de l’homme qui l’aurait songé. Semblablement aussi le poumon. Mais le foie signifie le fils, les vivres et le foin. Le fiel, humeur colérique ou mélancolique, l’argent et les femmes. La rate, les voluptés. Le ventre et les boyaux, les enfants : car ils crient fort pour avoir à se repaître, et pareillement aussi signifient les usuriers. Les reins signifient les frères et cousins.
Du Membre.
Le Membre signifie le père et la mère, les enfants, la femme, l’amie, les frères ou cousins, la force du corps. Eloquence et science, car il est fort fertile et abondant. En outre, il signifie richesse et possessions, parce que il croît et diminue. Item conseil et secret, car il est appelé honteux. Pauvreté et servitude : car il est appelé nécessaire. Il signifie aussi dignité et accroissement d’honneur. Et pourtant quand on songe voir en son état et lieu, cela signifie permanence des choses représentées qui par lui sont signifiées, croissant, croissance, diminuant, diminution, double redoublement des choses présentes, forts de la femme et amie : car un homme ne peut user de deux membres.
Des aînes et cuisses.
Les aînes ne signifient autrement que le membre, les cuisses pareillement. Sauf lorsqu’elles semblent humides : alors, elles ne signifient pas joie aux riches, mais dépense en plusieurs et voluptés avec perte et dommage.
Des genoux.
Les genoux forts et robustes signifient voyages ou autres mouvements etet opérations et santés; mais débiles et malades, elles signifient le contraire. Un arbre ou une branche sortant du genou signifie retard et empêchement; au malade, la mort. Souvent les genoux sont les frères et familiers, aussi les enfants.
De la jambe, des pieds et du talon.
La Jambe, les pieds, et talons ont quasi même signification que les genoux. Avoir plusieurs pieds est bon aux marchands et patrons de galères, car ils commanderont à plusieurs serviteurs, et cela signifie tranquillité au patron. Ce songe aussi est bon à un homme pauvre; au riche, c’est maladie. Plusieurs par ce songe ont perdu la vue et les malfaiteurs ont été prisonniers. Voir ses pieds en feu, est mauvais à tous, et signifie perte de biens, d’enfants et de serviteurs. A ceux qui ont entrepris un prix de course, c’est bon car ils courent vite et comme ayant le feu aux pieds.
Du dos.
Le dos et tout le derrière, signifie vieillesse. Tel on le pensera avoir et tout le derrière, ainsi l’on se portera en la vieillesse.
De la transmutation de la personne.
De petit que l’on était, devenir grand, et de grand encore plus grand sans excéder raison, est bon : car c’est accroissement de besogne et de biens; mais être grand outre mesure signifie mort. Aussi, il est mauvais au vieillard d’être transmué en jeune homme et en jeune enfant, car ils changeront en pire état; mais le contraire est bon, car ils viendront en meilleur état. Songer être femme, est bon à l’homme pauvre et serf : car le premier aura qui le nourrira comme une femme, et l’autre aura moins de peine; mais au riche c’est mauvais, même s’il a le gouvernement de la chose publique : car il lui enlève son office et autorité, parce que les femmes gardent la maison. A ceux qui ont travail de corps, c’est maladie : les femmes sont plus faibles que les hommes. Si la femme songe être homme, et qu’elle ne soit mariée, elle aura mari, ou si elle n’a pas d’enfant, elle aura un fils, et ainsi elle ne sera aucunement muée en nature d’homme. Mais si elle a mari et fils, elle sera veuve. A la servante, c’est une plus grande servitude : car elle soutiendra les peines comme un homme. Il est bon à la putain, car elle cessera son méchant train. En outre si un homme ou une femme pauvre songent être d’or, ils seront riches; s’ils sont riches ils auront des embûches: car l’or et l’argent suscitent beaucoup d’embûches. Au malade, il signifie mort. Comme aussi être d’airain, fors au champion et au serf : car celui-là aura victoire et statue érigée, et celui-ci, la liberté. Songer être de fer, signifie misères infinies. Mais être tout de terre, signifie mort, fors à ceux qui vivent de terre, comme les potiers de terre. Être de pierre, signifie recevoir coups et blessures. Si l’on songe être transmué en forme de bête, faudra juger selon la nature d’icelle. Et de ce traitera le second Livre, au propos de la chasse. J’ai observé qu’il est bon à tous, de songer être beau et de bonne grâce, sans toutefois excéder le commun usage : Car être trop beau, trop brave et trop robuste, vaut autant comme d’être laid, lâche et faible, lesquelles choses signifient la mort au malade, et aux amoureux ils signifient mauvaise issue, surprise et trahison.
Des arts, ouvrages et exercices.
Quiconque en songeant fait ce qu’il a appris et exercé et en vient à bonne issue, est fort bon à tous : car l’on viendra à honneur de sa besogne et entreprise. Mais songer ne pouvoir venir à bonne issue, signifie le contraire. Si quelqu’un en songeant fait ce qu’il n’a appris n’y exercé et en vient à bonne issue, cela est bon : mais s’il se trouve empêché et n’en peut venir à bout, c’est fâcherie et empêchement d’affaires, jusques à être moqué. Exercer l’agriculture, soit labourer, semer ou planter, c’est bon à celui qui cherche femme, ou qui n’a point d’enfants : car le champ, c’est la femme, la semence et les arbres, les enfants; le froment, les mâles, l’orge les femelles et avortons. Aux autres ce songe signifie maladie et fâcherie : à celui qui serait malade en la maison où le songe avait été fait signifie mort : car les semences et plantes sont enterrées comme les morts. Moissonner, vendanger, biner, tiercer en temps, signifie que les affaires et opérations seront différées jusques au temps qu’on a coutume de ce faire. Gouverner un navire, si on en vient bien à honneur et sans péril, encore que ce ne soit sans doute et peine, est bon; mais si l’on est troublé de tempêtes, ou si le navire est rompu et brisé : c’est grande abondance de maux, ce que j’ai connu souvent par expérience. Tailler et coudre en cuir aux gens de bien, c’est bon à cause des mesures qu’il faut qu’elles soient justes. Aussi est-ce bon à celui qui veut se marier, ou prendre connaissance et alliance, à cause des coutures serrées et jointes. Mais teindre cuirs est mauvais à tous, révèle les secrets, à cause de la mauvaise odeur. Voir des médecins est très mauvais sur tout. Être obscur signifie maléfices à celui qui aurait songé à cause des poisons et chaînons que l’orfèvre manie. Être tailleur, tourneur, graveur d’images et figures, est bon aux gens adultères et bavards, flatteurs, trompeurs et faussaires, à cause que ces arts démontrent d’autres effets que le vrai. Aux autres gens, cela signifie honneur : car de tels ouvrages sont montrés à plusieurs.
Besogner en matière de fer.
Besogner en matière de fer et battre sur l’enclume, signifie noise ou procès. Et ainsi faut-il juger en tous autres arts, tant de la qualité des arts même, que de la personne qui aurait songé. Et il faut entendre qu’autant vaut voir des ouvriers ou artisans besognant, ou leurs boutiques et outils, que de se voir exercer l’art même. Toutefois il y a différence entre les outils : ceux qui fendent et brisent, signifient discorde et dommage et ceux qui unissent ou lient, c’est utilité, noces, alliance, mais empêchement de voyages. Ceux qui polissent et aplanissent, apaisent les inimitiés. Ceux qui adressent et compassent, révèlent les secrets, comme la géométrie, et voir des géomètres.
Des Lettres.
Apprendre les lettres est bon à l’ignorant : car il lui adviendra quelque bien, toutefois avec labeur et crainte. Mais à celui qui sait les lettres, les apprendre derechef n’est pas bon : car c’est le fait d’un enfant d’apprendre, ainsi cela lui signifie empêchement d’affaires et mauvaise issue, seulement est bon à celui qui désire avoir un fils : car non pas lui mais son fils apprendra. Si quelque Grec songe qu’il apprend les lettres romaines, autrement latines, et au contraire quelque Romain les lettres grecques, ils passeront et iront d’un pays à un autre. Plusieurs Romains par ce songe ont eu femmes grecques, et les Grecs femmes romaines. Lire bien et droit les lettres barbares et des étrangers, signifie qu’on ira en leurs pays, et on y aura biens et honneurs. Mais lire mal, c’est le contraire, ou que le malade entrera en folie ou frénésie, à cause du langage sauvage et étranger qu’on parle quand on est en rêverie. Quelconques lettres ou en quelque langue que ce soit qu’on ne puisse lire, signifie fâcherie ou trouble pour peu de jours s’il y a peu d’écriture : mais pour longtemps s’il y en a beaucoup.
Des jeux et ébats.
Jouer à la toupie, c’est peine et travail, dont toutefois viendra du bien. Jouer à la paume, signifie longues noises et querelles, ou souvent amour envers les putains : car la balle est semblable à la putain, à cause qu’il n’y a point d’arrêt et qu’elle vient entre les mains de plusieurs.
Des jeux, farces et instruments.
Sonner la trompette à ceux qui veulent batailler, est bon, et à ceux qui ont perdu serviteurs : mais il révèle les secrets à cause du grand son, et tue le malade : Aux serfs il promet liberté. Mais sonner le clairon, est mauvais et défend d’entreprendre procès. Quelconque instrument que l’on aura enflé, signifie trouble. Faire office de cri public, c’est autant que sonner la trompette. Jouer du chalumeau ou de la musette, est bon à tous. Chanter et sonner de la harpe aux oblations et sacrifices, est bon pour noces et alliances, et mauvais aux autres affaires. A plusieurs signifie maladie de la goutte, à cause des cordes et des nerfs. Jouer ou voir jouer tragédie, signifie travaux, batteries, injures et mille maux. Mais de jouer farce joyeuse, c’est bonne issue d’affaires. Ouïr chantres signifie déceptions. Chevaucher un cheval bien allègrement, est bon à tous : car le Cheval c’est la femme, ou l’amie, sur le navire, le maître et conducteur ou le gouverneur, et le bon ami. Ainsi donc comme l’homme se trouve bien du cheval, ainsi fera-il de tout cela. La charrette signifie autant que le cheval, fors qu’au malade elle signifie mort. Comme aussi le char à quatre roues. Chevaucher à cheval par la ville, est bon à celui qui entreprend jeu de prix, et au malade : car l’un gagnera le prix, l’autre guérira. Mais chevaucher hors la ville, c’est tout le contraire. Mener ou conduire chariots par bois ou déserts, c’est mort prochaine à tous.
De la course.
Courir est bon fors aux malades, quand ils pensent bien venir à la fin de leur course : car cela signifie qu’ils viendront en bref au terme et fin de leur vie.
Être démis de son office.
Être disposé et mis hors de son lieu, état de dignité, est mauvais à tous, signifie mort au malade.
De la lutte.
Lutter avec quelque parent, signifie querelle avec lui, entre ceux qui ont la querelle : Celui qui songe être supérieur vaincra, s’ils n’ont débat d’héritage : car en telle controverse, il vaut mieux être battu. Lutter avec un inconnu, c’est danger de maladie. Si l’homme combat avec un enfant et le jette par terre, il perdra quelqu’un par mort : et s’il est abattu, il aura moquerie ou maladie. C’est bon au jeune enfant de lutter avec un homme : il fera de grandes choses plus que l’on ne pense : mais toutefois s’il lutte ou combat avec un champion, ce songe ne lui est pas bon. Lutter avec un mort signifie maladie ou débat de procès avec les enfants ou héritiers du mort : Mais c’est bien toujours le meilleur de penser ou songer être le supérieur.
De se combattre.
Combattre avec quelqu’un est mauvais à tous : car outre la honte il y aura dommage. Toutefois il est bon à ceux que vivent de sang répandu, comme les chirurgiens, bouchers ou cuisiniers.
De se baigner.
Se laver et se mettre à l’étuve dans des bains et étuves belles, signifie richesse, prospérité et santé aux malades. Mais se baigner et s’étuver contre le commun usage, comme avec ses habits, est mauvais : car il signifie maladie et grande fâcherie. C’est mauvais aussi au pauvre s’il est trop curieux de se laver, et s’il y a plusieurs qui le frottent : cela lui signifie longue maladie; semblablement c’est mauvais au riche, s’il est seul et qu’il n’ait personne qui l’aide. En général, c’est mauvais à tous de ne pouvoir suer, ou voir le bain en lieu découvert, ou de n’y trouver point d’eau. Comme quand il est autre que coutume : car il signifie mauvaise issue des entreprises et affaires, même si l’on espère d’une commune. Être lavé d’eau chaude naturelle, est signe de santé aux malades, d’empêchements d’affaires aux sains. C’est bon de se laver aux fontaines, étangs et eaux courantes, et aux fleuves beaux et clairs, mais non pas nager, car ce serait signe de danger et de maladie.
De boire.
Boire eau froide, est bon à tous : mais la chaude signifie maladie et empêchement d’affaires. Boire du vin avec modération et n’être point ivre, est bon; mais boire beaucoup et sans raison, signifie beaucoup de maux; aussi pareillement être en compagnie d’ivrognes. Tout vin fait et tout breuvage mélangé autre que le naturel, est bon aux riches à cause de leur délicatesse, et mauvais aux pauvres qui n’en boivent que par maladie. Boire saumure, signifie phtisie. Boire huile signifie poison ou maladie. Avoir soif et ne trouver que boire, soit en puits, fontaines, ou rivières, est mauvais, et signe de ne parfaire ses affaires. Mais le contraire est bon. Davantage boire en vases, ou en hanaps d’or, d’argent ou de terre, est bon à tous à cause de la matière solide et usitée en vases, et signifie tranquillité. Aussi les vases de corne sont bons, car ils ne se brisent point. Vases de verre sont mauvais, à cause qu’ils se rompent facilement. Et révèlent le secret à raison de la transparence. Et les Vases peuvent aussi signifier les amis que nous embrassons. Quand donc les vases sont rompus ils signifient la mort de certains de nos amis ou alliés. J’ai connu par expérience, que songer voir rompre un verre, signifie naufrage aux marins. Il y a de certains vases à bouche étroite, lesquels si l’on voit rompre, signifie fin et issue de tribulation et angoisse.
Des herbes et racines, et grains de potage.
Tous herbages et racines qui ont force odeur en les mangeant, révèlent ses secrets, et signifient fâcherie avec les cohabitants. Ce qui se racle avant que de manger, signifie dommage, à cause de la superfluité qui est rejetée. Les herbes laxatives sont bonnes à ceux qui sont en dette. Herbes et racines qui ont une tête, et qui sont bonnes à manger, signifient profit. C’est le cas du panais, fors à ceux qui ont un procès d’héritage : car on les arrache de terre avec leurs têtes et branches, et filets et veines. Les choux n’apportent profit, et même aux taverniers et vignerons : car la vigne ne se lie jamais avec les choux, raves, navets. Les courges signifient vaines espérances : car ils sont en grande monstre, et y a peu de substance. Aux malades et pèlerins, ils signifient danger par fers comme blessures et incisions. Les concombres même pelés, sont bons aux malades. Les melons sont bons en amitié et alliance, à autres affaires non. Manger aulx et oignons, est mauvais, mais d’en avoir il est bon. Le malade qui songe qu’il mange beaucoup d’oignons guérira, s’il en mange peu, mourra. Tous grains qui se mangent en potage sont mauvais sauf les pois.
Des Pains.
Manger le pain auquel on est accoutumé est bon, comme aux riches le pain blanc, aux pauvres le pain bis. Pain blanc aux pauvres, signifie maladie. Pain bis aux riches, c’est empêchement de leurs entreprises. Pain d’orge est bon à tous. Farines, papet ou bouillie, signifient ce que le pain.
De Chair et poisson.
Manger chair qu’on aurait apprêtée, est bon, excepté mouton et boeuf, qui signifient lamentation, perte et fâcherie. Chair de porc est très bonne à tous, même si elle est rôtie, car elle signifie profit de bien, mais songer de manger de la chair crue n’est pas bon car cela signifie perte de quelque chose qui nous appartient. J’ai connu par expérience que le songe est bon de manger la chair de quelque personne étrangère : car si la personne est connue ou familière, elle mourra. Manger petits oiseaux ou oisons, est bon à tous. Manger chair, venaison, est bon car cela signifie tirer un grand bien de ses ennemis. Manger des Poissons rôtis, est bon, sinon les petits : car comme ce ne sont qu’arêtes, ils signifient inimitié envers les familiers. Toutes saumures, soit de chair ou de poisson sont retardement d’affaires ou fâcherie ou maladie.
Des câpres et olives.
Des câpres et olives, et toutes confitures de garde. Item les autres pilées et mixtionnées, je n’en parle pas parce qu’elles ne sont pas bonnes.
Des fruits.
Pommes d’été douces et mûres, sont bonnes : car elles signifient bon temps et joyeuseté. Pommes aspres ou autres, signifient noise et séditions. Coings signifient tristesses. Amandes, noix, avelines, sont trouble et fâcherie. Figues en leur saison, sont bonnes, mais les branches hors saison, sont calomnies et médisances. Raisins en saison et hors saison sont bons, et le plus souvent signifient du bien par femmes. Les grenades signifient battures à cause de leur couleur. Pêches, cerises et autres tels fruits fors les mûres, signifient volupté décevantes, quand on songe les manger en saison. Hors saison travail et labeur en vain. Les mûres signifient comme les grenades. Voir le mûrier signifie lignée et génération à celui qui le voit, mais qu’il ne soit pas renversé et déraciné, car il signifierait perte d’enfants. Poires cultivées sont bonnes. Poires sauvages sont bonnes seulement aux paysans.
Des ustensiles de ménage.
Les pots signifient la vie, les plats, l’état et action de la vie, comme aussi fait le foyer. Or, selon que telles choses sont de basses et petites, faites grandes et précieuses, ou au contraire, il faut alors estimer des choses qui sont signifiées. Le changement en bien, est bon et en mal, est mauvais : ainsi faut-il estimer de tout autre ménage. Le chandelier représente la femme. La lampe et la lanterne, le maître de la maison, ou l’esprit de celui qui songe, ou aussi l’Amour. Les chenets signifient la vie, comme le foyer et l’état ou conversation entièrement, la femme et la table semblablement. La couche ou les coussins, et tout ce qui s’ensuit, signifient la femme de celui qui aurait songé et tout l’état de sa vie. Vaisseaux à vin, ce sont les maîtres et serviteurs. Les tréteaux, qui soutiennent la table, sont les maîtres d’hôtels, les gouverneurs, métayers. Les coffres et cabinets signifient la femme.
Des parfums et fards.
Songer d’être parfumé et fardé est bon à toutes femmes, sauf aux méchantes. Mais aux hommes c’est mauvais, car cela leur signifie vergogne, sauf à ceux qui ont coutume d’en user.
De danser et chanter.
Songer danser chez soi à part, ou seulement en présence des habitants de la maison, est bon à tous, même aussi de voir sa femme, ses enfants ou quelqu’un de ses parents, danser est bon : car c’est grande abondance de liesse et de bien. Mais à celui qui est malade, ou qui a quelque malade chez soi, c’est mauvais. Aussi songer de danser ou voir danser quelqu’un de sa parenté en présence de gens étrangers et inconnus, est mauvais à tous.
Voir un enfant sauter et danser, est signe qu’il sera sourd et muet. Au serf et au marin, le songe de danser est mauvais : car le premier sera battu, l’autre en danger de périr en l’eau. A celui qui est en captivité, il est bon, car il aura la liberté. Songer de danser en lieu haut, signifie tomber en crainte et danger. Si c’est un malfaiteur, il sera pendu.
Plaisanter, faire rire, contrefaire les autres, signifie décevoir quelqu’un. Songer de chanter bien et en mesure, est bon aux musiciens et à tous autres; mais chanter sans accord, est signe d’empêchements d’affaires et de pauvreté.
Chanter par le chemin est bon, même si l’on va après une charrue, car cela signifie vivre honnêtement et joyeusement. Mais chanter aux étuves, est mauvais et signifie perdre la voix. Aussi plusieurs par ce songe ont été condamnés en captivité de prison ou aux galères. Chanter au marché et lieux publics, c’est vergogne et déshonneur aux riches et folie aux pauvres.
Des couronnes de toutes fleurs.
Couronnes de fleurs en la saison sont généralement bonnes. Couronnes de lys fanés sont mauvaises à tous. Les violettes en la saison sont bonnes; hors saison, mauvaises, et les blanches pires que les bleues. Couronnes de roses en la saison, sont bonnes à tous, fors aux malades et à ceux qui se cachent : car ceux-là mourront, à cause que les Roses sèchent facilement, et ceux ci seront manifestés et révélés, à cause de l’odeur.
Couronnes d’herbes amarantes, sont bonnes à tous, mêmes à ceux qui ont procès : car ils ont une couleur qui dure. Couronnes de lys diffèrent les affaires avec espérance. Couronnes de cresson, de muguet, et de Marjolaine, sont mauvaises à tous : car le plus souvent signifient maladie. Couronne de persil, c’est mort aux malades. Couronne de palme, ou d’olivier, signifient noces de fille de maison, et lignée : la palme, le fils; l’Olivier, la fille. Lesdites couronnes signifient état et dignité au champion, et à celui de bas état qui les souhaite. Autant signifie la couronne de chêne, que celle de laurier, et celle de myrrhe autant que d’olivier. Couronne de cire est mauvaise à tous, même aux malades. Couronne de laine signifie poison et prison. De sel ou de soufre, signifient souffrir dommage et trouble de la part de gens puissants et d’autorité. Couronne d’or est mauvaise au serf, s’il n’a le reste, j’entends la robe du Roi, et la seigneurie après soi. Elle est aussi mauvaise à celui qui est pauvre, car c’est outre son état. Au malade elle signifie la mort en bref : car l’or est pâle, pesant et froid et d’autant semblable à la mort, et aussi révèle les secrets : car celui qui porte couronne d’or est bien regardé; mais j’ai connu par expérience que cette couronne présentée par songe apporte honneur et profit aux riches et puissants, et aux prévôts et Juges. Être couronné d’oignons signifie profit à celui qui porte telle couronne, mais dommage à ceux qui sont autour de lui.
Du dormir.
Songer de dormir ou sommeiller, signifie empêchement d’affaires, et est mauvais à tous, fors à ceux qui sont en doute et attente de quelque peine : car ce songe les délivre de peine et souci. Mais songer de se réveiller, ce sont actions et opérations. Dormir en l’Eglise, à celui qui est malade cela signifie santé. Et à celui qui est sain, maladie ou grandes affaires. Dormir sur le chemin et au cimetière, c’est mort aux malades, et aux autres empêchement.
De dire adieu.
Songer dire ou ouïr dire adieu, n’est pas bon : car ni ceux qui viennent vers nous, ni nous voulant entreprendre quelque chose ne disons ainsi, mais seulement ceux qui se séparent, et pour cela ce songe signifie empêchement de mariage et d’alliance, et mort au malade.
TOME SECOND DU LIVRE D’ARTEMIDORE
PREFACE DE L’AUTEUR sur le second Livre.
Au premier Livre j’ai traité de l’intelligence de l’art et de la manière dont il faut juger des songes, et des choses, dont je parlerai en l’un et l’autre livre, et toutes choses communes à l’homme. Ayant toujours égard que sans grande nécessité je n’emprunterais rien des Anciens et ne délaissant aucune chose qui vienne au propos, sinon qu’il y eût telle chose qui eût été bien traitée et doctement par les anciens, au moyen de quoi n’était besoin que j’en traitasse, afin qu’en leur voulant contredire, je ne fusse contraint de mentir, ou en disant comme eux, je semblasse vouloir empêcher leurs oeuvres et labeurs de venir à la connaissance.
De veiller.
Songer que de nuit on veille en la chambre, signifie aux riches grandes affaires : aux pauvres et à ceux qui veulent user de quelques surprises, est bon : car les premiers ne seront point sans ouvrer et gagner, les autres faisant leur surprise avec grande astuce, viendront à bout de leur entreprise.
De partir et saluer.
Songer partir le matin hors la maison et n’être point empêché ni enclos, est bon : car cela signifie que les affaires se feront : mais ne pouvoir partir ni trouver issue de la maison, c’est retardement à ceux qui veulent voyager, et empêchement d’affaires, et longue maladie au malade. Saluer ses familiers, leur parler et les embrasser est bon, car signifie dire et ouïr bon propos; mais s’ils ne sont pas bien familiers, et simplement et seulement connus, le songe n’est pas aussi bon; s’ils sont ennemis, cela signifie entrer en amitié. Baiser les morts à celui qui est malade, signifie mort; à celui qui est en santé, cela lui défend de parler de ses affaires pour le présent, à cause qu’il a baisé la bouche du mort, toutefois si le mort a été notre ami joyeux et privé, cela n’empêche point ni le parler ni l’entreprendre.
Des habits en général.
Les habits accoutumés et convenables à la maison sont bons, comme en été habit de toile et de laine usé, en hiver habit neuf et de laine. A celui seul qui a procès, et qui est serf désirant liberté, songer avoir robes neuves, est mauvais, parce qu’il faut longtemps pour les user, et qu’elles résistent davantage. Habit blanc est bon seulement aux sacrificateurs, aux autres signifie trouble; aux gens de métier, cela signifie qu’ils n’auront point de besogne, et révèle les malfaiteurs; au malade c’est mort; mais le noir, santé. Toutefois j’ai vu plusieurs pauvres serfs, captifs, qui ayant songé être vêtus de noir mouraient : l’habit noir est mauvais à tous, fors à ceux qui veulent faire choses secrètes. Avoir robe de diverses couleurs, ou d’écarlate, aux sacrificateurs, plaisantins, farceurs est bon; aux autres cela signifie trouble, et périls, et révélation de secrets; aux malades, c’est qu’ils seront tourmentés d’humeurs fortes et abondantes. Robe d’écarlate aux serfs et riches, cela est bon et signifie liberté et honneur ou dignité. Elle tue le malade et apporte plus grande pauvreté aux pauvres; à plusieurs elle a signifié captivité : car il faut que l’homme vêtu de pourpre ou écarlate ait aussi diadème, couronne, plusieurs avec soi, et gardes de son corps : toute telle robe teinte d’écarlate, aux uns c’est blessure, aux autres fièvres. Robe de femme est bonne seulement à ceux qui n’ont point de femme, et qui montent sur des planches pour jouer. Les autres après ce songe perdent leurs femmes, ou tombent en grande maladie, à cause de la délicatesse et de l’effémination de ceux qui portent tels habits. Et toutefois en cas de réjouissances et assemblées ne sont contraires, ni robes de diverses couleurs, mi robes de femmes. Avoir robe de façon et nation étrangère, c’est bien prospérité entre les étrangers, à celui qui délibère d’y aller ou y demeurer, et faire état d’y vivre; aux autres, c’est maladie et empêchement d’affaires. Avoir robe d’écarlate et somptueuse est bon aux riches et pauvres, car à ceux-là durera la prospérité présente, à ceux-ci les biens croîtront. Robes rompues et déchirées, c’est dommage et empêchement d’affaires. Tunique, casaque ou paletot ou chemise de drap, c’est fâcherie et perte de procès; pourtant est meilleur songer de le perdre que de la voir mais la perte de nul autre habit n’est bonne, fors aux pauvres, aux cerfs, aux captifs et endettés : car les habits perdus, c’est perte des maux qui environnent le corps; aux autres il n’est pas bon de songer la perte car cela signifierait aussi la perte des choses brillantes et plaisantes. Belle robe, brave et de diverses couleurs, est bonne à songer pour la femme, même riche et de joie car celle-là se tient brave pour son plaisir, celle-ci pour son profit. C’est toujours meilleur de songer avoir de beaux habits, riches et bien nets, que petits et sales, sinon à ceux qui exercent des métiers vilains et sales.
De laver ses habits.
Songer de laver ses robes, ou celles d’autrui, c’est effacer et perdre, au échapper quelque dommage et danger quant aux corps et à la vie : car aussi les robes lavées rejettent leurs ordures. Ce songe aussi signifie autrui apprendre et surprendre notre secret car laver se prend pour reprendre et corriger et pourtant est mauvais songe à ceux qui sont en doute d’être surpris.
Des beautés extérieures.
Anneaux de fer par dehors signifient des biens mais avec labeur. Aussi anneaux d’or qui ont pierre sont bons, car ceux qui n’ont pierre c’est entreprise sans profit; mais toujours sont meilleurs les anneaux massifs que les creux et évidés qui signifient fraude et tromperie, et plus grand espoir que profit. Anneaux d’ambre et d’ivoire et autres sont bons seulement aux femmes; colliers, chaînes, perles et pierres précieuses et toutes parures de tête, et de col de femmes, sont bonnes aux femmes : car aux veuves et pucelles, signifient noces; à celles qui n’ont point d’enfants, qu’elles en auront, et à celles qui ont maris et enfants, ce sont acquis et richesses : car comme les femmes sont parées de ces parures, ainsi seront pourvues d’époux, d’enfants et de biens; mais aux hommes ce songe signifie fraude et déception, brouillerie en cas d’argent, non pas à cause de la matière, mais de la figure et façon, car songer avoir de l’or n’est pas mauvais, à cause de la matière, comme certains ont voulu dire, mais au contraire est bon, comme j’ai connu par expérience; mais que toutefois l’on n’en songe point avoir trop et par expérience, à cause de la façon et figures; comme aux hommes dorures, chaînes et colliers outre l’état, comme aux pauvres couronne d’or, et vaisselle et grandes pièces d’or : car quand quelqu’un aura fait un tel songe, l’or signifiera mal, non point pour la matière : mais pour l’artifice et figure. Mais si les parures se perdent, rompent ou brisent, c’est à la femme. Perte d’anneaux à l’homme signifie non seulement la perte de ceux auxquels il a donné charge de ses biens, comme la femme et le métayer, mais aussi de ses biens, terres et possessions. Et qu’il ne prêtera plus à ceux auxquels il a prêté et donné charge. A plusieurs ce songe a prédit perte des yeux : car les yeux ont quelque ressemblance avec les anneaux à cause des pierres; mais quand à la chaussure, il faut juger comme de l’habit.
De se peigner, et des cheveux tressés.
Songer de se peigner est bon à l’homme et à la femme : car signifie sortir hors de mauvais temps et d’affaires, mais plier et tresser ses cheveux, est bon seulement aux femmes, et aux hommes qui l’ont de coutume : aux autres, ce sont dettes et empêchements d’argent, et quelquefois prison et sédition.
Du miroir.
Être devant le miroir, et se voir devant la forme est bon à celui et celle qui se veulent marier car le miroir signifie à l’homme la femme, et à la femme l’homme. Il est bon aussi aux gens affligés et tristes : car il signifie que va bientôt passer la tristesse, parce que les gens tristes ne se mirent point. Mais ce songe aux malades, c’est la mort. Les autres par ce songe sont allés en pays étranger. Ne pas se voir dans le miroir tel qu’on est, songer être appelé père de bâtards ou d’enfants d’autrui, mais se voir plus laid et difforme, c’est tristesse et fâcherie. Comme aussi songer de se voir et mirer en l’eau, c’est mort au songeur, ou à l’un de ses familiers.
De l’air, et de ce qui s’y fait.
L’air clair et pur est bon à tous, même à ceux qui cherchent des choses perdues et qui veulent partir en voyage. L’air trouble et nébuleux, au contraire signifie empêchement et fâcheries. La pluie sans grand vent ni tempête est bonne à tous, sauf à ceux qui vont en étranger pays, et qui font leur état et ouvrage au grand jour et à découvert. Fortes pluies et gouttes d’eau, sont bonnes aux laboureurs : aux autres, c’est du gain. Grosses pluies de tempête, sont troubles, dommages et dangers, sauf à ceux qui sont serfs, pauvres et affligés : car c’est brève délivrance de leurs maux présents. Comme tout de suite après telle soudaine tempête vient le beau temps, neige et glace vues en leur temps, ne signifient rien, car quand le corps dort, l’esprit se souvient encore du froid du jour; mais hors temps et saison, c’est bon songe aux laboureurs; aux autres, non car c’est que leurs affaires se feront froidement, et cela défend de voyager; la grêle apporte trouble et tristesse, et révèle les secrets. Le tonnerre sans éclair, c’est au serf trouble et trahison; mais l’éclair sans tonnerre, crainte vaine et sans cause. Voir le feu au ciel net, pur et clair non pas grand ni épais, c’est menace de quelque gens de grand état; mais grand feu et épais, c’est approche et course d’ennemis, pauvreté et famine. En quelque lieu qu’il vienne, soit de la Bise ou de Midi, d’Orient ou d’Occident, de ce côté viendront, et dans ces régions courront les ennuis, ou il y aura famine; mais encor c’est le pis de songer que l’on porte le feu. Voir torches et flambeaux ardents tomber du ciel, et bûches et colonnes, et arbres brûlants, c’est pareillement grand extrême danger de la vie à celui qui songe. L’éclair sans tempête tombant près, sans toucher le corps, signifie changer de lieu tombant devant la personne, défend de voyager. Etre atteint et frappé de la foudre ou éclair, est bon à ceux qui ne veulent leur péché et pauvreté être cachée, aux autres elles les révèle. Aux riches et puissants prétendant grande dignité, comme de sceptre ou couronne d’or, ce songe est bon car le feu ressemble à l’or, aux autres, ce songe signifie perte de biens. Davantage à ceux qui sont à marier, signifie mariage, soit riches ou pauvres, mais rompt les mariages faits et rend ennemis les amis, car la foudre brise et n’unit pas. Ceux qui ont enfants, ce songe rend sans enfants, car les arbres foudroyés sèchent, et perdent fruit, et fleur, et germe. La foudre rend les champions honorés, et les orateurs, et tous ceux qui se veulent montrer et faire valoir, et aussi est bon à ceux qui ont procès en cas d’honneur, et renommée. Mais c’est perte en cas de possessions et maisons, non pas de terre, à ceux qui la possèdent, mais signifie n’en prendre point la jouissance. Mais à ceux qui prétendent y entrer, c’est qu’ils n’y entreront pas. Aussi signifie à celui qui est en pays étranger qu’il retournera au sien et à celui qui est au sien qu’il y demeurera. Faut entendre que songer être seulement atteint, soit à la tête soit à l’estomac; mais que l’on ne songe être tout brûlé et confiné, car c’est la mort à celui qui songe. Aussi faut savoir qu’il n’est pas bon d’être atteint de foudre étant couché à terre, mais seulement quand on est debout, ou assis en siège royal et magnifique.
Du feu domestique.
Voir le feu au foyer, clair et petit, est bon : mais beaucoup est mauvais : petit et clair signifie grande abondance de biens. Feu mort, c’est pauvreté, et s’il n’y a aucun malade en la maison, c’est la mort. Tenir torches et flambeaux de nuit, est bon même aux jeunes gens, le plus souvent cela leur signifie amour à plaisir et opération en leur art et état, mais voir autrui tenant une torche, est mauvais à ceux qui veulent être secrets. Lumière ardente en la maison, claire et nette, c’est acquisition de biens : aux non mariés, mariage; aux malades, santé. Mais la lumière obscure et trouble c’est convalescence : car tôt après l’on allumera. Lampe d’airain, c’est plus grands biens, ou plus grands maux, selon la disposition de la lumière. Lampe de terre les signifie moindres : mais l’un et l’autre révèle les secrets. Lampe vue sur un navire, c’est grande tranquillité.
Des maisons ardentes.
Les maisons ardentes de feu clair, sans tomber ni diminuer, c’est richesses aux pauvres; aux riches, hauts états et dignités. Mais les maisons qui brûlent et tombent, ou se consomment, sont mauvaises à tous, et signifient mort de maître, enfants, serviteurs, parents ou amis. Semblablement les arbres ardents devant ou dedans la maison ardente, c’est mort de la femme, et danger à celui qui songe. Allumer facilement le feu au four, ou au foyer, c’est génération d’enfant. Mais l’éteindre tout de suite après, c’est dommage.
Des chiens et de la chasse.
Les filets et lacets, et toutes telles choses pour tromper et surprendre les bêtes, sont mauvaises, sinon à ceux qui recherchent des fugitifs, et chose perdue : car cela signifie prompt recouvrement. C’est bien meilleur de les tenir et avoir, que de voir un autre les tenant, tout comme il est meilleur de fâcher que d’être fâché. Lévriers allant à la chasse, sont bons à tous et signifient actions et ouvrages. Aux gens accusés et plaidant en justice, ils sont mauvais; mais retournant (de la chasse), ils apportent la crainte et empêchement d’ouvrer. Les gros chiens de garde des maisons signifient femmes serviteurs et possessions. Les chiens d’autrui non bondissants, signifient fraude et déception; s’ils mordent et aboient, injures et adversité, et souvent des fièvres. Les petits chiens de plaisir, sont délices et passe temps.
Des bêtes de toutes sortes.
Les brebis signifient avancement et parvenir aux biens, pour cela il est très bon de songer d’en avoir beaucoup, ou voir celles d’autrui, et de les faire les paître, même pour ceux qui veulent avoir gouvernement et charge du peuple, et qui y sont déjà parvenus, et aux sophistes docteurs, et maîtres d’école. Le bélier signifie le maître, ou le prince et le roi. Il est bon de songer être sur le mouton seulement, et dans des lieux de plaine et faciles, même pour les orateurs, avocats, procureurs, et pour tous ceux qui ont envie d’amasser or et argent. Les chèvres ne signifient rien de bien, mais sont pires aux marins. Les âne portant charge, forts et obéissants, sont bons en amitié et compagnie, et signifient la femme, le compagnon, l’ami : débonnaires et bien obéissants, et sont bons aussi en toutes affaires entreprises. Les mulets sont bons à toutes opérations, même à l’agriculture : seulement sont contraires à noces et génération. Si les ânes ou mulets sont échauffés et faisant mal ou sauvages, c’est déception par quelques domestiques ou sujets. Et les mulets aussi signifient maladies, comme j’ai connu par expérience. Les boeufs en labeur sont bons à nous; mais en troupe, c’est trouble et péril. Le taureau signifie quelque grand personnage, même s’il menace et poursuit les marins, c’est tempête et s’il blesse dommage et naufrage par inconvénient qui tombera en haut du mât, comme j’ai souvent expérimenté, et est toujours ainsi advenu.
Cela est assez dit des bêtes domestiques, et familières, maintenant nous parlerons des sauvages. Voir un lion doux et familier signifie et bien et utilité par le roi à l’homme de guerre, par le magistrat à l’homme de métier, par le maître au serviteur. Car le lion représente ces personnages, pour sa force puissante. Mais s’il est échauffé, et s’il veut nuire, cela signifie crainte, maladie, et menaces de telles personnes, ou danger de feu. Voir ou avoir le front d’un lion, c’est bon à tous : le plus souvent c’est génération d’enfant mâle. La lionne signifie comme le lion, sauf que moindres biens, et de moindres maux, et non par les hommes, mais par les femmes. J’ai connu aussi par ce songe d’une lionne, menaçant ou mordant, les riches personnes sont tombées sous des accusations de crimes. La léoparde signifie l’homme et la femme, gens méchants et cauteleux, à cause de la diversité de couleur, et gens de nation étrangère, maladie ou crainte très grande et mal des yeux. L’ourse signifie la femme, la maladie, un retour de l’étranger au pays. L’éléphant vu en songeant, c’est crainte; l’éléphant menaçant signifie mort : j’ai connu en Italie une femme riche et saine, qui avait songé qu’elle était montée sur un éléphant, bientôt après elle mourut. Il faut entendre que toutes les bêtes sauvages généralement représentent les ennemis, partant il est toujours meilleur de les vaincre que d’être vaincu. Le loup signifie l’ennemi cruel venant pleinement contre nous. Le renard signifie ce que le loup et l’ennemi : venant secrètement par surprise ou échauguette, le plus souvent déception par femme. Le singe signifie l’homme malfaiteur ou trompeur. Le sanglier signifie pluie ou tempête; à ceux qui plaident, forte partie adverse; aux laboureurs, stérilité; à celui qui se marie, femme rude, fâcheuse. Le cerf aux navires signifie le gouvernails, ou le cours de chemin par terre, le voyage facile, ou bien difficile selon la disposition du cerf; aux autres lieux il signifie gens fugitifs trompeurs et parjures, faux mais craintifs et mal assurés. L’on pourra juger de toute autre bête selon la forme précédente par qui elles conviennent. Et faut retenir que bêtes domestiques qui se montreront fières et sauvages, sont significatives des maux, au contraire les cruelles ou sauvages qui par songe se présenteront douces et domestiques sont significatives des biens : mais encor signifient grands profits, si elles semblent parler notre langue même si elles disent quelque chose de bon et de joyeux et tout ce qu’elles disent communément advient.
Des bêtes glissantes
Le dragon signifie le roi, le seigneur ou magistrat et richesse par argent. Quant au songe où il vient, qu’il parle signifie grands biens; dans le cas contraire, il est significatif de mal. Dragon plissé et entortillé, ou faisant horreur, signifie grand danger, captivité, ou mort pour le malade. Le serpent signifie maladie et inimitié, ou selon qu’il se montrera, nous traiterons l’ennemi ou maladie. L’aspic ou vipère signifient riches femmes. J’ai connu par expérience que ces deux bêtes nous approchant sont significatives de bien, même si elles nous mordent. Si l’on songe que la femme porte en son sein une bête quelconque cachée pour son plaisir et passe-temps, elle sera corrompue par l’ennemi de celui qui songe; mais si elle a crainte et tristesse de ladite bête, elle aura maladie; si elle est enceinte, son fruit sera en danger.
De la pêcherie.
Les rets et tout instrument de ligne à prendre les poissons, signifient la même chose que les filets de chasse, dont avons parlé ci dessus. Semblablement le fil de soie et poil de cheval, et l’hameçon signifie ruse et tromperie : pourtant il est toujours meilleur de songer les avoir, que si un autre les tenait. Prendre beaucoup de poisson ensemble et bien grand, signifie à tous gain et profit, fors à ceux qui exercent un art et métier qui exige d’être assis et aux maîtres, docteurs, et précepteurs; car les premiers ne pourraient pêcher et faire leur métier, les autres auront disciples et auditeurs ineptes, à cause que les poissons sont muets. Prendre des petits poissons, c’est tristesse, et non pas profit. Tout poisson de diverse couleur, c’est saison au malade, dol et trahison aux gens ainsi. Des poissons roux signifient aux serfs et malfaiteurs, tourments; aux malades, grosses fièvres et inflammations; à ceux qui veulent être secrets, révélation. Les poissons qui ont des écailles et que l’on écorche, sont bons aux malades, aux captifs, aux pauvres et à toute personne affligée car ils leur signifient abolition et perte de maux dont ils seront environnés.
Des grenouilles.
Les rainettes ou grenouilles sont abuseurs et bavards, mais les voir en songe est bon à ceux qui vivent sur le commun. J’ai connu un homme qui avait songé qu’il frappait de son poing, et des noeuds ou jointures des doigts sur des grenouilles et il advint que son maître lui donna puissance sur tous les autres de la maison. Aussi l’on peut estimer que l’étang représentait la maison, les grenouilles, les habitants, le frappement des doigts, le commandement.
Des grands monstres et poissons de mer.
Voir un grand poisson en la mer n’est bon à personne fors le Dauphin, qui promet le vent du côté dont il tire; mais hors la mer tout poisson et grand monstre est bon car ils ne peuvent plus nuire, ni se sauver eux-mêmes et pour cela le songe signifie que nos ennemis ne nous pourront nous nuire; il dit davantage que les méchants seront punis. Toutefois le Dauphin vu hors la mer, n’est pas bon, il signifie la mort de quelqu’un de nos bons amis.
Des cormorans ou plongeons.
Voir par songe des cormorans ou plongeons et autres semblables oiseaux de mer, c’est péril pour les marins, mais non pas mort; aux autres cela signifie les amis, ou putains, ou trompeurs, voleurs et méchants parjures qui hantent les rives de la mer. Et si en songeant voir les oiseaux, l’on perd quelque chose, on ne la recouvrera point. Les canards et autres oiseaux de rivières signifient la même chose.
Des poissons morts.
Voir ou trouver poissons morts en la mer, n’est pas bon : cela signifie vaine espérance; mais c’est meilleur de les prendre ou acheter en vie. Aussi est-il bon de manger tout préparé, selon la préparation, il faudra juger de la chair. Voir un poisson en la chambre est mauvais au marin, ainsi qu’au malade. La femme enceinte qui songe faire un poisson au lieu de l’enfant, selon l’opinion des anciens, fera un enfant muet, mais selon mon expérience, cela signifie plutôt faire un enfant mourant et de petite vie.
De la volaille.
Grands oiseaux sont meilleurs aux riches qu’aux pauvres et inversement. Voir un aigle volant sur une pierre, ou un arbre, ou un haut lieu, est bon à ceux qui veulent entreprendre affaires : mais à ceux qui sont en crainte c’est mauvais. Aussi, cela signifie le retour de celui qui est loin. S’il vole tout beau, à son aise ou plaisir, c’est bon signe que les affaires se feront, mais non pas si tôt. L’aigle volant et tombant sur la tête de celui qui songe, lui signifie mort. Être monté sur un aigle signifie aux rois, princes, puissants et riches personnes, la mort; mais aux pauvres c’est bon, car ils sont bien venus et reçus de gens riches, dont ils tirent grand profit, le plus souvent changeant de lieu, ou allant dans d’autres nations. L’aigle menaçant signifie menace de quelque puissant personnage, mais doux ou donnant quelque chose, ou parlant, cela signifie que le songe sera prouvé par bonne expérience. La femme qui songe avoir engendré un aigle, fera un enfant qui parviendra (selon sa qualité) à bien et honneur. Voir un aigle mort est bon au serf, ou à celui qui craint car il signifie la mort du maire; s’il est menaçant, c’est empêchement d’affaires. Les vautours sont bons aux potiers de terre, tanneurs et teinturiers en cuir, mais sont mauvais aux médecins et malades. Aussi signifient méchants garçons, rôdeurs, habitant hors la ville, et mal en toutes choses. Le faucon et le milan signifient larrons et ravisseurs. Le corbeau peut signifier l’adultère, et la corneille signifie grand retardement d’affaires, la femme vieille et l’hiver. Les étourneaux signifient gens nécessiteux et trouble en vain, ce que signifie aussi le geai. Les pigeons signifient les femmes, les sauvages, femmes dissolues. Grues et cigognes vues en troupes, signifient courir brigands et ennemis : en hiver mauvais temps et tempête, en été sécheresse. Mais vues solitaires et à part, sont bonnes à voyager, et signifient le retour de celui qui serait lointain. Elles sont bonnes aussi en cas de noces et de génération, même la cigogne pour le support et la nourriture qu’elle donne à ses petits. Le cygne signifie l’homme musicien, la musique, et révèle le secret, à cause de la couleur : aux malades il signifie santé, mais s’il chante, la mort car il ne chante qu’il ne soit près de mourir.
Des abeilles.
Les abeilles sont bonnes aux laboureurs et à ceux qui tirent profit, aux autres elles signifient trouble, à cause du bruit qu’elles mènent, et blessures, à cause de l’aiguillon et maladie, à cause du miel et de la cire. Voletant sur la tête elles sont bonnes à celui qui doit être chef et capitaine; aux autres elles signifient mal, même mort de par le peuple, ou les soldats. Enclore lesdites mouches, ou les tuer est bon à tous fors aux paysans et laboureurs.
Songer de bien naviguer est bon à tous, mais être en tempête sur fleuve ou sur mer est mauvais, et signifie tristesse et péril. Faire naufrage, le navire étant renversé ou rompu, est dangereux aussi à tous, fors à ceux qui sont détenus par force, car cela leur signifie relâche et liberté. C’est toujours meilleur de naviguer en grand navire, et qui a bonne charge. Aussi il est meilleur de songer qu’on navigue par mer que par terre. Vouloir naviguer et ne pouvoir, c’est empêchement d’affaires, voir de terre navires sur mer, naviguant à leur aise, est bon à tous, et signifie voyager, ou retour de voyage, ou messager, et nouvelles de mer. Navires partant du port signifient le contraire car le port artificiel signifie toujours les amis et bienfaiteurs. Les cordes qui tiennent les navires à terre, sont dettes ou détention. Les mâts signifient le maître de la maison ou patron de galère. Voir quelque partie de navire brûler signifie danger qu’elle ne se trompe de cette part, ou danger de celui qui par cette part de navire serait signifié et entendu.
De l’agriculture.
La charrue est bonne pour noces, génération, affaires, mais requiert du temps. Le joug est bon, sauf aux serfs car il empêche la liberté, partant il leur serait meilleur de le voir rompu. La faux, c’est dommage car elle coupe tout et signifie le temps six mois. La cire, c’est la femme, et le profit d’elle. Le coutre ou soc de charrue, la pelle de bois, le van ou crible, c’est dommage et perte. La charrette, c’est la vie de celui qui songe. Songer vendanger ou moissonner hors temps, c’est que les affaires seront retardées jusques à ce temps qu’on a de coutume vendanger, moissonner. Gerbe de blé, ou semblable grain, sont aussi empêchements car ce n’est pas nourriture prête. Fosses en terre, sillons et cavernes, ou sont semés les grains signifient la femme, la vie, ou les biens de celui qui aurait songé. Les haies, les clôtures ou fossés, aux limites et confinement des héritages, sont mauvais. Toutefois à ceux qui sont en crainte, ils signifient sûreté : ils empêchent de voyager, mais en d’autres affaires ils signifient amis, aide ou support en cas de nécessité.
Des Arbres.
Les chênes sont les riches gens, et aussi les vieillards. L’olivier, c’est la femme, le combat, la royauté ou la liberté. Et partant il est bon de le voir bien fleuri, portant fruit de saison beau et mûr. Abattre les olives par terre ou marcher dessus, c’est peine ou fâcherie. Le laurier, c’est la femme riche et belle; c’est aussi mauvaise issue des affaires, à cause qu’il est amer, mais aux médecins, poètes et devins, cela se réfère à leur art. Les cyprès, c’est patience et retardement. Orangers, grenadiers, pommiers, poiriers se doivent estimer comme leur fruit, dont nous avons parlé au premier livre sur le propos des viandes. Peupliers noir, et ormes, frênes et autres semblables, sont bons seulement aux soldats, aux menuisiers et charpentiers, aux autres c’est pauvreté, à cause que ce sont des arbres sans fruit. Buis sont femmes lascives et sont bon à ceux qui veulent entreprendre quelque affaire et aux malades; aux autres, c’est peine et labeur.
De la Fiente.
Bouse de vache et fiente de cheval, et toute autre, sauf l’homme : est bonne seulement aux Laboureurs. Aux autres, c’est tristesse et dommage; et même, si elle nous dévaste, c’est maladie. On a expérimenté que c’est profit à ceux qui sont de vil état. Voir de la fiente d’homme en abondance, c’est abondance de maux; si la même chose est fouillée, c’est très mauvais. Faire son ordure en sa chambre, c’est grande maladie, ou divorce de femme, ou d’amis, ou changement de logis. C’est très grand danger de songer de lâcher le ventre en l’Église, au marché, aux étuves, c’est honte, dommage et révélation de secrets, mais lâcher le ventre bien à son aise et beaucoup en un endroit caché, ou en un pot à pisser, est bon à tous car c’est signe d’allégeance, décharge de souci et d’affaires. J’ai connu aussi que c’est bon de se lâcher aux rivages, aux champs, chemins, fleuves, aux étangs : c’est pareil que songer au Garde-manger.
Des Fleuves, Étangs, fontaines et puits.
Rivières ayant leur eau claire et nette, coulant doucement, sont bonnes aux serfs et à ceux qui ont procès ou à ceux qui veulent voyager : car elles signifient et représentent les maîtres et Juges qui font ce qu’ils veulent, et aussi les voyages, à cause qu’elles coulent toujours. Mais si la rivière est laide ou impétueuse, c’est le contraire, cela signifie menaces de maîtres, de Juges, ou empêchement de voyage. C’est encor pis si la rivière semble emporter maisons, et héritages de celui qui songe, ou lui même aussi. C’est mauvais aussi d’être debout, en la rivière, dont les ondes écumeuses flottent contre la personne, et n’en pouvoir sortir : car à peine pourra-t-on souffrir ou supporter les maux qu’on aura, quelque courage que l’on ait. Les torrents sont juges rigoureux, maîtres fâcheux, assemblées, et noises, à cause de la violence, ou bruit très grand : il est bon de les passer à pied, ou en nageant. Nager en rivière, ou étang, c’est tomber en grand inconvénient. C’est toujours meilleur de nager sans cesse jusqu’au rivage, qu’être endormi en nageant. Rivière claire entrant en la maison, c’est la venue d’un riche homme de qui on tirera profit, mais trouble, violent, ou remuant les meubles de la maison, c’est violence de quelque ennemi. Rivière sortant de la maison du riche, c’est qu’il aura autorité en la ville, faisant beaucoup de largesse ou libéralités au pauvre, c’est que sa femme se gouverne mal. Voir autre eau que de rivière entrant en la maison, trouble, c’est doute de feu; mais belle et claire, c’est acquisition, possession et argent. Pareillement, voir en sa terre ou maison, ou puits, quelqu’un qui n’y était point auparavant, signifie aussi femme ou enfants à ceux qui n’en ont point. Voir un puits plein d’eau en la maison est bon, si elle ne s’épanche point par dessus, et que les étrangers n’en tirent ou puisent car ce serait perte de femme, d’enfants, ou biens. Un étang grand, c’est comme la rivière, sinon qu’il empêche de voyager, mais petit ou moyen c’est femme riche et joyeuse, aimant ses plaisirs. C’est très bon de nager en étang ou rivière, mais non pas naviguer. Fontaines et sources abondantes de bonne eau, sont bonnes à tous, mêmes aux malades, ou pauvres, leur annonçant santé richesse mais taris c’est le contraire.
Des marais, montagnes, chemins, et bois.
Marais, ou marécages, sont bons seulement aux pasteurs. Aux autres ils sont empêchements. Montagnes, vallées, bois, landes, sont tristesse, craintes, trouble, plaies aux serfs, ou malfaiteurs et dommages aux riches. C’est le mieux toujours de les traverser, et non d’y demeurer, ni de sommeiller en chemin. Chemins larges, plats ou faciles, c’est allégresse de santé, ou d’affaires, et inversement.
Des procès et lieux de plaidoirie, et des médecins.
Les lieux de plaidoirie, juges, avocats, procureurs, sont troubles, fâcheries, dépenses, révélations de secrets. Si le malade songe gagner sa cause, il reviendra en meilleur état; autrement s’il la perd, il mourra. Si celui qui a procès, songe être assis en siège de Juge, il ne perdra pas, mais plutôt son adversaire, les médecins venus par songe à celui qui aurait procès, signifient le même que les avocats et procureurs.
Des hauts états et dignités.
Songer être roi ou empereur, au malade, c’est la mort : car le Roi n’est sujet à personne pas plus que la mort. A celui qui est sain, c’est perte, ou séparation de parents et amis, car le roi n’a point de compagnon. Au malfaiteur c’est surprise et découverte de son fait, car le roi est connu et environné de sa garde. Tout autant signifie le sceptre, la couronne, les habits ou ornement royaux; le pauvre qui songe être roi fera beaux faits, dont il aura honneur sans profit, le serf sera en liberté, c’est très bon au philosophe et au poète, ou vaticinateur : car il n’est rien de plus libre, ou plus royal que le bon esprit. Songer être Capitaine, à ceux qui l’ont accoutumé est bon; aux pauvres, c’est trouble et diffamation.
De la guerre de l’armée, et élection de gens de guerre.
La guerre et les affaires de guerre, sont troubles et fâcheries à tous sauf aux capitaines et soldats, et autres qui vivent sur le train de guerre, pour qui c’est gain.
Les armes qui couvrent le corps, c’est grande sûreté, comme le bouclier, le heaume, le cotte de maille et autres; les autres qu’on jette et brandit, comme la pique, la lance, le trait et la flèche, c’est débat et sédition; l’épée, c’est courage, force et vertu; le bouclier et heaume, aussi se réfèrent à la femme, qui sera riche et belle, ou pauvre et laide, selon la qualité des équipements. Élire gendarmes, ou soldats, ou batailler, c’est mort à ceux qui sont malades et souvent aux vieilles gens. Aux autres, ce sont affaires et fâcheries, changement de lieu, et fuites ou voyages. Aux oisifs et pauvres, c’est besogne et profit, qui leur vient : car le soldat n’est pas oisif, ni sans gage. Au serf, c’est honneur et estime.
Du duel ou combat particulier.
Duel, ou combat seul à seul, signifie noise ou procès. Autant signifient les peines des combats. Voir en songe les armes de celui qui fuit, c’est être convenu en jugement de celui qui poursuit, c’est faire convenir : quelquefois j’ai connu que ce songe signifie noces.
Du Soleil.
Le Soleil levant brillant, est bon à tous et signifie gain et opération, génération, et liberté aux serfs. Mais à ceux qui veulent être secrets, c’est mauvais : car il dévoile et découvre tout. Semblablement s’il se lève depuis l’Occident, il relève le malade après avoir été bien bas, et le mal des yeux n’aveuglera pas le patient; c’est le retour de celui qui est lointain et c’est bon aussi à celui qui veut voyager vers l’Occident. Ainsii il faut juger s’il semble se lever du Midi ou Septentrion, un soleil obscur ou saignant, ou comme murmurant de chaleur, c’est mauvais pour tous, et signifie empêchement, maladie d’yeux et d’enfant. Toutefois cela a été trouvé bon à ceux qui sont en doute et qui veulent être secrets. Le soleil descendant en terre ou en quelque maison, c’est signe de danger de feu. Entrant en la chambre menaçant, c’est grande maladie, ou ardeur, mais s’il dit ou démontre quelque bon signe, c’est abondance de biens. Le soleil disparaissant et se cachant ou absentant, est mauvais à tous, fors à ceux qui veulent être secrets le plus souvent : c’est perte de vue et mort d’enfant. C’est toujours le meilleur de voir les rais du soleil et la clarté entrant en la maison que le soleil lui-même, car la clarté c’est abondance de biens et le Soleil est abondance de maux qu’on ne pourra souffrir, comme l’on ne pourrait soutenir la grande lumière et chaleur du Soleil de près. Soleil donnant ou dérobant quelque chose, c’est perte et péril.
De la Lune.
La Lune c’est la femme, la nourrice, la fille ou la soeur de celui qui songe, et signifie argent, richesse, marchandise, trafic, et navigation, et les yeux de celui qui songe et le maître ou maîtresse. Et partant si la lune se tourne en bien et joie, c’est bien honneur de par ceux qu’elle représente, et inversement. Se mirer en la Lune, c’est génération de fils à l’homme, de fille à la femme; ce songe est bon aux changeurs, usuriers, et receveurs de recette pour les vivres. Aussi il est bon à ceux qui se veulent montrer et bien paraître : mais il dévoile les choses cachées, et pour les malades et marins en mer, danger de mort. Le bien ou mal que signifie le soleil : pareillement la lune, mais en moindre proportion et plus par femme que par homme.
Des Étoiles.
Voir toutes les étoiles claires et nettes est bon pour voyager et pour toutes affaires, et pour les secrets. Mais cela ne convient pas avec le soleil et la lune. Les étoiles ou planètes qui sont causes de froideur, signifient fâcheries et dangers; mais celles qui sont causes du temps beau et doux, c’est prospérité et richesses. Celles qui sont causes du solstice hivernal, c’est changement en mal ou en pis; du solstice estival, en bien ou mieux. Les étoiles s’évanouissant au ciel, c’est pauvreté et désertion aux riches : car il faut imaginer que le ciel est la moisson de celui qui songe, et les étoiles, les biens et possessions. Au pauvre, ce songe signifie mort, mais il serait bon à tous ceux qui ont machiné quelques grands maux. J’ai entendu dire que quelqu’un avait songé que les étoiles étaient disparues du ciel, et les cheveux lui tombèrent. Car les étoiles tombant en terre, ou disparaissant, c’est grande perte de gens, comme parents ou amis, grands ou petits selon la qualité des étoiles. Dérober les étoiles n’est pas bon. Il est advenu qu’après ce songe les songeurs ont commis sacrilège, et en ont été repris et punis. Manger les étoiles non plus n’est pas bon, sinon aux astrologues et devins, auxquels cela signifie gain; aux autres, c’est la mort. Voir les étoiles sous la couverture de la maison c’est que la maison sera déserte, consumée ou brûlée, ou que le maître de la maison mourra.
De l’Arc en ciel.
L’arc en ciel à droite est bon, à gauche mauvais, et il faut juger la droite ou la gauche, selon le soleil; en quelque qualité qu’il apparaisse, c’est bon signe à quiconque serait affligé de pauvreté, ou d’autre affliction : car il change le temps et l’air.
Des Nues.
Les nues blanches c’est prospérité : montant de terre en haut, c’est voyage ou retour de l’absent et révélation de secrets; rouges ou enflammés, c’est mauvaise issue d’affaires; fumeuses, ténébreuses et obscures, c’est mauvais temps ou fâcheries.
Des vents.
Les vents doux sont bons; impétueux, sont gens mal plaisants et méchants. Tourbillons et tempêtes des vents sont périls et troubles.
Des tremblements et ouvertures de la terre.
La terre tremblante, c’est changement d’état et d’affaires, mais ouvertures, abîmes, confusions et renversement de terre, sont injures, mort ou perte de biens. Seulement on expérimente que ce songe est bon à ceux qui se proposent de voyager, et qui sont endettés.
De l’échelle, degré, casse, meule, pilon, et du coq.
L’échelle est signe de voyager. Les degrés, c’est l’avancement mais certains disent que c’est péril. La meule signifie fin de grandes et fâcheuses affaires. Le coq signifie le père de famille ou maître d’hôtel.
Des oeufs.
Les œufs, aux médecins et peintres, et à ceux qui vendent et trafiquent, sont bons; aux autres, il est bon d’en voir en petite quantité, et cela signifie gain, mais beaucoup c’est peine et souci, noises, ou procès.
Des monstres, choses contre nature.
Il faut entendre et retenir en général que tout monstre et chose impossible selon nature, c’est vaine espérance de choses qui ne se feront point.
Des livres.
Les livres sont la vie de celui qui songe. Songer les manger est bon aux maîtres d’écoles, et à tous ceux qui font profit des livres, et qui étudient l’éloquence; aux autres, c’est mort subite.
Des perdrix.
Les perdrix signifient hommes et femmes, mais le plus souvent femmes sans conscience, ingrates et difficiles.
Des pièges à lacet.
Les lacets sont détention, empêchement et maladies. Aux serfs, c’est loyauté, honneur et autorité, dont les ingrats seront déboutés. Aux non mariés, ce sont noces; à ceux qui n’ont point d’enfants, c’est signe qu’ils en auront.
Des plaies.
Il est bon de fesser ou fouetter seulement ceux qui sont sous nous, mais non la femme car cela ferait sans doute qu’elle fût adultère. Les autres apportent profit à celui qui les bat. Être fouetté n’est pas bon, ni des vifs, ni des morts, ni de nos sujets, mais bien des autres. Toujours il est bon d’être fessé de verges ou de la main, et cela signifie profit, mais de cuir, de cannes, et de bâtons, c’est mauvais.
De la mort.
Songer être mort signifie noces, à celui qui est à marier car mort et mariage se représentent. Et pourtant aussi aux malades songer de se marier et célébrer noces, est signe de mort. A celui qui a femme, le fait de mourir lui signifie séparation, ou de compagnons, parents et amis : car les morts ne sont pas avec les vivants, ni le contraire. A celui qui est chez soi, cela signifie aller dehors; c’est un bon songe pour les pères, les poètes, orateurs et philosophes, car les premiers auront enfants qui vivront, les autres composeront oeuvres de mémoire. Outre cela, j’ai fait expérience que c’est bon de songer à la mort pour ceux qui sont en tristesse et crainte, car les morts n’ont plus crainte ni tristesse. Aussi à ceux qui ont procès d’héritage, et qui veulent acheter terres : car les mors sont seigneurs de terres. En un autre procès, ce songe n’est pas bon, sinon au malade : car il guérira, parce que les morts ne sont plus malades. C’est tout un songer être mort, ou être porté et enseveli, comme pour mort. Songer être enseveli et enterré tout vif n’est pas bon, souvent cela signifie prison et captivité. Que la mort signifie bien ou mal, si on songe être tué de la main d’autrui, ledit mal ou bien viendra par autrui. Si on songe se tuer soi-même, le songeant aura le bien ou mal aussi par soi même. Le mort par sentence de justice, fait les maux ou les biens plus grands. Être pendu et étranglé par autrui ou par soi même, c’est trouble et angoisse, c’est aussi changement de lieu et de maison. Être brûlé tout vif, c’est comme être atteint de la foudre, dont nous avons parlé ci-dessus, mais aux malades, c’est signe de santé; aux jeunes gens, c’est signe de calamités, concupiscence et chaleurs de jeunesse. Être crucifié est bon à ceux qui veulent naviguer et aux pauvres : mais aux riches, au contraire. Aux non mariés, ce sont des noces, aux serfs la liberté; c’est aussi le changement de lieu. Être crucifié en ville, c’est avoir état et offense tel que requiert le lieu où on songerait être. Avoir combat avec les bêtes est bon aux pauvres, et signifie biens, dont ils pourront nourrir et entretenir train : aux riches sont fâcheries et injures, de telles gens que les bêtes représentaient, et a été à plusieurs indice de maladie, c’est liberté aux serfs qui songent être tués par les bêtes.
De porter autrui ou être porté.
Porter autrui est meilleur que d’être porté, d’autant que c’est plus d’honneur de donner que de prendre. Car celui qui porte représente celui qui fait du plaisir; celui qui est porté, celui qui reçoit. Être porté par une femme, un enfant ou des pauvres personnes est moins de profit et de support; c’est bon pour le serf d’être porté par son maître, et au pauvre par un riche.
Des Morts.
Voir des Morts sans autre chose ni parole, c’est être au même état et affection comme lesdits morts étaient envers nous : car s’ils ont été nos bienfaiteurs, ce songe nous signifie bien et joie, et au contraire : c’est très mauvais quand les morts nous semblent emporter et dérober robes, ménage, argent ou vivres, car cela signifie mort au songeur, ou à quelqu’un de ses parents et amis. Les morts qui donnent vivres, argent ou habits, c’est bon songe. Mais s’ils ne donnent pas, c’est autre chose : j’ai connu un homme qui songea que sa femme morte faisait les lits en sa maison, et le lendemain plusieurs de ses grands amis tombèrent malades.
Des monnaies et trésors.
Certains disent que songer l’argent et toutes espérances de monnaie, c’est mauvais. Mais j’ai expérimenté que petite monnaie d’airain signifie tristesse et paroles fâcheuses; mais monnaie d’argent, paroles et propos de grandes affaires. D’or encore de plus grandes. C’est toujours meilleur de songer d’avoir peu d’argent, que beaucoup, parce que le grand tas ne se peut employer et distribuer qu’avec peine et souci. Trouver trésor caché en terre, si le trésor est petit, ce sont petits maux; s’il est grand, ce sont grands maux, fâcheries et tristesses, et mort : car l’on ouvre la terre pour le mort, comme pour le trésor.
Des pleurs.
Pleurer et avoir douleur, pour quelque ami trépassé ou pour autre cause, c’est joie et liesse, pour quelque bon acte. Et non sans propos, car notre esprit a quelque affinité et ressemblance avec l’air extérieur, qui nous environne. Tout ainsi donc que l’air est toujours sujet à changement, d’un état serein à celui de tempête, et au contraire de tempête en sérénité et tranquillité, aussi est-il vraisemblable que notre esprit se change de triste en joyeux, et de joyeux en triste. Et pourtant aussi être joyeux en songe, c’est signe de tristesse, mais il faut qu’il y ait cause d’être triste, autrement s’attrister sans cause serait signe d’être triste pour cause.
Du tombeau.
Avoir son sépulcre ou tombeau, ou le bâtir, est bon au serf car il aura liberté. Et aussi à celui qui n’a point d’enfants, car il en aura. Souvent aussi c’est signe de noces et acquisitions de terres. C’est bon songe généralement pour les pauvres et les riches, mais sépulcres tombant ou tombés en ruine, c’est le contraire.
Des morts qui revivent ou remeurent.
Les morts qui revivent sont troubles et dommages car il faut estimer, si la chose était, quels troubles il y aurait si les morts revivaient : ceux-ci voudraient rentrer en jouissance de leurs biens, ce qui serait fâcherie et perte grande pour ceux qui en auraient joui depuis leur mort. Les morts qui meurent à nouveau signifient la mort de ceux qui porteraient leur nom : étant leurs prochains parents ou leurs alliés, ils sembleraient ainsi mourir deux fois. Breuvage ou morceau mortel, signifie comme le mort; semblablement toute tête qui se trouverait sous le lit, lesquelles choses signifient mourir en bref.
Des noces.
Puisque les noces ont convenance et signifiance de mort, et la mort de noces, en cet endroit j’en parlerai. Épouser une fille : à celui qui serait malade, c’est mort; c’est bon à celui qui veut entreprendre quelque affaire car il aura une très bonne etparfaite issue. Et celui qui espère quelque bien il obtiendra : car celui qui se marie prend quelque bien en dot de sa femme. Aux autres c’est trouble et divulgation : car sans cela on ne fait de noces. Mais si l’on prend femme vive, on poursuivra non point nouvelles, mais vieilles affaires non sans profit. Si quelqu’un voit sa femme mariée à autrui, c’est changement d’affaires, et d’affection ou séparation. Si la femme songe être mariée à un autre que son mari, elle est séparée de lui, ou le verra mort, comme certains disent. Mais je sais que cela n’est pas toujours, mais seulement quand la femme n’est pas enceinte, ou n’a point d’enfants, ou n’a point d’héritage à vendre : car si elle est grosse elle fera une fille qu’elle verra marier. Et par ainsi non pas elle, mais sa fille sera mariée à un autre. Et celle qui a quelque bien à vendre, fera contrat, comme l’on fait pour mariage.
De l’hirondelle et du rossignol.
L’hirondelle ne signifie point mal, si elle ne fait quelque chose qui dénotait le mal, ou si elle ne se montrait d’autre couleur que la naturelle. Ainsi signifie bien travailler, ouvrager, et principalement noces et musique, et promet femme ménagère, et gardant maison : car l’hirondelle vit, et fait son nid avec nous, sous une même couverture. Le rossignol signifie comme l’hirondelle, mais en moindre bien car il n’est pas aussi familier de nous.
De voler.
Songer voler un peu haut de terre, bien droit, est bon car d’autant qu’on est plus haut élevé que ceux qui sont à l’entour, d’autant l’on sera plus grand et plus heureux. Voler avec ces ailes, est bon généralement à tous. Aux serfs, c’est liberté; aux pauvres, argent; aux riches, office et dignité. Mais voler bien haut, loin de terre, et sans ailes, c’est crainte et danger; comme aussi voler sur les maisons, et par les rues et carrefours, c’est trouble et sédition. Voler au ciel, c’est aux serfs une entrée aux riches maisons et même à la Cour. A ceux qui veulent être secrets, c’est mauvais car tout le monde voit le ciel. Voler avec les oiseaux, c’est chanter avec les étrangers, et peine et punition aux malfaiteurs. C’est bon surtout, quand de vouloir on vole, et de vouloir on retourne et descend : car c’est signe de grande facilité, et bonne disposition des affaires. Mais voler par contrainte comme étant pourchassé des hommes, des esprits, ou des bêtes, n’est pas bon, ce sont grandes fâcheries et dangers. Voler à la renverse, n’est pas mauvais à ceux qui veulent naviguer, car communément dans un navire qui va son cours sans tempête, les gens reposent et couchent à la renverse. Aux autres, c’est faute d’ouvrage et de besogne : car ceux qui sont à la renverse sont oisifs. Au malade, c’est la mort. C’est très mauvais de vouloir voler et ne pouvoir, ou voler la tête en bas et les pieds en haut. En quelque sorte que le malade vole, c’est la mort : car on tient aussi que les âmes sortant du corps volent au ciel d’un grand vol et bien léger comme les petits oiseaux. Le fait de voler est mauvais à ceux qui ont art et métier qui requiert de ne pas bouger de place. Il est bon aux captifs. Plusieurs par ce songe de voler sont devenus aveugles, tant ils craignent de tomber. Voler en chaise, en lit, en étant assis en quelque appui, pour soutènement, c’est grande maladie. Mais ce n’est pas si mauvais à celui qui voudrait voyager, car ce serait signe qu’il voyagerait avec son sac, avec ses outils et meubles, ou en charrette ou en litière.
De ceux qui sont dignes de croire.
Ceux par songe qui nous disent quelque chose, et sont dignes d’être crus, en premier lieu sont les Dieux : car c’est une chose qui ne convient pas à Dieu que le mensonge. Ensuite, ce sont les sacrificateurs, car les hommes les honorent comme dieux. Puis les rois et princes : car toute chose qui domine a vertu et puissance de Dieu. Puis les pères, mères, maîtres ou précepteurs : car ils sont comme des dieux, nous donnant les premiers la vie, les autres la forme de bien vivre. Puis les devins et parmi eux, ceux qui ne sont point menteurs, ni trompeurs : comme sont les augures, astrologues, interprètes de songes. Puis les morts, car ceux qui mentent le sont pour gain qu’ils ont, ou pour espoir de bien. Or les morts ne nous craignent ni attendent aucun bien de nous. Puis les enfants, les vieillards, et les bêtes sont dignes d’être crues en tout ce qu’ils nous annoncent par songe. Tous les autres ne sont point croyables, sinon ceux qui vivent bien et solitairement.
Conclusion de l’Auteur sur le second livre.
Si d’aventure aucun de ceux qui auront eu mes livres entre leurs mains, pense que j’ai pris d’autrui aucune chose, il s’abuse. Mais quand il aura vu et entendu la préface de ce livre, il connaîtra mon propos et vouloir. Ce que j’avais bien la puissance de faire aussi, mais je n’ai pas cherché à complaire comme ceux qui cherchent le bruit au théâtre, et qui vendent leurs paroles : ainsi je produis et appelle toujours à témoins pour moi, l’expérience, et la règle ou raison » je fuis donc déjà fait en tout à expérience : car je n’ai jamais fait autre chose jour et nuit que méditer et habiliter mon esprit au jugement et interprétation des songes. Or je veux prier les lecteurs de peu de chose, c’est qu’il n’ajoutent ni diminuent en mes présentes oeuvres : car si quelqu’un y peut ajouter, il en pourrait aussi plus facilement faire un livre particulier. Ou soit qu’il pense qu’il y ait choses superflues, qu’il use seulement de ce qu’il trouvera bon, laissant le reste pour les autres.
TOME TROISIEME DU LIVRE D’ARTEMIDORE.
Du jeu de dés.
Songer de jouer aux dés, c’est querelle et dispute avec quelqu’un pour de l’argent. Il est toujours bon de gagner. Les dés simplement vus en songe, c’est sédition et querelle. Mais la perte des dès annonce fin de querelle et sédition. Voir un enfant jouer aux dés ou dames, n’est pas mauvais. Pour un adulte, il est mauvais de jouer aux dés sauf si on espère quelque succession à la suite de la mort de quelqu’un, car les dés sont faits des os des morts.
De l’ancien sacrilège, et mensonge.
Songer que l’on vole n’est pas bon si ce n’est à celui qui voudrait tromper autrui. Plus la chose que l’on songe de dérober est riche et bien gardée, plus grave est le danger du songeur car il est vraisemblable que le songe soumet le songeur aux mêmes peines que la loi réserve aux voleurs.
Commettre un sacrilège en songe est très mauvais à tous sauf aux prêtres sacrificateurs et aux devins. Mentir en songe n’est pas bon, sinon aux farceurs et railleurs qui en ont coutume. C’est un moindre mal de mentir aux étrangers plutôt qu’aux siens : car cela signifie de grandes infortunes, même si l’on songe mentir aux siens pour des choses de peu d’importance.
Des cailles et coqs.
Cailles sont messagers portant mauvaises nouvelles par dessus la mer. Elles sont contraires aux alliances amitiés, noces, car elles signifient noises et séditions, et mort aux malades, si elles traversent la mer. Elle sont aussi contraires aux voyageurs, car signifient embûches et trahisons, parce qu’elles sont épiées quand elles volent, et tombent souvent entre les mains des oiseleurs et chasseurs. Coqs qui se combattent, sont aussi noises et dissensions.
Des fourmis.
Voir des fourmis avec elles n’est pas bon, car c’est dommage et dangereux voyage. Les autres fourmis appelées diligentes et laborieuses, sont bonnes aux laboureurs : car signifient fertilité car là ou il n’y a grains, là ne se trouvent point de fourmis. Elles sont bonnes aussi à ceux qui vivent du commun, et tirent profit de plusieurs et au malade quand elles ne s’approchent pas près de son corps : car elles sont appelées laborieuses, et ne cessent de labourer, ce qui est propre à ceux qui vivent : mais quand elles se rangent près du corps du patient, c’est mort, parce que elles sont filles de terre, et froides et noires.
Des poux et des longs vers.
Songer avoir petite quantité de poux, et les trouver sur son corps ou sur sa robe, et les tuer est bon : car ce songe signifie que l’on sera délivré de souci et tristesse. Mais en avoir en grande quantité est grande pauvreté car en tel cas les poux abondent. Et si on les rejette tous c’est espoir d’être relevé de tous ses maux. Faire des vers par la bouche ou par le siège c’est connaître ses ennemis et conjurateurs familiers, et les vaincre.
Des mouches ou taons, et des petits vers qui s’engendrent en la chair.
Les petits vers, sont souci et fâcherie, et le plus souvent déplaisir qu’on aura de femme et familiers. Les taons sont mauvaises gens qui diffameront le songeur. Aux taverniers, c’est que leur vin se gâtera, et s’en aigrira, car telles grosses mouches aiment et demandent le vin aigre.
De batterie et haine.
Se battre avec ses familiers n’est pas bon, ni avec étrangers. Le malade en sera en danger de rêverie et perte de sens. Se battre avec grands personnages, comme princes, rois et magistrats est très mauvais. Songer haïr ou être haï, soit d’amis ou d’ennemis est mauvais : car l’on peut avoir affaire de tout le monde.
De meurtre.
Voir des gens immolés et tués, est bon car c’est signe que nos affaires sont accomplies, ou près de la fin.
Du crocodile et du chat.
Le crocodile signifie le pirate et brigand de mer, ou le meurtrier et méchant en quelque sorte, comme le crocodile. Le chat signifie l’adultère et paillard.
Des échasses.
Être monté sur des échasses, aux malfaiteurs c’est prison et chaînes, et liens. Aux autres, c’est maladie ou vie vagabonde chez les étrangers.
De cheminer sur la mer.
Cheminer sur la mer à celui qui veut voyager est bon, puis aussi au serf, et à celui qui veut prendre femme. Celui-ci jouira de sa femme et l’autre de son seigneur à son plaisir. C’est bon aussi à celui qui a procès, car la mer représente le juge qui traite bien les uns et mal les autres, et la femme à cause de l’humidité, et le seigneur à cause de la puissance. Au jeune homme, ce songe est amour de femme de plaisir, et à la femme c’est vie dissolue de son corps, car la mer est semblable à la putain, parce qu’elle a belle apparence et attraits mais enfin elle en traite plusieurs bien mal. Ce songe est bon à tous ceux qui vivent, et font profit sur le peuple, et qui administrent la chose publique : car ils auront grand honneur et profit. Car la mer est semblable à un peuple, à cause du désordre et de la confusion des ondes.
Faire statues ou images d’homme.
Former des images d’hommes, soit de terre ou autre matière, est bon aux gouverneurs d’enfants : car ils les gouverneront et instruiront avec honneur et profit. Et à ceux qui n’ont point d’enfants, car ils en auront qui leur seront bien semblables.
Être attaché à la charrette, ou porté dessus.
Être lié à la charrette pour labourer la terre comme un cheval ou boeuf, c’est maladie, servitude, et peine à toutes personnes, quelque riche et puissante qu’elle soit. Être sur une charrette ou litière porté, ou tiré par les hommes, c’est avoir puissance et autorité sur plusieurs, et avoir enfants de bonnes moeurs : quant aux voyages c’est sûreté avec retard.
De maladie.
Être malade, est bon seulement à ceux qui sont en captivité, ou en grande pauvreté : car la maladie enlaidit, et amaigrit, et diminue les corps. Aux autres c’est grande oisiveté et faute de besogne. C’est le même cas songer de visiter quelque malade inconnu; mais visiter quelqu’un de familier et connu, c’est qu’il lui adviendra ce que dessus, non au songeur car nous disons que les amis prochains, et familiers sont les fantômes et images représentatives de ces choses qui nous sont à venir. Même j’ai observé que tous les biens et maux que l’âme nous veut signifier bientôt, et plus grandement à venir elle les avertit et représente par la personne même du songeur. Mais ceux qu’elle signifie et annonce pour plus tard et de moindre apparence, elle les représente par autrui.
Être vêtu de façon informe.
Être mal vêtu, c’est mal à tous et signifie abondante moquerie, et raillerie, avec la mauvaise issue d’affaires. Ce songe serait seulement bon à gens railleurs et farceurs.
Ecrire de la main gauche.
Ecrire de la main gauche, c’est faire quelque machination secrète, tromper, décevoir et diffamer quelqu’un.
Du beau père et de la belle mère.
Songer de voir son beau père et sa belle mère, vifs ou morts, c’est mauvais, même usant de force ou de menace. Usant de douces paroles et bon recueil, sont vaines espérances et dissimulations, quelquefois cela signifie voyager car le père et la mère naturels représentent la maison. Le beau père et de la belle mère représentent les étrangers.
De prédécesseurs ou successeurs.
Les prédécesseurs, comme aïeux et autres ancêtres, signifient souci qui se convertira en bien ou mal, selon la grâce et circonstance où nous les songerons. Les successeurs, s’ils sont enfants c’est fâcherie et peine, s’ils sont plus grands, c’est support.
De la souris et de la belette.
La souris signifie le serviteur : c’est bon d’en voir plusieurs se jouant et s’ébattant. Mais la belette signifie la femme maléfique et mauvaise, ou procès, ou mort, et gain selon ce qu’elle fait, et va ou vient.
De la fange.
La fange signifie maladie ou déshonneur.
Du bassin.
Le bassin signifie la bonne chambrière. Boire ou manger dedans, c’est amour de servante. Se voir dans le bassin comme dedans un miroir, c’est avoir enfants de la servante.
De l’image ou simulacre.
La statue ou image signifie les enfants, et le vouloir et affection de la personne qui songe l’image de matière solide, et non pourrissante, est meilleure que la peinture ou que celle de terre, de cire, et autre. Ce qui adviendra à l’image, adviendra pareillement aux enfants, et affaires de celui qui songe.
De la sage femme.
La femme sage vue par songe, c’est révélation de secrets et dommage, c’est mort aux malades : car elle tire toujours ce qui est contenu de ce qui contient, et le remet a la terre. À ceux qui sont détenus par force, c’est liberté.
Des épines ou aguillons.
Les épines ou aguillons, sont douleurs, empêchements, souci et tristesse. A plusieurs ont signifié amours, et aussi injures de méchantes personnes.
De la chaîne.
La chaîne c’est la femme, détention, affaires mal à gré, et empêchements.
De consolation.
Songer avoir consolation de quelqu’un, au riche est bonheur; c’est infortune et injure, au pauvre; à l’affligé, c’est aide et réconfort.
De la blessure.
Songer être blessé à l’estomac, ou au coeur, pour les jeunes gens, c’est amour; pour les vieillards, c’est douleur et tristesse. En la paume de la main dextre, c’est dette et deuil. Mais la nouvelle peau reprise en la plaie, qu’on appelle cicatrice, c’est fin et issue des maux.
De la dette et du créditeur et du locateur.
La dette et le créditeur représentent la vie. Par quoi aux malades, le créditeur pressant et contraignant, c’est grand danger, et recevant c’est mort : car nous devons la vie à la nature, notre mère universelle, laquelle nous devons lui rendre et payer. Créditeur mourant, c’est fin de tristesse. L’hôte et locateur qui donne maison à louage, signifie comme le créditeur : quelquefois le créditeur représente la fille qui demande son douaire pour se marier.
D’être fol ou ivre.
Songer être fol est bon à cil qui veut se mettre en quelque affaire : car les fols et furieux sont tout ce qui ait en fantaisie. C’est bon aussi aux prévôts et échevins qui veulent avoir autorité sur le peuple : car ils auront plus grand bruit et honneur. Aussi c’est bon à ceux qui veulent gouverner et endoctriner enfants : car les enfants suivent volontiers les fols. Aussi est bon aux pauvres : car ils auront du bien, car les fols prennent de tous côtes et à toutes mains. Au malade c’est santé, car folie fait aller et venir, et non pas dormir et reposer : mais songer être ivre, est très mauvais à tous, car signifie imprudence grande, seulement est bon à ceux qui sont en crainte : car les ivrognes ne craignent et ne doutent de rien.
Des lettres missives.
Voir des lettres et ce qui serait écrit dedans, c’est que l’on aura la disposition des choses selon le contenu. Mais le voir simplement sans ce qui serait écrit dedans, c’est bonne nouvelle : car en toutes lettres il y a Salut, Bonjour, Dieu garde, et Adieu.
Des plantes et arbres sortant du corps.
Songer que quelque plante sort de notre corps, c’est mort ou incisure à celui qui serait signifié par la partie, dont sort ladite plante.
De la lèpre et grattelle.
Lèpre et grattelle, sont signes de richesse et honneur aux pauvres. Aux riches et puissants, sont offices et dignités, c’est aussi révélation de secrets. Mais voir autrui lépreux et galeux, c’est fâcherie et souci : car toutes choses laides et de mauvais regard, attristent ceux qui les regardent.
Jeter des pierres ou être lapidé.
Jeter des pierres à quelqu’un, c’est assaillir quelqu’un de paroles et injures : mais être lapidé de pierre : c’est ouïr et souffrir injures, car les pierres représentent les paroles injurieuses. Souvent c’est voyage et fuite : car il faut que celui qui est assailli de pierres, fuie. Quand plusieurs jettent les pierres, ce songe est bon à celui qui espère argent, profit et utilité de plusieurs.
Des cigales.
Cigales ou grillons signifient musiciens; à ceux qui sont en nécessité, ce songe signifie absence d’amis et de support, mais seulement paroles et propos de ses affaires. A ceux qui sont en crainte, ce sont menaces sans effet; aux malades, c’est soif et mort.
Souffrir comme un autre.
Être en peine et souffrance comme un autre c’est être complice et participant de son méfait et de la peine, car les maladies et imperfections du corps, se rapportent aux passion et affections de l’âme.
Du fumier.
Voir du fumier est bon à ceux qui vivent sur le menu peuple, et qui en tirent profit, et à ceux qui sont d’état vil. C’est bon aussi à ceux qui ont charge de négoces publics. C’est bon au pauvre de dormir sur le fumier car il amassera beaucoup d’argent. Au riche, c’est état, office et honneur public car le commun apporte toujours et jette les superfluités sur le fumier. Être souillé de fumier par quelque familier, c’est inimitié avec lui et injure, mais par quelque inconnu, c’est grand dommage à venir.
Des prières et requêtes.
Prières et requêtes d’aumônes à tous mendiants, pauvres et misérables, c’est souci et fâcherie à tous ceux qui les songent, car nul ne requiert autrui sans être affligé, et nul affligé n’a raison et considération. Et s’il reçoivent argent pour aumône, c’est signe de grand péril et dommage. Et souvent c’est mort au songeur, ou à quelque sien amy. Pauvres et mendiants entrant en la maison, et emportant quelque chose, soit qu’ils le volent ou qu’on le leur donne, signifie grande adversité.
De la clef.
La clé vue par songe, à celui qui se voudrait marier, c’est signifiance de bonne chambrière. Elle est bonne à ceux qui veulent procurer et dispenser les affaires d’autrui.
Du cuisinier.
Voir le cuisinier en la maison, c’est bon à ceux qui se veulent marier car les noces ne sont pas sans cuisinier; c’est bon aussi aux pauvres, car ils auront du bien et puissance de tenir bonne et longue table; aux malades, c’est inflammation et chaleur, et larmes; c’est aussi révélation de secrets car l’appareil du cuisinier se fait et se présente devant plusieurs.
Du jeu des échecs.
Songer de jouer aux échecs, c’est gain par mensonge et déception. Voir autrui jouer c’est qu’il sera en perte par tromperie.
De l’hôtelier.
L’hôtelier qui tient hôtellerie publique, c’est mort au malade car il signifie la mort à cause qu’il reçoit toutes gens; aux autres c’est trouble et tristesse, grand danger et voyages. L’hôtellerie signifie comme l’hôtelier.
Être gardé et détenu.
Être gardé et détenu par quelqu’un, c’est empêchement d’affaires, et longueur de maladie au malade; toutefois à ceux qui sont bien bas et près de la fin c’est retour de santé car la garde et conservation représente la vie qui sera prolongée. Mais délivrance, c’est le contraire et mort. Entrer en prison et captivité de liens, soit de gré soit de force, c’est grande maladie, ou forte fâcherie. Les sergents et bourreaux, sont captivité, tristesse et révélation de secrets au malfaiteur.
Des veilles, joies, et banquets qui se font de nuit.
Veilles et festivités, nocturnes sont bonnes à ceux qui se veulent marier, et faire noces, et à ceux qui recherchent compagnie et alliances. Et aux pauvres, c’est signe de bien; aux tristes et craintifs, c’est fin de tristesse et crainte car volontiers ne veillent pas toute la nuit en danse et bonne chère sinon ceux qui sont joyeux. Aux paillards et paillardes, c’est révélation de leurs affaires, aux riches, c’est trouble et divulgation.
Des lieux d’assemblée.
Lieux de palais, de marché, théâtre, carrefours et grandes places en villes et faubourgs et Eglises, ce sont troubles, à cause de la multitude de gens qui s’assemblent en ces lieux et places. Marché rempli de biens et de gens est bon à ceux qui trafiquent; mais désert, c’est le contraire.
Des statues.
Statues d’airain bien gardées, vues bouger par songes, c’est richesse et revenu; toutefois trop grandes, ce sont grandes terreurs et des périls parce qu’on ne les pourrait voir sans frayeur. Les statues aussi représentent magistrats et gouverneurs de ville, dont ce quelles feront ou diront adviendra auxdites personnes.
De la Taupe.
La Taupe signifie l’homme aveuglé par inconvénient, et labeur en vain, et que celui qui veut être secret sera décelé par soi même.
Des oiseaux de nuit.
Chouette chat-huant, butor, chauve-souris et tout autre oiseau de nuit, c’est contraire à toute entreprise et avancement d’affaires, mais enlève les craintes et terreurs. La seule chauve-souris est bonne aux femmes enceintes car elle ne fait point d’oeufs comme tous autres oiseaux, mais des petits et porte le lait dont elle les nourrit. Si ces oiseaux sont vus en songe entrer en maison pour y habiter, c’est que la maison sera déserte, et délaissée des habitants. Celui qui va par mer ou par terre, et voit en songe un de ces oiseaux, il tombera en grande tempête, ou entre les mains des brigands.
De l’horloge.
L’horloge signifie actions, mouvements, opérations, machinations et surprises en choses nécessaires. Si l’horloge tombe, ou se rompt, c’est mal et grand danger, même aux malades. Toujours serait bien meilleur de compter les heures devant midi que celles d’après.
Conclusion de l’Auteur sur le tiers livre.
Voilà donc suffisamment comme je pense, ce qui manquait, que j’ai mis dans ce tiers livre, et qu’il ne convenait point de remettre ni d’ajouter aux deux premiers. Pour ce j’en ai aimé mieux faire un livret à part, sans rien omettre, afin de ne laisser occasion à nul d’en ajouter dans un autre ouvrage.
Maintenant, on doit bien savoir qu’il n’est rien plus fâcheux et difficile que de comprendre la complexité et la diversité des songes, et d’en tirer une règle générale, attendu que souvent l’on voit dans un même songe et un même moment, de jour ou de nuit, des choses contradictoires et sans aucun point commun.
Or il est impossible que les choses signifiées par un même songe soient contradictoires, car les songes prédisent les choses à venir. Mais comme en toute chose, il y a un ordre à observer. Si donc on aura vu par ce même songe des choses bonnes et mauvaises, alors il faut identifier lesquelles sont les premières, et lesquelles les dernières : car dans les affaires de ce monde, quelquefois aussi des occasions d’espérer ont eu une mauvaise issue, et au contraire, quelquefois les doutes et les craintes ont bien tourné. Parfois, au lieu des grands maux qu’on attendait, on en a eu de petits. Et pour petite espérance de bien, l’on n’a rien eu. Ainsi donc les songes mixtes et composés certes sont douteux et ne se peuvent pas entendre ni exposer facilement, ce qui est grief à plusieurs.
Or j’ai écrit avec ordre, et le mieux que j’ai pu, le plus clairement possible, afin que chacune de ces significations soit facile à suivre. Et comme les maîtres d’école après qu’ils ont enseigné aux enfants la connaissance et la propriété de chacune des lettres en particulier, puis toutes ensemble, ainsi je veux donner un enseignement facile à suivre, et ajouter à ce qui a été dit dans mes livres précédents, afin qu’il soit plus facile de les entendre et apprendre. Pour ceux qui ont de l’expérience et un long usage en cette matière, le propos sera facile.
Or donc au premier livre nous avons dit que la tête signifie le père de celui qui songe. Et au second que le lion signifie le Roi ou la maladie. Et au chapitre de la mort, qu’il est bon pour les pauvres de songer de mourir. Quand donc quelque homme pauvre (ayant son père riche) songe que le lion vient arracher et dévorer ou ravir sa tête, et que ledit pauvre homme en demeure mort, et sans tête, en songeant, il est vraisemblable que son père mourra, et le fera son héritier. Et par ce moyen il sortira de sa misère, et deviendra riche, attendu que ni le père ni la pauvreté ne le domineront plus : car en ce songe la tête représente le père. La perte de la tête représente la mort et la disparition du père. Le lion signifie la maladie dont le père mourra. Et la mort à ce pauvre homme représente son changement d’état, et que pauvreté sera chassée par la richesse. C’est ainsi qu’il faut conduire l’interprétation de tous les songes complexes, en faisant de chacun des chapitres et propos recueillis, comme une mixture et composition de médecine, qui se fait de plusieurs herbes et racines. Enfin, je souhaite que mes lecteurs soient débonnaires et qu’ils désirent bien vouloir lire mes livres, sans les accuser ni les blâmer, avant de les avoir lus attentivement et compris, car j’ose affirmer sous serment que ces miens livres n’induiront jamais en erreur un lecteur attentif.
TOME QUATRIEME DU LIVRE D’ARTEMIDORE : De la variété et diversité des Songes.
Certains songes sont spéculatifs, c’est à dire, qu’ils adviennent de la même façon que l’esprit les a vus et imaginés (s’il faut ainsi parler) quand le corps repose; d’autres sont allégoriques, c’est à dire qu’ils démontrent, sous d’autres choses, ce qu’ils veulent signifier. Ce sont les plus difficiles à interpréter, à la fois parce qu’on doute si les choses mêmes adviendront comme l’esprit les a représentées, ou si quelque autre chose est signifiée par ce songe. Or donc premièrement il faut entendre que l’effet des songes spéculatifs advient (s’il doit advenir car tous les songes ne sont pas suivis d’effet) tout de suite ou bientôt, tandis que l’effet des songes allégoriques se réalise dans un temps plus ou moins éloigné, comme d’un jour ou deux. Aussi serait-il excessif de penser que les choses monstrueuses et impossibles adviennent comme on les aurait vues en dormant.
Et il faut noter qu’un avocat, ayant songé qu’un autre avocat était malade, fut longtemps sans avoir de cause. De même, un serrurier qui songea qu’il voyait porter en terre un autre serrurier son voisin, délaissa sa boutique, et la ville même ou il se tenait. Mais Apollonide, le chirurgien, songea que dans un combat au jeu de l’escrime, il en blessa plusieurs : par sa chirurgie il en guérit plusieurs, et eut bonne pratique. C'est que l’intention des escrimeurs est de faire des plaies et non pas de tuer, et de même fait le chirurgien. Le malade qui songe voir des pains prêts à mettre au four : bien que les fruits de Cérès soient toujours bons, ce rêve toutefois lui signifie grande fièvre à venir, parce que ces pains doivent être chauffés et cuits au four. A celui qui se veut marier, ou qui veut faire alliance et compagnie ou société, il est préférable de rêver de vigne et de vin que de blé et d’orge, et à celui qui désire s’avancer et parvenir, il est meilleur de songer de donner que de prendre quelque bien, s’il ne le prenait des personnages les plus en vue.
Des hardes.
Songer voir toutes sortes de hardes qui se peuvent plier, trousser, porter, même dans des hottes, paniers, corbeilles, ou encore des chaînes, carquois, bagnes et joyaux: tout cela signifie du bien à ceux qui veulent ou se marier, ou faire quelque alliance autre. Mais c’est le contraire à ceux qui veulent faire des voyages, courir ou fuir ou qui sont en crainte d’être surpris, à l'exception de ceux qui veulent surprendre autrui, et user de quelque fraude et finesse.
De rencontrer des gens.
Songer de rencontrer ou de voir des gens, hommes ou femmes, si ce sont des gens qui nous aiment ou ont aimé, et qui nous font ou ont fait du bien et qui ne sont pas envieux de nous, mais qui nous veulent du bien : s’ils sont morts, ce songe est bon car ceux que l’esprit voit ou rencontre en dormant, ce sont les espèces et images des choses, et affaires à venir, dont les morts signifient les bonnes. Si ce sont des ennemis au contraire, les mauvaises.
De l’état et fortune première.
Si l’homme détenu après avoir été, riche, songe qu’il a les terres et possessions qu’il avait auparavant, et que les gens aussi qu’alors il avait soient avec lui en la maison ou ses commis, métayers ou grangers qu’il a en ses biens sur les champs, le songe est bon, car il signifie que sa bonne fortune lui retournera. Au contraire, si l’homme à présent riche songe voir et avoir les choses qu’il avait, lorsqu’il était pauvre, cela lui prédit retour de la pauvreté, et de son malheur advenir.
Pour juger que celui que pensons notre ennemi nous est ami et au contraire.
Les gens aimés de ceux qui les voient par songe, ou qui les aiment, et leur portent quelque honneur et faveur, bien qu’ils n’aient pas grande connaissance et familiarité ensemble, signifient temps prospère et jours de récréation à venir. Et c’est le contraire pour ceux qui vus en songe haïssent la personne qui les voit, bien qu’il ignore leur inimitié et mauvais vouloir. Ainsi donc lorsque tu auras vu en songeant quelque personnage que tu estimes ton ami, et que le jour du lendemain il ne sera pas prospère ni joyeux, alors tu pourras juger qu’il ne te porte pas amitié mais qu’il est feint et dissimulé. Et au contraire, si tu vois quelqu’un que tu penses être ton ennemi, et que le lendemain il te soit joyeux et prospère, alors estime que c’est à tort que tu le juges ton ennemi, et que tu lui dois porter mauvais oeil ou mauvais coeur.
De voir ou rencontrer des artisans, ou quelque fille ou femme de joie.
Des artisans que l’on songera voir ou rencontrer, ont même effet que voir leurs boutiques, il faut toutefois excepter la putain, car songer de la voir ou rencontrer, est signe de joie et n’est mauvais songe, mais voir le bordel ou maison où se tient la paillarde, est songer tristesse et malheur, parce que c’est un lieu public et plein de trouble.
De voir des petits enfants en adolescence, c’est à dire de moyen âge ou des vieillards.
Entre les petits enfants, il est meilleur de songer voir des garçons que des filles. Toutefois tous les deux emportent quelque souci et solitude, parce que sur les enfants il te faut songer. Les petits enfants, ou autres jeunes gens et de moyen âge, vus par songe, sont mieux que de voir de vieilles gens. Toutefois si celui qui songe était en quelque affaire de produire ou recevoir témoins, et d’être pris et reçu à serment, et qu’il désirât que l’on ajoutât foi à ses dits ou écrits, le meilleur serait pour lui de songer de voir des gens d’un âge mûr, ou des vieillards : pourvu aussi que ces vieillards ne fissent quelque acte de radotement et de mauvaise grâce vieillarde.
Des murs, fondements et vieux arbres. Toutes choses solides et fermes, comme murs, fondements et vieux arbres, et étoffes de fer et d’aimant sont significatives de sûreté à ceux qui sont en doute et crainte, pourvu que l’on soit enserré en iceux.
Des Chariots.
Les chariots qui ne sont pas en usage, comme de songer conduire un chariot tiré ou charrié par des loups, des léopards, des chiens et autres bêtes semblables, cela est bon seulement à ceux qui craignent de grands ennemis, parce que telles bêtes mises entres les limons sont sujettes au charretier. Mais songer d’être porté par des hommes, est bon aussi seulement à ceux qui veulent commander et être obéis. Aux autres cela signifie diffamation et dommage.
De Flatterie.
Songer de flatter n’est bon qu’à ceux qui ont cela de coutume, aux autres c’est signe d’être abaissés, parce que ceux qui flattent sont moindres, et de plus basse qualité de courage que ceux qui ne flattent point. Songer d’être joyeux et endurer facilement d’être flatté n’est pas bon, même si le flatteur est un de ses familiers, car cela signifie être trahi par lui.
D’être vendu.
Songer d’être mis et exposé en vente comme on faisait anciennement pour les serfs, et se fait encore entre quelques nations barbares, est bon à ceux qui souhaitent changer leur présent état et qualité, comme à gens détenus en pauvreté et servitude. Mais aux riches et aux malades, et à ceux qui sont constitués en honneur et autorité, il est mauvais, et après ce songe il est advenu que plusieurs ont été pris, et après vendus.
D’acheter.
Songer d’acheter toutes sortes de choses que l’on a de coutume, est bon. Acheter ce qui est seulement pour le vivre et pour la sustentation est fort bon aux pauvres. Mais aux riches et opulents, cela signifie dépenses et grands frais.
D’acquérir.
Songer d’acquérir et amasser des biens et même force beau ménage et bien en ordre, et beaucoup ou un pru mieux que ce que nous avions auparavant, est bon. Mais non pas très au dessus de notre état et qualité, car cela serait hors de raison et signifierait plutôt dommage.
De pauvreté.
Songer être en nécessité ou pauvreté, ne signifie aucun bien à personne, même ce songe n’apporte rien, mais signifie fortune contraire à ceux qui font profit par leur langue et beau parler.
Des choses que l’on songe advenir aux enfants outre leur âge.
Songer advenir aux petits enfants ce qui n’est propre à leur âge, n’est pas bon. Comme de songer que les enfants mâles auraient barbe et cheveux gris; et aux petites filles, qu’elles seraient mariés et feraient des enfants, ce qui leur signifie la mort prochaine. Toutefois songer que les petits enfants parlent bien, est bon, parce que c’est le propre à l’homme et femme de parler. Quant aux autres choses advenant outre l’âge en ceux qui ne sont plus petits enfants, cela a été déclaré au premier livre, au chapitre d’altercation ou changements. Les songes qui sont de génération d’enfants ou de noces, prédisent que nos enfants étant en pays étranger reviendront et même la femme et les enfants, si d’aventure on nous les aurait enlevés et emmenés. Cela même est signifié, si l’on songe labourer la terre, et y semer du blé.
Que ce qui est signifié par une chose, est aussi quelquefois significatif de la même chose.
Les yeux signifient et représentent les enfants. Car une femme ayant songé qu’elle avait mal aux yeux, vit ses enfants malades. Et une autre femme songea que ses enfants étaient malades et elle eut mal aux yeux.
De vomir.
Tout vomissement, soit de sang, de viande ou de flegmes, aux pauvres gens qui le songent signifient profit, et aux riches dommage, car ceux-là certes, ne pourraient rien prendre s’ils ne l’avoient premièrement, et ceux-ci ayant déjà du bien, ils le viendront à perdre.
De voir ou faire souvent de mêmes songes.
Voir souvent les mêmes songes, et par plusieurs nuits de suite, c’est que notre esprit nous avertit ou prédit attachement à une même chose, car quand nous avons grande affection à quelque chose, nous ne nous pouvons éviter d’y penser et aussi d’en parler. Mais si les mêmes songes sont vus avec un long espace de temps entre deux, ils ne doivent pas toujours signifier une même chose, mais le sens varie selon le changement du temps et des affaires. Ni plus ni moins que si plusieurs avaient songé un même songe, il ne signifierait à tous également, mais plutôt diversement, selon le divers état et qualité de gens, et de leurs différentes affaires. A ce propos un vendeur de senteurs et parfums songea qu’il avait perdu le nez, et il perdit sa marchandise, et n’en vendit plus, car il avait songé qu’il avait perdu le nez, par lequel on juge des odeurs. Longtemps après, et n’étant plus vendeur de parfums, il songea ce même songe qu’il n’avait point de nez et il fut accusé de fausseté, et s’en alla fugitif hors de son pays. Car c’est une chose bien laide et déshonorable d’avoir perdu le nez, qui est au plus apparent lieu de la face, et pour cela dit Virgile, Et truncas in honnesto vulnere nares. Ce même parfumeur étant quelque temps après malade, songea encor qu’il n’avait point de nez, et il mourut, car aussi les têtes des morts n’ont point de nez. Ainsi un même songe en un homme par trois diverses fois, signifia diversement : à savoir premièrement la perte de sa marchandise, secondement la perte de son honneur, et tiercement la perte de sa vie.
Des vases ou vaisseaux et instruments.
Tout vaisseau et instrument, signifie l’art ou métier dont l’on en use, ou bien ce que dedans l’on a coutume d’y mettre, comme les tonneaux signifient vin ou huile, monceaux de blé ou d’orge, ou autre chose à peu près ou à l’équivalent, qui serait en usage.
Les outils ou instruments à ce propos, signifient les amis : les vents, les parents, la victuaille et provision, signifie le bon ménager ou maître d’hôtel, les coffres et cabinets, les femmes et les économes. Or de tout il faut juger avec égard aux circonstances. Comme quelqu’un ayant l’ordre de chevalier, et postulant charge de conduire gens en guerre, songea qu’étant appelé par quelqu’un, il serait de la maison en laquelle il était, et ayant descendu deux degrés, lui fut avis que celui qui l’avait appelé lui mettait une couronne d’Olive, telles que les chevaliers Romains portaient en pompe. Après ce songe il fut fort joyeux, et pareillement tous ceux qui étaient de sa compagnie avoient bonne espérance par ce songe qu’il obtiendrait sa requête, mais cela ne se fit pas, pour la raison qu’il recevait la Couronne, non pas en montant les degrés, mais en descendant, car montant signifie avancement, et descendre au contraire. Toutefois ce songe lui signifiait autre chose, à savoir qu’il se marierait et épouserait une fille, car la couronne était de branches liées. Il ne faut donc pas que celui qui expose les songes, s’arrête à une seule chose, mais faut qu’il entende la disposition et déduction d’iceux, car ceux qui avaient jugé de ce songe par la seule couronne sans avoir égard à la descente, ont été tous trompés en leur jugement.
De parentage.
Tous ceux qui sont d’un parentage, même les enfants représentés en songe, ayant ou faisant quelque chose, signifient faire ou advenir quelque cas approchant desdites choses, à quiconque soit de la parenté. Comme ceci : un homme songea que sa fille était devenue bossue et la soeur du songeur mourut. Et non sans propos, car cette prochaine parente n’était pas en bonne santé, et en bref elle trépassa.
Des choses qui nous environnent.
Toutes les choses qui nous environnent ou nous reçoivent, ont même considération. Ainsi, quelqu’un songea qu’il était vêtu d’une robe de bois; or il naviguait et sa navigation fut tardive : car la robe de bois empêchant représentait le navire. Un autre songea qu’il avait perdu la couverture de sa maison et il perdit ses habits.
Un marinier songea voir une muraille qui se rompait, et les pans ou côtés de son navire furent rompus. Aussi toutes telles choses se peuvent rapporter au corps : et pourtant non sans propos, un qui songea que sa robe était rompue et déchirée, fut blessé en son corps, et en ce même endroit où il avait songé qu’était la cassure de sa robe : car sa robe montrait l’étui de son âme. Pareillement, les serviteurs, outre les autres choses qu’ils peuvent signifier, représentent le corps de leur maître. Parce qu’il est un maître qui avait songé voir son serviteur malade, il fut lui-même malade de la fièvre. Car le corps est comme le serviteur de l’âme qui voyait ce songe.
Un autre songea qu’il avait un pied de cheval, et fut fait Chevalier et homme d’armes : car comme ses pieds le portaient, ainsi le cheval le devait porter.
Qui songera que le Roi lui donnera de sa bouche quelque chose, signifie sentence ou arrêt à venir au profit de celui qui songe.
Des choses que l’on songe dire, et comment elles adviennent.
Tout ce que quelqu’un songe dire à autrui, et que ce qu’il dit ne touche à son métier, art ou étude et occupation, ainsi plutôt à ceux de celui à qui il songe parler, tout cela se doit entendre retourner à celui qui songe. Et aussi au contraire, mais comme des arts mécaniques que l’on songe exercer, après les avoir appris, cela est bon et signe de bien et avancement, ainsi se doit interpréter en tous autres arts. Or suivant propos, ce que les médecins songeront dire et traiter avec autrui de matière de droit, et au contraire le légiste ou avocat de matière de médecine, se retourne de celui qui songe, et de lui se doit interpréter. Songer faire bien à ceux dont l’on tire ou espère du profit, ou bien ne leur faire aucun mal, est signe de bien, car autrement on ne serait pas en leur grâce, et on n’aurait ni utilité ni avancement par eux. Et songer le contraire est mauvais. Héraclide de Thrace, poète tragique, ayant à exercer son art, et concourant avec d’autres poètes tragiques à Rome, songeait qu’il tuait les spectateurs et ceux qui étaient commis pour en juger et ses amis. Il perdit l’honneur et fut vaincu en ce concours car l’on n’a pas coutume d’occire ses amis, mais bien ses ennemis. Ainsi son songe sembla lui prédire que les juges et spectateurs lui seraient contraires et comme ennemis, et puis encore étant tués ne le pourraient aider.
Du foyer.
Songer de bâtir un foyer en pays étranger, à celui qui n’est pas en propos de se marier, ou d’aller habiter en pays étranger, signifie mort.
Des songes doubles ou composés : des robes immobiles, et de couleurs.
Il faut diviser ou séparer les songes, selon leurs parties diverses, et séparément les discuter et interpréter. Comme par exemple, quelqu’un songea qu’il naviguait en galère ou navire sur la mer. Et puis après étant sorti, il songea qu’il marchait sur la mer. Quant à la première partie de ce songe, tu en trouveras raison et exposition au second livre précédent. Et quant à la seconde partie, qui est de cheminer sur la mer, tu auras recours au tiers livre, pour savoir que cela signifie. Songer vêtir robes immobiles, n’est pas bon et signifie empêchement ou mort. Les choses de même couleur ont même signifiance. Quelqu’un songea que l’on lui avait donné un Maure, et le lendemain on lui donna un tonneau plein de charbon.
Une femme songea qu’elle avait achevé sa toile, et tôt après elle mourut.
De couvrir, oindre, ou farder son visage.
Cacher, oindre ou farder sa face, de quelque chose que ce soit, n’est aucunement bon songe, car cela signifie quelque faute, crime ou forfait, sur celui qui aurait fait tel songe. Un jeune homme de Phaos songea qu’il fardait son visage à la mode des femmes, qu’en advint-il? Il fut surpris en paillardise et adultère. Après avoir été condamné, il se gouverna encore mal. Les choses qui sont bonnes à un visage, si l’on songe de les employer en un autre ne sont pas bonnes : c'est-à-dire qu’elles ne signifient rien de bon à celui qui songe. Comme un tavernier de Candie songea qu’il se lavait le corps de vin et quelqu’un de ceux qui se faisaient fort d’interpréter les songes, lui exposa qu’il ferait profit en vin et qu’il lèverait ses dettes, desquelles il était obligé : mais tout le contraire advint, car son vin fut corrompu, tourné et gâté.
De changement en mieux et d’être crucifié.
Songer d’être changé et transformé en meilleur état, est bon à gens riches, quand mêmement ils songeraient être transmués en Dieux, pourvu toutefois que les circonstances ne soient point infructueuses. Comme quoi? Quelqu’un songea qu’il était transformé en soleil, et qu’ayant onze rayons, il passait par la grand place de la ville. Et qu’en advint-il? Il fut fait capitaine de la ville, et onze mois après en l’état de capitaine il trépassa. Songer d’être crucifié signifie grande gloire, honneur et richesse : car celui qui est crucifié, est plus haut élevé que les autres. Ménandre songea qu’il était crucifié en Grèce devant le temple de la ville de Diospolis, et il fut fait chef dudit temple, ou il acquit honneur et biens.
Des amis ou ennemis.
Songer voir les amis ou ennemis converser et être assemblés, signifie inimitié envers celui qui songe. Hélène songea que quelques-uns de ses amis s’en allaient dehors avec un de ses ennemis, et elle tomba en divorce et inimitié avec ses propres amis, même pour certaines causes et moyens qui ne touchaient en rien auxdits ennemis.
S’il est possible en même temps faire de bons et mauvais songes.
Non seulement en une semaine, mais aussi en une même nuit, l’on peut songer de bons et de mauvais songes. Je dis encore plus fort, par un seul songe on peut voir des choses bonnes et mauvaises, et il faut les distinguer par le jugement. Et ce n’est pas chose étonnante, attendu que la vie et les affaires de tout un chacun sont ainsi, à savoir mêlées ordinairement de bien et de mal, et l’on peut faire et souffrir ensemble, en même temps, bien et mal. Et il ne se faut pas toujours arrêter à une même issue ou événement de songe, en tentant d’en faire sortir toujours pareil effet. En quoi s’abusa quelquefois. Antipater interprète des songes : car comme quelqu’un avait songé qu’il embrassait du fer, il lui advint d’être réduit en servage et de vivre en ses fers. Le bon Antipater prédit à un autre qui avait fait un pareil songe, qu’il serait condamné au combat particulier en champ clos, ou à tenir le jeu d’escrime et vivre aussi entre, et par le fer, à savoir par l’exercice et art d’escrimer, où l’on ne fait que traîner et manier les dagues et épées de fer. A cet homme toutefois semblable chose n’advint pas, car celui-ci eut un membre coupé. Comme quoi il ne faut pas toujours s’arrêter à un même point et effet qui serait advenu : car ce serait à faire la bête (comme sont les ménétriers qui ne savent qu’une note) mais il faut être ingénieux à inventer toujours quelque chose, qui ne soit pas complètement différent, mais d’approchant, car l’esprit de la nature est fertile, et se récrée et ébat en variété et diversité.
Que les frères signifient les ennemis.
Les frères ont même signifiance que les ennemis, en tant que touche l’effet et événement des songes, et les ennemis au semblable ont pareil effet que les frères, et non sans propos : la raison est que les frères ne nous apportent rien quand ils naissent et viennent au monde, mais diminuent notre héritage et succession paternelle, et font que ce qui serait tout à nous, soit divisé en plusieurs parts entre eux et nous. Timocrate songea qu’il ensevelissait ou faisait enterrer un sien frère mort, et peu de temps après mourut un de ses adversaires et ennemis. Et cela ne signifie pas tant seulement le trépas des frères, la perte des ennemis, mais aussi la délivrance ou allégeance de quelque perte ou dommage que l’on attendait, et dont l’on avait douté, comme il advint à Dioclès le Grammairien, qui ne fit pas la perte d’argent, dont il se doutait, et qu’il craignait ayant premièrement songé qu’il voyait son frère mort.
Des banquets funèbres, et de revivre et monter au ciel.
Ni voir ni manger les viandes que l’on songe être mises en festins mortuaires, n’est bon en songe, ni songer faire tel festin à ses parents ou amis, car cela signifie ou prédit au malade la mort de sa personne, et à celui qui est en santé, le trépas de quelque sien familier. Songer de mourir et tôt après revivre n’est pas mauvais, et signifie victoire. Les choses qu’on a coutume d’offrir et présenter en oblation ou offrande aux trépassés, il n’est pas bon songer de les leur donner, ni de les leur prendre car cela signifie la mort pour celui qui songe ou pour quelqu’un de ses parents. Toutefois prendre vivres, or, argent, habits et vases de la main des morts, soit le tout ensemble, soit à diverses reprises, est bon songe, et signe de profit. Mais, pour celui qui est malade, songer de monter au ciel signifie la mort tout comme songer être en grande tranquillité, repos et félicité.
Dedans combien de temps adviennent les songes.
Toutes les choses qui dans la vie arrivent habituellement à un certain moment, et qui sont vues en songe, se doivent rapporter audit temps, et les autres qui n’ont aucun temps certain ni déterminé, se doivent aussi rapporter à un temps non certain ni déterminé, où leur effet se doit montrer. Et il faut juger du moment proche ou lointain où se réalisera le songe, selon les circonstances du songe : car celui-là serait bien sot qui annoncerait pour dans un an l’effet d’un songe d’un homme qui espère ou craint que quelque chose arrive le lendemain. Et faut savoir que les choses que l’on songe voir de plus loin, (comme serait autour du Ciel) ont leur effet plus tardif, pour cause de la longue distance. Davantage il ne faut pas ignorer que les bons ou mauvais songes, signifient aussi aux grands et petits, plus grands ou plus petits biens ou maux.
Fin de l’Epitome du quatrième livre.
TOME CINQUIEME DU LIVRE D’ARTEMIDORE : Contenant certains exemples de songes, avec les effets qui s’ensuivirent.
Quelqu’un songea qu’il buvait de la moutarde si claire et si bien broyée qu’elle était buvable : il advint qu’on lui brassait une accusation de crime, à savoir d’homicide, dont il fut si bien chargé et atteint, qu’il en reçut sentence de mort, et fut exécuté par la justice. Un autre songea que l’eau du Xanthe qui est près de Troie la grande, était toute transmuée en sang, un songe certes épouvantable et merveilleux : qu’en advint-il donc? Il perdit du sang à diverses reprises durant dix ans, et n’en mourut pas, comme on s’y serait attendu, parce que les grandes rivières et de renom ne tarissent pas, mais tirent toujours leur cours immortel.
Un homme songea que son matelas était plein de blé au lieu de plume. Il avait une femme qui jamais n’avait pas fait d’enfants, et cette année-là elle fut enceinte et lui fit un fils.
Un autre songea qu’il allumait sa chandelle à la Lune, et il devint aveugle, car il songea chose impossible. En outre, la Lune n’a point de lumière par elle-même.
Une femme songea qu’elle voyait dans la Lune de tristes images ou ressemblances d’elle-même, et elle enfanta des triplettes, qui au bout du mois moururent : car la Lune n’a qu’un mois de vie.
Un homme songea qu’il voyait son image ou représentation dans la Lune, et il fit des voyages lointains, vagabondant de ci delà longtemps : car le continuel changement de la Lune lui signifiait que souvent il changerait de lieu et d’habitation.
Un personnage songea qu’il avait son membre viril en fer massif, et il eut peu après un fils, par lequel il fut occis, car le fer par sa propre rouille se consume.
Un homme songea qu’un olivier lui sortait de la tête, et il suivit l’étude de philosophie, avec grand courage, et y acquit science et honneur durable, car c’est un arbre toujours vert et solide, et de toute antiquité dédié à la déesse Minerve, réputée déesse de sagesse.
Un maître songea qu’un serviteur qu’il aimait plus tous les autres était transmué en une torche ou flambeau, et il perdit la vue, et fut mené et conduit par ledit serviteur.
Un serviteur songea qu’il voyait tomber du ciel une étoile, et qu’il en sortait une autre de la terre, et qui montait au Ciel. Son maître trépassa et le fils de son maître monta au lieu du père.
Un frère ayant sa sœur bien riche et malade, songea que devant la porte de la maison de celle-ci avait grandi un figuier, dont il cueillit sept figues noires et les mangea : sa sœur trépassa au bout de sept jours, et il fut son héritier.
Un homme songea qu’il dévêtait sa peau et se renouvelait comme un serpent, et le lendemain il mourut, car l’âme qui devait en peu de temps laisser le corps lui représentait telle vision en songe.
Un autre songea que son père retirait sa sœur mariée d’avec son mari, et la donnait en mariage à un autre. Il advint qu’il mourut tôt après : car le père représentait Dieu le Créateur et père céleste de nos âmes : cette sœur représentait l’âme de celui qui songeait, laquelle sœur étant séparée d’avec son époux et donnée à un autre, voulait dire qu’elle serait séparée de son corps, et vivrait et converserait ailleurs : comme quoi les âmes de ceux qui meurent ne font que changer de lieu.
Un homme songea qu’il était gros d’enfant, et qu’il enfantait deux filles noires, et il perdit les deux yeux, ou la vue : car les deux paupières qui couvraient les yeux lui tombèrent.
Un fils étant loin de son pays, songea que sa propre mère l’enfantait derechef, il retourna en son pays, trouva sa mère malade, et fut son héritier par mort, et ce songe voulait lui dire et signifier que par sa mère, de pauvreté il viendrait à richesse.
Un homme songea qu’il mangeait son pain trempé dans du miel, et il appliqua son esprit aux sciences et philosophie, et acquit sagesse, honneurs et biens : le miel donc par ce songe lui signifiait la douceur de la sagesse et le pain opulence.
Un autre songea que de son estomac lui sortaient des épis de blé, et que quelqu’un survint qui les lui arracha, il avait deux fils qui tôt après lui moururent.