Lettres de Doreen Valiente au Dr Greenfield
Lettres de Doreen Valiente au Dr Greenfield
de Doreen Valiente au Dr Greenfield
Traduction Tof
Lettre du 8 août 1986
Cher Dr. Greenfield,
Mille mercis pour votre lettre du mois dernier que m’a fait suivre Robert Hales. J’ai été très intéressée par ce courrier même si, comme d’habitude il m’a fallu longtemps pour répondre. J’ai été en vacances dans le Somerset et j’ai donc beaucoup de courrier en retard.
J’ai volontairement choisi de vous écrire à la main plutôt que de vous envoyer une réponse tapée à la machine, ainsi vous aurez de quoi juger de la validité de l’affirmation de la société Ripley qui affirme détenir une copie d’un « Livre des Ombres » de la main de Gerald Gardner et de la mienne. J’avais déjà entendu cette affirmation auparavant comme je l’ai dit récemment dans un article dans « Iron Mountain ».
Si ce prétendu « Livre des Ombres » est celui décrit par Aidan Kelly dans son article dans le même journal, c’est à dire le manuscrit intitulé « Ye Booke of Ye Art Magical », alors je n’en avais pas entendu parler avant d’en lire la description de Kelly dans une copie de son manuscrit plus détaillé qui m’a été envoyé par un ami américain. Kelly inclut une photocopie d’une page dans son manuscrit et il s’agit indubitablement de l’écriture de Gerald Gardner. Le vieux Gerald a plusieurs styles d’écriture. Si vous pouvez m’envoyer une photocopie de la prétendue « autre » écriture, je pourrais la comparer avec l’écriture du « Livre des Ombres » que Gerald m’a donné, car je pense qu’il est probable que tout le manuscrit soit l’œuvre de Gerald et que personne d’autre n’était impliqué, mais, bien sûr, je peux me tromper.
Je me demande si le document que vous avez et qui est signé « Baphomet » et lié à l’O.T.O. est celui que je me souviens avoir vu dans le Musée du vieux Gerald. Il semblerait bien selon votre description. Dans le livret du Musée on le décrit ainsi : « La collection comprend une Charte accordée par Aleister Crowley à G. B. Gardner (le Directeur de ce Musée) l’autorisant à diriger une Loge de la fraternité de Crowley, l’Ordo Templi Orientis. (Le Directeur précise toutefois qu’il n’a jamais usé de cette Charte et qu’il ne compte pas le faire même s’il pense être la seule personne en Grande Bretagne en possession d’une telle Charte de Crowley lui-même. Crowley était un de ses amis personnels et lui a donné la Charte parce qu’il l'estimait).
Il doute qu’il y ait pu y avoir une quelconque association « ayant duré plusieurs années » entre le vieux Gerald et l’O.T.O. car le regretté Arnold Crowther, l’époux de Patricia Crowther, m’a raconté qu’il avait présenté Gerald Gardner à Aleister Crowley lorsque celui-ci s’était retiré dans un hôtel particulier à Hastings. Cela s’est déroulé lors de la dernière année de vie de Crowley. Selon « The Great Beast » la biographie écrite par John Symonds, Crowley a déménagé dans cet hôtel « Netherwood » en janvier 1945. Je pense qu’à cette époque Crowley cherchait désespérément quelqu’un pour s’occuper de tout ça. John Symonds décrit comment Crowley a fait de lui son exécuteur littéraire même s’ils ne se connaissaient que depuis peu de temps (voir « The Magic of Aleister Crowley », Frederick Muller, Londres, 1958).
J’ai l’impression, bonne ou mauvaise, qu’à cette époque l’O.T.O. n’existait quasiment que sur papier et qu’y être « initié » ne consistait qu’à recevoir des documents à lire. Mais il est indubitable que Crowley a eu une grande influence sur Gerald Gardner. Il affichait son appartenance à l’O.T.O. sur la couverture de « High Magic’s Aid ». En un sens cette influence est vraiment regrettable car je pense que Gerald, comme beaucoup de gens, a subi l’influence de Crowley pendant un certain temps et a incorporé du matériel de l’O.T.O. dans le « Livre des Ombres » au détriment de rituels plus anciens avec l’idée d’emmener l’Ancienne Religion dans le nouvel « Eon d’Horus » de Crowley.
N’étant pas aussi fascinée par Crowley que Gerald, j’ai fait de mon mieux pour expurger tout cela, comme je l’ai expliqué à Janet et Stewart Farrar.
Le manuscrit « Ye Booke of Ye Art Magickal » est, selon moi, en réalité une sorte d’hybride mais bien sûr je ne dispose que de ce qu’en a écrit Aidan Kelly. Mais il semble que les rituels soient librement basés sur ceux de l’O.T.O. publiés pour la première fois dans Equinox X et reproduits dans le livre de Francis King « Sexuality, Magic and Perversion ». Je sais que Gerald connaissait ce rituel, car il y en a une copie de sa main dans le vieux « Livre des Ombres » que je détiens, même si c’est plus pour une question d’intérêt que pour être utilisé rituellement. (Kelly a mal compris de nombreuses choses dans son analyse de ce manuscrit. Par exemple, le prétendu « Grand Mot de Pouvoir » n’est pas « Abracadabra » mais ABRAHADABRA, le « Mot de l’Eon » de Crowley – voir son livre « MAGICK. »)
A propos, est-ce que Ripley détient mes manuscrits de la Golden Dawn (A.O.) qui étaient dans le Musée de Gerald ? Si c’est le cas, j’aimerais beaucoup qu’on me les rende. (Ils appartenaient à Frater « Misi Dominus Frustra »)
Moi aussi j’aimerais vraiment découvrir les détails concernant les débuts du revival de la sorcellerie contemporaine et il y a encore beaucoup à découvrir. Je pense que vous avez lu mon texte sur ma recherche de « Old Dorothy » dans « The Witches’ Way ». Mais croyez-moi, je n’ai fait qu’effleurer la surface. Il y a encore beaucoup à apprendre, surtout, je pense, dans la région de New Forest.
Nous ne savons pas quelles anciennes pratiques de la New Forest ont été perdues et remplacées par les propres idées de Gerald ou ce qu’il a emprunté à Crowley. S’il y a d’autres questions que vous souhaitez poser, n’hésitez pas et j’y répondrai si je peux.
J’aimerais voir votre travail lorsqu’il sera prêt. Avec tous mes vœux,
Sincèrement vôtre
Doreen Valiente
Lettre du 28 août 1986
Cher Dr. Greenfield,
Votre lettre du 19 août vient juste d’arriver et je l’ai trouvée si intéressante que j’y réponds tout de suite. Je pense que vous aurez aussi bientôt des nouvelles des Farrar, car si vous n’en avez pas pour le moment c’est parce qu’ils sont en train de déménager. Ils m’ont dit dans leur dernière lettre qu’ils n’aimaient pas leur domicile actuel et cherchaient quelque chose de mieux, c’est peut être ce qui s’est passé. Et avec tous leurs chiens, chats, poules, ânes et toute leur basse-cour ce doit être une sacrée entreprise !
Lorsque je vous avais écrit, j’avais l’impression que vous aviez lu mes échanges de courriers plutôt houleux avec Aidan Kelly dans les pages du magazine IRON MONTAIN. En lisant votre seconde lettre je n’en suis plus certaine. Si ce n’est pas le cas je dois vous en parler car cela peut concerner votre recherche. Tout a débuté avec un article dans le numéro d’été 1984 d’Aidan Kelly intitulé « Inventing Witchcraft » qui est basé sur son manuscrit qui circule depuis quelques temps aux U.S.A.. Apparemment, certaines personnes aux U.S.A. ont signalé à l’éditeur d’IRON MOUNTAIN, Charles Clifton, qu’on devait me donner un droit de réponse puisque j’étais fréquemment mentionnée nommément dans cet article et dans le manuscrit. Apparemment, ça n’est jamais arrivé à personne jusqu’à ce jour ! Je soupçonne que ces gens sont ceux qui m’ont fait parvenir une copie du fameux manuscrit de Kelly via un ami qui visitait la région pour que j’en fasse une photocopie.
En tout cas, M. Clifton m’a envoyé une copie de son magazine et j’ai rédigé une réponse à l’article de Kelly, qui fut publiée dans le numéro d’automne 1985 avec d’autres remarques de Kelly qui étaient telles que j’ai envoyé une autre lettre en demandant des excuses et une rétractation. Je suis heureuse de dire que cette lettre a été publiée dans son intégralité dans le numéro de printemps 1986, j’ai aussi reçu une lettre d’excuse de M. Kelly et j’attends des excuses publiques dans le magazine (autant que je sache, le numéro de printemps 1986 est le dernier à avoir été publié).
J’ai eu l’impression que la Société Ripley a passé les documents de Gardner, dont YE BOOKE OF YE ART MAGICAL, à Aidan Kelly. On m’a aussi dit que ces textes ont été proposés à la vente aux U.S.A. pour un prix très élevé, en disant que c’était « le Livre des Ombres original » (enfin la partie où il y a YE BOOKE OF YE ART MAGICAL). Je suis donc heureuse que vous m’ayez donné ces éclaircissements. Dans le long manuscrit de Kelly, (il est prévu qu’il soit publié mais pour le moment il n’a pas d’éditeur) il donne une transcription des rituels d’initiation de YE BOOKE OF YE ART MAGICAL qui m’intéressent beaucoup. Vous savez, dans mon vieux livre que Gerald Gardner m’a donné, et dont vous avez sans doute vu une photo dans THE WITCHES’ WAY, il y a deux pages dactylographiées, tapées sur la machine du vieux Gerald dans son style inimitable et elles m’ont toujours intriguée car elles semblent être une version alternative du rituel d’initiation, il y a un curieux détail où la candidate porte un couteau dans ses cheveux, un couteau sur lequel on devra prêter serment. J’ai failli plusieurs fois jeter ces deux vieilles pages en mauvais état, mais les Dieux soient loués, je ne l’ai pas fait, car dès que j’ai vu la transcription de YE BOOKE OF YE ART MAGICAL, j’ai réalisé que les pages dactylographiées étaient un brouillon du rituel de ce livre !
J’ai aussi réalisé autre chose. Le curieux détail de la femme qui était initiée (et cela ne pouvait être qu’une femme, n’est-ce pas ?) et qui avait un couteau dans ses cheveux provient d’un rituel de l’O.T.O. rédigé par Aleister Crowley qui a été publié vers 1913 dans le dixième numéro de THE EQUINOX et qui a été republié depuis, mais dans une version approximative, dans le livre de Francis King SEXUALITY, MAGIC AND PERVERSION, qui date de 1971. Mais en ce qui nous concerne, le version de l’O.T.O., donc de Crowley, de ce rituel se trouve aussi dans le « Livre des Ombres » du vieux Gerald dont il a été question plus haut (comme vous l’aurez réalisé en voyant la façon dont écrit Gerald, il a copié toutes sortes de choses qui l’intéressaient, je n’avais donc pas réalisé leur signification plus tôt).
Je pense que j’ai raison de conclure que tout cela indique que mon « Livre des Ombres » que Gerald m’a donné est plus ancien que YE BOOKE OF YE ART MAGICAL. Bien sûr, d’autres recherches pourront apporter plus de lumière sur cela et mèneront peut être à une conclusion différente, mais pour le moment cela semble être une déduction raisonnable.
Il y a autre chose. Plus haut je parle du « Livre des Ombres du vieux Gerald », mais ce n’est que le nom que je lui ai donné. Le manuscrit lui-même n’a pas de titre. A ce sujet, j’ai fait cet été une petite découverte déplaisante. Nous avons ici un gros bouquiniste appelé Quinto’s, qui est spécialisé dans les livres traitant de l’occulte. C’est en fouillant dans ses rayonnages que j’ai trouvé de vieux magazines dont le nom était THE OCCULT OBSERVER. Ils dataient de 1949 et étaient publiés au 49a Museum Street et leur éditeur était Michael Juste. Je sais que Michael Juste et Michael Houghton, qui a publié HIGH MAGIC’AID, étaient une seule et même personne et que Michael Houghton était à cette époque le propriétaire de la vieille Librairie Atlantis (dont je suis heureuse de dire qu’elle existe toujours). Donc, il y avait une publicité pour HIGH MAGIC’AID « qui vient de sortir » dans le numéro 3 du magazine daté de 1949. En feuilletant le magazine mon regard a été attiré par les mots « The Book of Shadows » ! Qu’était-ce que cela ?
Il s’avère que c’était le premier de deux articles du chiromancien Mir Bashir sur un manuscrit mystérieux qu’il avait vu en Inde. Il disait : « C’était en 1941, à Bombay, que j’ai entendu parler du Livre des Ombres. L’histoire dit que c’était un manuscrit ancien écrit en sanscrit, il y a un millier d’années et parlant des lignes de la main. » Il raconte comment il a trouvé un expert qui possédait une copie de ce livre mystérieux et pratiquait cette forme de divination et qui lui avait prédit, pour lui et sa famille, des choses qui se sont réalisées.
Mais cet article ne parle pas du tout de sorcellerie ! Le Livre des Ombres oriental semble ne rien à voir du tout avec la sorcellerie. Mais quelle étrange coïncidence je trouve, que le premier des ces articles est justement paru dans le magazine où il y avait une publicité pour HIGH MAGIC’S AID qui « vient de sortir » et en plus le magazine et le livre avaient le même éditeur, surtout que si je me souviens bien on ne trouve pas l’expression « Livre des Ombres » dans HIGH MAGIC’S AID !
J’ai acheté les deux magazines en question et je les ai toujours (le prix était exorbitant, comme d’habitude, mais j’ai l’impression que c’était plutôt important). Est-ce qu’il s’agit-là qu’une coïncidence à partir de laquelle une personne désagréable pourrait tirer des conclusions déplaisantes ? Ou alors c’est là que le vieux Gerald a découvert l’expression « Le Livre des Ombres » et l’a adoptée car il s’agissait d’un nom plus poétique pour un manuscrit magique que, par exemple « Le Grimoire » ou « Le Livre Noir » » ?
Je n’affirme pas connaître la réponse, mais je pense que c’est plus qu’une coïncidence. On retrouve quelques anciennes traces rapportant que des sorcières possédaient des livres secrets, mais généralement elles l’appelaient « le Livre Noir ». En plus, comme Stewart Farrar l’a fait remarquer dans THE WITCHES’ WAY, autrefois la plupart des gens ordinaires ne savaient ni lire ni écrire.
Tout cela est encore compliqué par une affirmation récente de Cecil Williamson dans, je crois, THE CAULDRON le bulletin sur la sorcellerie, selon laquelle à l’époque où il partageait le Moulin des Sorcières avec Gerald sur l’Ile de Man il y avait un petit livre manuscrit auquel Gerald attachait une grande valeur car il contenait les rituels de la sorcellerie, mais il a été dérobé un jour et il ne l’a plus jamais retrouvé. Cela s’est passé, je pense avant que je rencontre Gerald. Je dois relire l’article et voir ce que dit exactement Williamson. Bien sûr, comme vous le savez probablement, lui et Gerald se sont séparés en mauvais termes, mais même ainsi, je ne vois pas de raison claire pour ne pas le croire, sur ce point en tout cas.
J’aimerais vraiment savoir qui sont les « deux autorités » qui ont « authentifié » YE BOOKE OF YE ART MAGICAL comme étant de mon écriture et celle de Gerald. Pensez-vous pouvoir en parler avec ceux de Ripley ? Car personne n’est venu m’en parler. Comment ont-ils fait ? Ils ont utilisé une boule de cristal ? Comme je l’ai expliqué dans IRON MOUNTAIN, la première fois que j’ai entendu parler de l’existence YE BOOKE OF YE ART MAGICAL c’est quand j’ai reçu une lettre d’un homme de Toronto qui mentionnait ce texte. C’était en juillet 1982.
Je suis heureuse que vous ayez acquis la Charte signée « Baphomet ». Ce que vous me racontez réveille un souvenir. Je me souviens maintenant que celle que j’ai vue il y a des années dans le Musée de Gerald était en effet de la main de Gerald, de son écriture magique, mais signée par Aleister Crowley. J’ai rencontré une fois feu Gerald Yorke à Londres il y a de nombreuses années et je lui ai parlé de la Charte et il m’en a dit « Bien, vous savez, Gerald Gardner a payé environ 300£ pour ça. » Ce peut être vrai ou non. 300£ était à cette époque une somme bien plus énorme qu’aujourd’hui. Mais cela ne cadre pas avec ce qui est dit dans le livret du Musée que je vous ai cité et selon lequel Crowley a donné la Charte à Gerald juste par amitié. J’ai toujours trouvé curieux que Gerald écrive la Charte et que Crowley la signe, mais ça s’est peut être passé alors que Crowley était très vieux et malade. Je pense qu’ils n’avaient pas de document imprimé pour cela, ou bien ?
Je ne sais rien d’un procès lié à l’O.T.O. dans votre pays. On n’en a pas parlé ici. Cela semble très intéressant ! Mais je connaissais l’existence d’un Chapitre de l’O.T.O. en Californie à l’époque de la mort de Crowley, car il me semble que ses cendres leur ont été envoyées. Il a été incinéré ici à Brighton, au grand scandale des autorités locales qui se sont insurgées contre le « service funéraire païen ». Si vous parlez du groupe dont Jack Parsons était membre (avec le trop fameux Ron Hubbard), alors il y a un autre point curieux que je souhaite porter à votre intention. J’ai un remarquable petit livre de Jack Parsons intitulé MAGICK, GNOSTICISM AND THE WITCHCRAFT. Malheureusement il n’est pas daté, mais Parsons est décédé en 1952. La partie sur la sorcellerie est particulièrement intéressante car il prédit un revival de la sorcellerie sous la forme de l’Ancienne Religion. Mon exemplaire a été publié en 1979 par 93 Publishing de Québec au Canada. Je ne sais pas s’il avait déjà été publié avant. Je trouve que cela fait vraiment réfléchir. Est-ce que Parsons a écrit cela vers l’époque où Crowley était en contact avec Gardner et qu’il communiquait peut être avec le groupe de Californie et leur en a parlé ?
J’ai un exemplaire de MAGICK WITHOUT TEARS, qui est tout à fait captivant et intéressant mais en aucune façon l’œuvre d’un esprit affaibli. Mais je n’ai aucune raison de douter de ce qu’Arnold Crowther m’a dit, car je ne vois pas pourquoi il aurait menti à ce sujet. Vous aurez sans doute remarqué que Gerald sur la page de titre de HIGH MAGIC’ AID affirme être « O.T.O. 4 = 7 », mais je suis d’accord avec vous au sujet du « Prince de Jerusalem » car dans mon exemplaire de SECRET RITUALS OF THE O.T.O. de Francis King on en parle comme d’un degré intermédiaire entre le Quatrième et le Cinquième Degré. Je ne prétends pas connaître la réponse à ce problème, mais bien sûr le vieux Gerald était aussi membre de la Co-Maçonnerie et un Franc-Maçon ordinaire (ce qu’il n’aurait pas dû être, bien sûr, puisque la Grande Loge de Grande Bretagne ne reconnaît pas la Co-Maçonnerie). Je dois aussi dire qu’à l’époque où Arnold Crowther a présenté Gerald à Crowley, Arnold lui-même n’était pas membre du culte des sorcières, ce ne fut le cas que bien plus tard.
Je pense que vous avez probablement enfoncé le clou au sujet de ce prétendu « Livre des Ombres de la main de Crowley » car même si j’en entends parler depuis des années, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui l’avait réellement vu – et comment savaient-ils qu’il était de la main de Crowley ? Avaient-ils un document avec lequel comparer, comme les photocopies du manuscrit original du LIVRE DE LA LOI ?
Selon Aidan Kelly, le seul « Livre des Ombres » qu’a Ripley c’est YE BOOKE OF YE ART MAGICAL, et apparemment ils se le sont procuré qu’à cause d’un oubli de la part des Wilson. Il a été découvert dans un vieux meuble. Vous avez raison lorsque vous supposez que le jeu de Tarot Crowley-Harris n’a été publié qu’il y a quelques années, ainsi la présence d’une carte (ou le dessin d’une de ces cartes) de ce jeu est intéressant. D’après ce que dit Kelly de YE BOOKE ce serait la carte du Diable (le N°XV) du Tarot de Waite (est-ce que ce type ne peut pas dire une seule fois quelque chose d’exact ?)
J’aimerais sincèrement voir la collection Ripley, mais c’est hors de question pour le moment. Je suis désolée que vous n’y ayez pas vu mes documents de la Golden Dawn. C’est une série de vieux carnets – hé, une minute ! Ne sont ils pas parmi les carnets attribués à Gerald Gardner ?
Nous ne connaissons pas toute l’histoire de YE BOOKE OF YE ART MAGICAL, et nous ne la connaîtrons peut être jamais. Mais pour le moment, tout ce que vous m’avez dit renforce mon idée qu’il s’agit peut être d’une sorte d’hybride entre la Sorcellerie et l’O.T.O. Vous savez, Crowley et les siens avaient l’habitude de faire croire aux gens que si une organisation occulte souhaitait survivre dans le nouvel Eon d’Horus, elle devait accepter le Livre de la Loi et suivre la ligne de l’enseignement de Maître Therion. Je me demande si ce livre était une tentative pour y parvenir ? Y a-t-il quelque chose comme une date quelque part dans le manuscrit ? (Juste par curiosité, combien Ripley demande pour ce livre et qu’est ce que cela ferait en monnaie anglaise ?)
Un mot au sujet des textes sur le « Vieux George Pickingill ». D’abord, lorsqu’il en a été question dans les revues sorcières, les gens ont considéré qu’ils étaient authentiques, mais depuis on a commencé à en douter, honnêtement je ne sais pas grand-chose sur leur authenticité. Ceux qui ont essayé de vérifier (comme une femme de l’Université de Cambridge) n’ont pu trouver aucune confirmation. Ainsi, que l'acheteur soit vigilant.
Je ne suis pas parvenue à trouver un lien quelconque entre Dorothy Clutterbuck et le prétendu groupe Rosicrucien dirigé par Frère Aurelius. Elle peut, ou non, en avoir été membre. Mais « Dafo » en fut membre, de cela il y a des preuves. Et « Dafo » connaissait Old Dorothy, je le sais car j’ai connu « Dafo ». Mais je cherche toujours davantage de preuves noir sur blanc.
Il faut bien arrêter cette lettre quelque part ! Mais je suis fascinée par tout cela, et je vais certainement continuer à vous écrire et j’apprécierais aussi votre aide. Meilleurs vœux et
« Soyez Béni …………………. »
Sincèrement,
Doreen Valiente
Lettre du 8 décembre 1986
Cher Dr. Greenfield,
Mille mercis pour votre très intéressante lettre du mois dernier. Il s’agit là d’une information vraiment fascinante. Si l’étui à cigarettes dont vous parlez, qui selon votre ami du musée a été offert par Gerald Gardner à Aleister Crowley en 1936, porte réellement une inscription en ce sens, alors il s’agit effectivement d’une preuve importante.
Si votre ami a raison, alors cela signifierait que le vieux Gerald faisait semblant lorsqu’il prétendait à Arnold Crowther que c’était Arnold qui lui avait fait rencontrer pour la première fois Crowley – une mystification à laquelle s’est prêtée Crowley pour une raison ou une autre. Pourquoi ? Je ne peux comprendre pourquoi il aurait marché dans cette comédie, mais les occultistes font parfois des choses tordues.
Avez-vous été en contact avec Kenneth Grant ? Il affirme être le Responsable Officiel de l’O.T.O. en Angleterre – une affirmation dont vous savez probablement qu’elle est vigoureusement réfutée par d’autres branches de l’Ordre. Je sais que le vieux Gerald le connaissait bien. Dans son livre NIGHTSIDE OF EDEN il parle de façon plutôt négative – et inexacte – de ses relations avec Gerald Gardner. Il sait peut-être quelque chose à ce sujet, mais j’aimerais autant que vous ne parliez pas de moi si vous lui écriviez.
En ce qui concerne YE BOOKE OF YE ART MAGICAL, je n’ai bien sûr que la transcription incomplète du manuscrit faite par Aidan Kelly. Mais, je n’ai pas l’impression qu’il soit possible que le vieux Gerald l’ait conservé comme un livre de pouvoir privé destiné à son seul usage. Il contient des rituels d’initiation qui impliquent au moins une autre personne. Mais je me demande qui était cette personne. Cela devait, bien sûr, être une femme – et plus encore, ce devait être une femme avec les cheveux suffisamment longs pour pouvoir cacher un couteau dans son chignon ! J’ai pensé que peut-être Gerald avait écrit cela pour une femme bien précise. Qu’est-ce qui s’est passé ensuite ? Je ne sais pas, et peut-être que nous ne le saurons jamais.
Il est très intéressant que dans le bulletin de l’O.T.O., THE MAGICKAL LINK, il y a ce texte sur la sorcellerie Gardnerienne que vous avez cité. Je ne sais pas qui est Frater Zardoz, mais j’espère qu’il répondra à votre demande.
Je sais que Gerald Gardner s’est rendu aux U.S.A. et qu’il a rencontré Karl Germer car Gerald m’en a parlé. Il a dit que (si je me souviens bien) Germer avait des soucis avec les Autorités britanniques et ne parvenait pas à obtenir de visa pour l’Angleterre, mais il l’a rencontré lors d’un séjour aux U.S.A. Apparemment ils se sont bien entendus, même si je ne sais pas s’ils ont ou non eu de nombreux contacts. Gerald connaissait une autre personne aux U.S.A. Tamara Bourkoun, qui était, je crois, une collaboratrice de feu le Dr. Israel Regardie. Je crois qu’elle est toujours des nôtres, enfin je l’espère. Si c’est bien le cas, elle peut peut-être vous parler des activités occultes de Gerald avant que je le rencontre.
Le vieux Cecil Williamson est toujours dans le coin lui aussi. Vous devez vous souvenir qu’il était à la base le partenaire de Gerald dans son Musée de la Sorcellerie sur l’Ile de Man. En fait, Williamson affirme que c’est lui qui a créé le Musée et que Gerald le lui a acheté. Malheureusement, ils se sont séparés en très mauvais termes, M. Williamson n’a donc pas grand chose à dire de positif au sujet de Gerald. Mais cela n’empêche que M. Williamson puisse peut-être avoir des choses intéressantes à dire, s’il décide de le faire. Après leur séparation, Williamson a monté une très intéressante exposition sur la sorcellerie dans un village des Cotswol, Bourton-on-the-Water. Plus tard il a déménagé à Polperro en Cornouailles où il a créé un autre musée de la sorcellerie dans la région de Boscastel. Je crois qu’aujourd’hui il a à nouveau déménagé dans le Devon. Je n’ai pas son adresse actuelle mais il ne doit pas être trop difficile à localiser.
J’aimerais vraiment connaître les résultats de votre recherche. Si je tombe sur quelque chose d’intéressant de ce côté ci de l’Atlantique je vous en ferai part. En ce moment je suis en train de lire avec intérêt ‘the Forgotten Mage’ les textes publiés sur le partenaire de Dion Fortune, le Colonel Seymour. Je pense qu’ils ont eu une influence considérable sur le revival néo-païen aujourd’hui.
Meilleurs vœux et surtout un joyeux Noël.
Sincèrement
Doreen Valiente