Les Tatouages de Gardner

Les Tatouages de Gardner

Tof

En 1993 j’avais demandé à un ancien membre du Bricket Wood coven ce que représentaient les tatouages que portaient Gerald Gardner. A ma grande surprise cette personne m’a répondu que selon ce dont il se souvenait Gerald n’était pas tatoué et que s’il en avait ils devaient être tout petits car cela ne l’avait pas du tout marqué. Cette réponse m’avait quelque peu interloqué parce que j’avais lu dans sa biographie « Gerald Gardner: Witch » (Octagon Press, 1960 ou IHO books, 1999) que Gardner était tatoué. Je me suis donc replongé dans ce livre et j’y ai lu que l’auteur reprenait les propos de deux journalistes. Ainsi dans Le Matin (un journal Belge francophone) du 31 juillet 1957, J. D. Jacobson dit que « Tout son corps est recouvert de tatouages magiques » et dans le Daily Mirror, Marjorie Proops dit que Gardner est recouvert de tatouages représentant des signes cabalistiques. Il ne s’agissait donc que des propos de journalistes, on ne peut donc pas vraiment s’y fier, mais commentant les propos de J. D. Jacobson l’auteur du livre dit aussi « que le tatouage n’est pas aussi important que ce que décrit le journaliste » ce qui confirmerait l’existence de ce ou ces tatouages.

Qui croire, l’ancien membre du Bricket Wood coven ou l’auteur de la biographie qui était, au moment de la publication du livre, Grand Prêtre du même Bricket Wood coven ? J’ai appris un peu plus tard que la biographie de Gardner n’avait en réalité pas été écrite par le Grand Prêtre du Bricket Wood coven mais par Idries Shah un de ses très bons amis (ainsi qu’un ami de Gerald Gardner). Il était donc raisonnable de faire plutôt confiance aux propos d’une personne ayant vu à de nombreuses reprises Gardner nu plutôt qu’à une personne qui connaissait elle aussi Gardner mais pas de façon aussi intime.

Pourtant cette histoire de tatouages me tarabustait surtout que de temps à autre, il y était fait mention dans des livres, entre autre par le Dr. Leo Louis Martello. Martello n’avait jamais rencontré Gerald Gardner mais il avait été à une époque de sa vie le correspondant régulier de Patricia Crowther qui lui avait fait de nombreuses confidences. Elle avait très bien connu Gerald Gardner et avait été dans le Cercle plusieurs fois avec lui. A cette époque je ne possédais pas beaucoup de livres d’elle et dans ceux que j’avais il n’y avait aucune allusion aux tatouages de Gerald Gardner.

Quelques années plus tard j’ai fait quelques recherches pour savoir quel type de lunettes portait Gerald Gardner, je devais moi-même commencer à songer à corriger ma vue et je me disais que si je trouvais les mêmes lunettes que lui le traumatisme serait moins grand pour moi. Un de mes correspondants m’a fort aimablement envoyé une photographie inédite de Gerald Gardner où il portait des lunettes. Il s’agit d’une photo prise à l’époque de la publication de « Witchcraft Today » son premier essai sur la Sorcellerie. Ce ne sont pas les lunettes qui ont retenu mon attention sur cette photo, ce qui a immédiatement attiré mon regard c’était l’avant bras droit de Gerald Gardner où l’on voyait nettement un tatouage. Le motif du tatouage était certes très flou mais le tatouage est bel et bien là et occupe tout son avant-bras. Il n’y avait donc plus à douter Gerald Gardner était tatoué et il ne s’agissait pas d’un tatouage petit et discret. Lorsque j’ai remercié mon correspondant j’ai également parlé du tatouage, il l’avait remarqué lui aussi et m’a conseillé de me référer au chapitre 4 de « One Witch’s World » (Robert Hale, 1998) où Patricia Crowther en disait un peu plus à ce sujet. Il se trouve que j’avais reçu ce livre quelques semaines plus tôt mais que je n’avais pas encore eu le temps de le lire. Dans ce chapitre Patricia Crowther dit surtout tout le mal qu’elle pense d’Alex Sanders. Dans ce cadre elle rapporte les propos qu’auraient tenus Gerald Gardner en apprenant qu’Alex Sanders avait dit qu’il allait recevoir Gerald Gardner en personne :

Je me demande si Sanders va faire venir quelqu’un avec une barbe blanche et dire qu’il s’appelle Gardner? Bien sûr, l’imposteur devra avoir les deux avant-bras tatoués, une petite dague sur le bras gauche et un lutin qui danse sur sa jambe gauche. Mon pouce droit a été traversé par une balle et je n’ai à ce doigt qu’une sorte de griffe au lieu d’un ongle. Il faudra imiter tout cela pour faire un bon imposteur.

Je suis tout à fait conscient que dans ses livres, lorsque cela l’arrange, Patricia Crowther a parfois une vision bien à elle de la réalité, mais dans ce cas précis il n’y a aucune raison pour que ce portrait soit inexact. Nous disposons donc d’une bonne description des tatouages de Gerald Gardner : Il avait les deux avants bras tatoués, une petite dague sur le bras gauche et un lutin sur la jambe gauche. Gardner était donc très loin d’avoir le corps recouvert de tatouages pourtant ceux-ci ne devaient pas passer inaperçus. Depuis j’ai pu voir d’autres photographies où les tatouages de Gerald Gardner étaient visibles, mais ils n’étaient jamais très nets. Il est d’ailleurs fort possible qu’ils étaient quelque peu délavés. Ces tatouages dataient probablement de l’époque de la folle jeunesse de Gerald Gardner (le lutin était peut être plus récent) et avaient donc déjà plus de vingt ou trente ans au moment où ces photographies avaient été faites. En plus, Gardner a toujours eu pour habitude de s’exposer longuement au soleil ce qui n’est pas forcement la meilleure des choses si l’on souhaite conserver à un tatouage son éclat.

Reste encore à expliquer pourquoi en 1993 un proche de Gardner m’avait dit qu’il n’avait pas constaté que Gerald Gardner était tatoué. Là encore un de mes correspondants m’a apporté une explication. Tout au long de sa vie Gerald Gardner a tenu une sorte de journal intime. Après le décès de Gardner, Monique et Scotty Wilson les ont retrouvés et conservés. Lorsqu’ils ont quitté l’Ile de Man dans les années 1970 ils ont emmené ces journaux avec eux à Torremolinos en Espagne puis les ont confiés à l’un de leurs Initiés. Dans ces journaux intimes on peut ainsi lire entre autre ce que Gerald Gardner pensait de ses proches et ainsi j’ai eu la surprise d’apprendre que l’ancien membre du Bricket Wood coven qui ne savait rien des tatouages de Gardner ne le connaissait pas aussi bien que cela et qu’il n’a pas souvent été dans le Cercle avec lui, ce qui explique probablement cette méconnaissance.