Les Représentations Féminines en Fin d'Année

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Les Représentation Féminine en Fin d'Année

Véro

Quand on dit « Noël », particulièrement en région germanophone, on pense « Christkindel », cette jeune femme, tout de blanc vêtue, sorte d’ange, ou de fée, une couronne d’or, ou de bougies sur la tête, qui vient dans les maisons, accompagnée du père fouettard, ou d’un âne, pour distribuer les cadeaux aux enfants sages. Oui, ça fait beaucoup de « ou », je le concède, mais il en est ainsi : chaque région a ses spécificités.

Qui est donc cette demoiselle ? En fait, jusqu’en 1570 c’était le Saint Nicolas qui se chargeait d’apporter les cadeaux, le 6 décembre (cette tradition remonte au 12ème siècle). Puis la Réforme s’élève contre la dévotion populaire à ce personnage, saint en effet, mais qui supplante le petit Jésus dans le cœur des enfants. Il est donc décidé, tout à fait officiellement, le 4 décembre 1570 d’interdire le marché de Saint Nicolas, qui, en Alsace notamment, permettait d’acheter les pains d’épices et autres douceurs offertes le 6 du mois. A Strasbourg il est remplacé par le dorénavant célèbre « Christkindelsmärik » (le marché de l’enfant Jésus), mais à cette époque le marché n’était présent que 4 jours avant Noël. Rien à voir avec sa durée actuelle (du dernier week end de novembre à Nouvel An). La distribution des cadeaux elle aussi est déplacée à la nuit du 24 au 25 décembre, date supposée de la naissance du Christ.

A partir de là les gens déposent nuitamment les sucreries dans les chaussons des enfants et prétendent que c’est l’œuvre de l’enfant Jésus. Fatalement, le temps passant, les enfants en viennent à adresser des prières à cet enfant afin qu’il les gâte le moment venu. Cela ne plait guère à l’Eglise. Et puis les enfants n’étant pas complètement demeurés ils trouvent tout de même étrange qu’un bébé puisse parcourir la lande pour garnir les souliers. Et c’est ainsi qu’entre 1570 et 1625 (on en trouve une trace écrite cette année là) apparaît le Christkind. Au début c’était uniquement un personnage protestant. Mais peu à peu les catholiques l’adoptent à leur tour. Et en 1666 l’Eglise demandera aux magistrats (sans grand succès il est vrai) d’interdire ce personnage désormais intégré aux cortèges de gens déguisés qui circulent en cette fin d’année. En 1785 on trouve une trace écrite décrivant le Christkind accompagné du Hans Trapp (notre Père Fouettard alsacien), en on trouve même, en 1858, une gravure les représentant tous deux.

On ne sait pas trop s’il faut voir dans cette blanche bienfaitrice une fée germanique du solstice, christianisée ; ou bien un lointain avatar de Freia, incarnant la fertilité ; ou encore une représentation de Sainte Lucie, fêtée initialement le 23 décembre avant la réforme du calendrier grégorien en 1582. Peut être effectivement, la « sainte Lucie » a-t-elle été placée au 13 décembre sur le papier, mais sa représentation anthropomorphique est elle restée aux alentours du solstice ? Elle change de nom et le tour est joué.

Sainte Lucie est en fait (en « vrai ») originaire de Syracuse. Elle a vécu en Sicile est mourut décapitée en 304 de notre ère. Elle apportait nuitamment de la nourriture aux chrétiens cachés dans les grottes, et portait (dit on) une couronne de bougies sur la tête pour garder les mains libres de porter ses paniers. Elle est fêtée en Scandinavie (très loin de la Sicile effectivement….) dès le Moyen Age. Encore aujourd’hui la fille aînée de la famille réveille les autres vêtue d’une robe blanche, ceinturée de rouge. Elle leur apporte du café fumant, des brioches au safran et des pains d’épice en forme d’étoiles, de pantins ou de cœurs. Les garçons quant à eux, particulièrement lors des défilés dans les rues, portent des chapeaux pointus décorés d’étoiles (ils représentent, plus ou moins, les Rois Mages).

Le nom « Lucie » est à rapprocher de « lux » qui en latin signifie « lumière ». Et un dicton veut que « à la Sainte Luce, les jours croissent d’un saut de puce ». Tout nous ramène au solstice. Et quand on sait qu’en Scandinavie la nuit est bien plus longue qu’ici, on comprend aisément qu’une telle dévotion soit portée à un personnage qui apporte la promesse de la lumière.

Un autre personnage féminin qui rôde autour des maisons durant la période des 12 jours est Perchta, encore appelée Berchta, Holda ou Frau Holle. Elle règne sur la troupe des Innocents, et parcourt le pays les nuits du 25 décembre et du 6 janvier. Il y a même une région ou l’Epiphanie est appelée « Berchtentag » (le jour de Berchta). Selon les sources le nom Perchta signifierait « se cacher » ou bien (d’après les frères Grimm) « brillant, lumineux ». Dans ce dernier cas on aurait encore une relation avec Lucie. La porteuse de lumière. En tout cas, quelque nom qu’elle porte elle est en relation étroite avec les rouets (donc les roues, pourquoi pas solaires ?) Il est strictement interdit de filer de la laine durant les nuits où elle rode. Elle va jusqu’à défaire l’ouvrage des fileuses fainéantes. Berchta (appelons la ainsi si vous le voulez bien) est plus crainte qu’aimée.

On dit qu’elle traverse les villages accompagnée de chiens noirs, Si elle trouve un portail ouvert elle laisse un chiot dans la maison. Le lendemain matin il accueillera les résidants en remuant la queue. Si on le tue il se transformera en pierre durant la journée. Mais chaque nuit il redeviendra un chien et reviendra dans la maison, même si on perd la pierre très loin de là. La meilleure solution consiste à garder les portes fermées durant les 12 nuits.

Mais on dit aussi que ses petits protégés arrosent les champs pendant qu’elle passe la charrue. Du moins le faisait elle jusqu’à ce que les paysans ne lui en soient plus reconnaissants. On dit qu’elle paye en or les services qu’on lui rend : quand on lui fait traverser un cours d’eau, ou quand on change un essieu de sa charrette.

Ailleurs on dit aux enfants que s’ils ne sont pas sages elle viendra la nuit du 6 janvier leur ouvrir le ventre d’un coup de couteau…. On dit que quiconque n’aura pas mangé un plat spécial fait de farine lait et eau, se verra le ventre ouvert. Elle sortira tous les autres aliments et les remplacera par de la paille et des cailloux, puis recoudra le malchanceux. On dit qu’elle serait la femme de Ponce Pilate, Procula. On dit tant de choses….. Et on en revient toujours aux femmes (à La femme) aimées et redoutées. L’Eglise aura eu beau faire, les rites païens perdurent. Même si on en perd le sens, même si on en perd la trace et qu’on ne peut qu’émettre des suppositions. Elles restent troublantes.