Fontaine de Barenton

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La fontaine de Barenton, actuellement visitable à Brocéliande, n'est peut-être pas celle qu'évoquent les auteurs médiévaux. Pour certains d'entre eux, comme Chrétien de Troyes, cette fontaine miraculeuse est en effet située tout à fait en dehors de Brocéliande.

Matière de Bretagne.


La fontaine de Barenton (anciennement connue sous le nom de fontaine de Berenton, ou Bellanton) est une fontaine merveilleuse dont plusieurs textes médiévaux font mention.

A la fin du XIIème siècle, elle est associée à la légende arthurienne. Certaines sources médiévales semblent indiquer que cette fontaine se trouve résolument hors de la forêt de Brocéliande, dans laquelle elle est pourtant "officiellement" située aujourd'hui.

La fontaine de Barenton est évoquée dans le conte "Le Géant de la forêt de Brocéliande confronté au pouvoir des Fées", et dans L'Enchanteur, de René Barjavel.


Pouvoirs de la fontaine de Barenton

Vers 1160, le Roman de Rou (écrit par R. Wace, poète anglo-normand et chanoine de Bayeux au service du roi Henri II) indique que l'on peut déclencher la pluie, voire un orage ou une tempête, même par grand soleil, quand on y puise de l'eau et qu'on la verse sur le perron de la fontaine "de Berenton, à Brecheliant" (de Barenton, à Brocéliande).

Plusieurs sources mentionnent qu'il faut puiser l'eau avec un cor de chasse ou une corne de buffle. R. Wace décrit ce rituel accompli de manière habituelle par les chasseurs locaux.

Il est également fait mention dans plusieurs textes médiévaux, d'un gardien de la fontaine, le Chevalier Noir, qui se présenterait pour défier celui qui accomplirait ce rituel de la pluie.


Visiteurs notoires

Noël du Fail relie, en 1578, cette fontaine à la Bête glatissante de la légende arthurienne, indiquant qu'elle venait s'y baigner.

Elle passe également pour avoir été témoin des amours de Merlin et Viviane.

Dans Le Tournoi de l'Antéchrist

Dans ce texte daté de 1128, Huon de Mery, un trouvère, fait le récit allégorique du combat mené, près de la forêt de Brocéliande, par les vices du Diable contre les vertus de Dieu. Il prétend s'être rendu en personne à la fontaine, sans toutefois la nommer précisément.


Dans Le Roman de Rou

Ce récit de R. Wace est le premier texte à nommer la fontaine. Il est daté d'environ 1160. Il indique que les chasseurs ont l'habitude d'y puiser l'eau dans leurs cors de chasse pour la répandre sur le perron, et ainsi invoquer la pluie.

  "La fontaine de Berenton
  sort d'une part lez le perron
  aler i solent veneor
  a Berenton par grant chalor,
  e a lor cors l'eve espuiser
  e le perron desus moillier
  por ço soleient pluie aveir."


Traduction :

  La fontaine de Berenton
  Emerge d’une part le perron
  Les chasseurs ont coutume d’y aller
  A Berenton par grande chaleur,
  Ils puisent l’eau avec leurs cors
  Et mouillent le dessus du perron 
  Pour avoir de la pluie.

Selon Korentin Falc'hun, d'après R.Wace :

  La fontaine de Berenton sourd d'un côté près de la pierre.
  Les chasseurs avaient coutume d'aller à Berenton pendant
  les grandes chaleurs pour y puiser de l'eau avec leurs cors
  et mouiller le dessus de la pierre. Ils obtenaient ainsi de la pluie.
  Il pleuvait d'ordinaire à cet endroit, dans la forêt et les environs,
  mais je ne sais pas pour quelle raison. Là, on pouvait voir les fées,
  si les Bretons disent vrai, et plusieurs autres merveilles.

Dans Yvain ou le Chevalier au lion

Vers 1170, Chrétien de Troyes semble s'inspirer du Roman de Rou. Il développe le motif de la fontaine merveilleuse et de son perron, en l'intégrant à la légende arthurienne, et en en faisant un lieu où les chevaliers de la Cour de Bretagne sont mis à l'épreuve.

Dans cette version, le chevalier Calogrenant vient à la fontaine, déclenche la tempête, et doit pour cela combattre le Chevalier Noir, qui le défait en combat singulier. Le Roi Arthur désire voir de ses yeux ce prodige, et se met en route pour Barenton. Mais le cousin de Calogrenant, Yvain, le devance. Une fois sur les lieux il déclenche à son tour la tempête, et combat le Chevalier Noir. Il sort vainqueur de ce combat, mais se retrouve contraint de devenir le gardien de la fontaine.

  "Mesire Yvains chele nuit ot
  Mout boin hostel et mout li plot.
  Et quant che vint a l'endemain,
  Si vit les tors et le vilain,
  Qui la voie li enseigna;
  Mais plus de .c. fois se seigna
  De la merveille que il ot,
  Conment Nature faire sot
  Oevre si laide et si vilaine.
  Puis erra dusque a la fontaine,
  Si vit quanques il vaut veoir.
  Sans arrester et sans seoir,
  Versa seur le perron de plain
  De l'yaue le bachin tout plain.
  De maintenant venta et plut
  Et fist tel temps que faire dut.
  Et quant Dix redonna le bel,
  Sor le pin vinrent li oysel
  Et firent joie merveillouse
  Seur la fontaine perillouse."

Chrétien de Troyes ne nomme pas le lieu, mais décrit une petite chapelle et un pin particulier où pendrait un bassin d'or, à proximité. La fontaine semble cependant située tout à fait hors de la forêt de Brocéliande.

Localisation très approximative, selon la traduction de Jean-Pierre Foucher :

  "Bien près de tout le jour entier m'en allai chevauchant ainsi et je sortis de la forêt
  dont le nom est Brocéliande. Bientôt j'entrai dans une lande et vis une bretesche pas plus
  loin qu'à une demi-lieue galloise. Je vis l'enceinte et le fossé tout environ profond et large.
  Sur le pont de la forteresse je vis le seigneur de ce lieu tenant sur son poing un autour.
  (...) N'étais guère loin de ce logis quand je trouvai, en un essart, des taureaux sauvages qui
  s'entrecombattaient et menaient grand bruit si farouchement et cruellement que, pour dire la
  vérité, j'en reculai de frayeur.
  
  Je vis alors, assis sur une souche, ayant une massue en main, un vilain qui ressemblait fort à
  un Maure, laid et hideux à démesure.
  (...) Tu verras la fontaine qui bout, quoique plus froide que le marbre. Ombre lui fait le plus
  bel arbre que jamais sut faire nature. En tous temps la feuille lui dure. Il ne la perd soir ni
  matin. Il y pend un bassin d'or fin retenu par une si longue chaîne qu'elle va jusqu'à la fontaine.
  « Près de celle-ci tu trouveras une grosse pierre (je ne saurais te dire quelle espèce de pierre car
  je n'en vis jamais de pareille). Tu apercevras de l'autre côté une chapelle petite mais fort belle.
  Si tu veux prendre de l'eau dans le bassin et la répandre sur la pierre tu verras une telle tempête
  qu'en ces bois ne restera bête, chevreuil, daim, cerf ni sanglier. Les oiseaux même en sortiront car
  tu verras foudre tomber, pleuvoir, tonner et éclairer. Et si tu peux en échapper sans grand tourment
  et sans pesance tu auras eu meilleure chance que chevalier qui jamais y fut !"
  
  (...) Je me partis donc du vilain qui m'avait montré le chemin. L'heure de tierce était passée.
  Il pouvait être près de midi quand je vis l'arbre et la fontaine. »

Dans le conte gallois Owein et Luned

Ce récit dont l'auteur est anonyme doit dater d'après 1170, étant donné que la description de la fontaine semble empruntée au texte de Chrétien de Troyes. L'histoire est également identique, Owein remplaçant le personnage d'Yvain, et Cynon remplaçant le personnage de Calogrenant. Dans ce récit, le héros longe une rivière rapide, jusqu'à parvenir à un château situé à proximité de l’océan. Guillaume Kerfontaine souligne que la forêt de Brocéliande borde la mer de Cornouailles (la Manche). Afin de rencontrer l’homme noir, puis la fontaine, Owein suit la rivière.

Traduction de Pierre-Yves Lambert :

  "A la fin, je tombai sur la vallée la plus belle du monde ; elle était plantée d'arbres,
  tous de la même hauteur; une rivière rapide courait tout le long de la vallée, ainsi
  qu'une route au bord de la rivière.
  (...) J'arrivai alors dans un grand champ, au bout duquel je voyais un grand château
  brillant, situé à proximité de l'océan.
  (...) Reste dormir ici ce soir, dit-il, tu te lèveras tôt demain matin, tu prendras la
  route que tu as suivie le long de la rivière là-haut, jusqu'à ce que tu arrives au bois
  que tu as traversé. À peu de distance du bois, tu trouveras une autre route partant sur
  la droite. Tu la suivras jusqu'à une grande clairière occupée par un champ, au milieu
  duquel se trouvera un tertre. Au sommet du tertre, tu verras un grand homme noir, aussi
  grand que deux hommes de ce monde.
  (...) Demande-lui le chemin pour sortir de la clairière : il sera brusque envers toi, mais
  il te montrera tout de même le chemin pour trouver ce que tu cherches."

Dans la Topographia Hibernica

Giraud de Barri, aumônier du roi Henri II, est un érudit qui parcourt l'ensemble des territoire soumis à l'influence des Plantagenêt, et qui les décrit en latin. Il signale l'existence de la fontaine en 1188 dans sa Topographia Hibernica :

  "Est fons in Armorica Britannia, similis hujus ex parte naturae. Cujus ex aquis
  in cornu bubali haustis, si petram ei proximam forte perfuderis, tempore quantumlibet
  sereno et a pluviis alieno, pluviam incontinenti non evadeas"

Traduction :

  "Il y a, dans la Bretagne-Armorique, une fontaine ; si, de ses eaux, puisées avec une
  corne de buffle, tu arroses par hasard la pierre qui est toute proche, aussi serein et
  peu propice à l’orage que soit le temps, tu ne saurais échapper aux pluies qui aussitôt
  se mettent à tomber."

Dans la Philippide

Guillaume le Breton, un clerc, chapelain du roi Philippe Auguste, précepteur royal et chroniqueur officiel, écrivit en latin vers 1214 la Philippide, dans laquelle on trouve un extrait se rapportant à la fontaine :

  (...) Vous qui avez le pouvoir de connaître les transformations cachées de la nature ;
  cherchez, vous qui, tandis que les esprits des mortels ne sont accoutumés qu’à une
  muette stupeur, savez, ayant une intelligence divine, soumettre tous les faits à des
  causes précises ; cherchez, vous qui dites que, grâce à la science physique, vous connaissez
  clairement quelle rencontre de circonstances ou quelle combinaison de faits, entraîne le
  prodige étonnant de la fontaine de Brocéliande ; car si quelqu’un, d’une légère aspersion,
  arrose de son eau la pierre couchée près d’elle, immédiatement l’air se transforme en nuages 
  énormes, mêlés de grêle, et se trouve contraint de mugir des grondements soudains du tonnerre,
  et de s’épaissir en ténèbres aveugles. Et ceux qui sont présents, et qui auparavant demandaient
  à être témoins du fait, préféreraient déjà que la chose leur fût cachée comme avant ; si grande
  est la stupeur qui pénètre leur cœur, si grande est la défaillance qui s’empare de leurs membres !
  Chose étonnante en vérité, et pourtant vraie et garantie par de nombreux témoins ! Heureux qui a
  pu connaître les causes de ce phénomène, que Dieu a voulu laisser ignorer aux mortels ! S’il est
  permis de donner le nom d’homme à celui que tant de science élèverait au-dessus des choses
  humaines ! Pour nous qui vivons courbés sous l’humaine destinée, c’est assez de savoir l’existence
  du fait, qu’on nous permette d’en ignorer la cause.

Dans Le Bien Universel ou les Abeilles mystiques

Thomas de Cantimpré écrit, vers 1240, sans connaître le nom de la fontaine de Barenton, un récit qu'on lui a rapporté :

  "Nous avons tres certaines attestations, des histoires suivantes. Le tres-sçavant & saint
  Pere Henry de Coulogne, Le Docteur en Théologie cy-dessus mentionné, me raconta avec
  attestation de Religieux tesmoins oculaires ; qu’un certain Novice, noble & riche, Breton,
  dans nostre Ordre à Lion, avant sa professio, en chemin avec son Prieur, pour en son païs
  disposer de ses possessions ; parvenu és deserts, ou landes de Bretagne, luy demanda, s’il
  vouloit voir l’ancien prodige miraculeux de Bretagne : Le Pere Prieur est content : & le Novice
  le meine voir une tres-claire fontaine, couverte d’une pierre, porté de quatre colomnes de
  marbre, qui estoit comme un Autel, & puis, espandit de l’eau dessus ; & aussitost, voilà le
  Ciel obscure les nuës se ramassent, le tonnaire mugit, les pluiës fondent, les foudres esclattent,
  & à mesme temps se void si grande inondation d’eau, en l’estendu d’une lieüe aux environs, qu’il
  sembloit que ce fut un nouveau deluge. Ce que Pere Prieur ayant admiré ; en raconta depuis,
  l’histoire au Pere General, le B. Jean Evesque de Bonne, & à plusieurs autres Religieux. Et moy,
  j’ay oüy de cette merveille passé quarante ans de mon Pere, qui porta les armes en ce païs,
  sous le Roy d’Angleterre Richard. Ce que depuis, le susdit Pere Hëry me racontant en presence de
  plusieurs autres Religieux, je demanday la cause de ce prodige ; & il me respondit : que c’estoit
  par art magique : maintenant inconnu aux hommes : & que les diables peuvent bien autant sur l’air
  & les autres elemens, Dieu par les secrets inscrutables de ses jugemens le permettant."

Dans le Speculum naturale

L'extrait concerné du Speculum Naturale.

En 1244, Vincent de Beauvais, un religieux de l'ordre des Dominicains très proche de Louis IX, fait part lui aussi d’une fontaine se trouvant en petite Bretagne dont le prodige rapporté est celui décrit par Wace :

  In Britania minori asserunt esse fontem de quo aqua hausta si projiciatur
  super lapidem vicinum illi fonti, videtur oriri pluvia repente cum grandine
  et vento vehementi

Traduction :

  En petite Bretagne on affirme qu’il existe une fontaine : si l’on projette de l’eau sur
  la pierre près de la fontaine, semblent surgir tout d’un coup la pluie de la grêle et le vent
  fort.

Dans l'Image du Monde

En 1246, Gautier de Metz écrit Image du monde, en parler lorrain (langue vernaculaire). Cette vaste compilation traite de cosmogonie et de théologie pour expliquer le fonctionnement du monde à travers les sciences du 13e siècle. Il s'agit d'une tentative de vulgarisation des savoirs pour les mettre à portée d'un public non scolarisé. Quatre vers de cette oeuvre gigantesque traitent des prodiges de la Fontaine de Barenton et de son perron :

  En Bretaigne a ce trouve lon
  Une fontaine et un perron
  Quant l’on gete l’eve de sus
  Si vente et tonte (tonne) et resplent ius (en bas)

Traduction :

  En Bretagne l'on trouve
  Une fontaine et un perron
  Quand on jette de l'eau dessus
  Il vente et tonne, et pleut.


Dans De naturis rerum

Au 13e siècle, Alexandre Neckam, abbé du monastère de Circenceste, relate aussi le prodige de la fontaine :

Asserunt esse fontem de quo hausta aqua si projiciatur super lapidem illi fonti vicinum, oriri videtur tempestas ex ipso lapide. Constat autem multam oriri pluviam cum grandine et vento vehementi. Sed unde generetur haec tempestas quis definire praesumet ?


Dans Les Usemens et coustumes de la forest de Brécelien

Ce texte de 1467, écrit par le Comte de Laval Guy XIV, évoque les droits et les devoirs des seigneurs et des usagers concernant la forêt de Brocéliande ("brécelien"). Il nomme également une fontaine située en forêt de Paimpont, sur ses terres, « Barenton ». La fontaine de Barenton est mentionnée dans un chapitre particulier, intitulé De la décoration de la dicte forest et des mervoilles estans en ycelle. Gui XIV s'approprie les pouvoirs légendaires de la fontaine de Barenton et introduit un personnage de fiction dans la forêt de Brécilien, "le chevalier Ponthus". Le Comte de Laval semble avoir cherché à recentrer le rituel de la fontaine sur le pouvoir détenu par la seule famille Gaël-Montfort dont il était le descendant, à l’exclusion de tout autre. Il n'évoque d'ailleurs pas la légende arthurienne. La fontaine est présentée comme localisée à Paimpont, et comme miraculeuse. Il est dit que le seigneur de Montfort-Gaël s'y rendit plusieurs fois pour demander la pluie en versant quelques gouttes d'eau de la fontaine sur un gros bloc de grès, connu aujourd'hui sous le nom de "Perron de Merlin". On trouve dans ce chapitre une localisation plus précise de la fontaine :

  " …Item auprès du dit breil, il y a un breil nommé le breil de
  Bellanton, et auprès d’yceluy, il y a une fontaine nommée la fontaine
  de Bellanton…[…] Item joignant la dite fontaine, il y a une grosse
  pierre qu’on nomme le perron de Bellanton, et toutes les fois que le
  seigneur de Montfort vient à ladite fontaine, et de l’eau d’icelle
  arrose et mouille le perron, quelque chaleur, temps sur de pluie,
  quelque part que le vent soit, soudain et en peu d’espace, plutôt que
  le dit seigneur n’aura pu recouvrer son chasteau de Comper, ains que
  soit la fin d’iceluy jour, plera en pays si abondamment que la terre et
  les biens estant en icelle en sont arrousées, et moult leur profite."

Traduction de Pierre-Yves Lambert :

  "Il y a également près de ce breil un autre breil nommé le breil de Bellenton
  et auprès de celui-ci une fontaine appelée fontaine de Bellenton, auprès de
  laquelle le bon chevalier Pontus fit ses armes, ainsi qu’on peut voir par le
  livre qui en fut composé. Près de cette fontaine, il y a une grosse pierre
  qu’on appelle le perron de Bellenton. Chaque fois que le seigneur de Monfort
  vient à cette fontaine et y prendre de l’eau pour arroser et mouiller ce perron,
  quelque chaleur et temps contraire à la pluie qu’il fasse, de quelque part que
  vienne le vent et qu’au dire que chacun le temps ne soit nullement disposé à la pluie, 
  il arrive aussitôt ou peu après, ou parfois avant que le seigneur ne soit rentré en
  son château de Comper ou, en tout cas, avant la fin de la journée, qu’il pleut au pays
  si abondamment que la terre et ses biens sont arrosés et en ont grand profit."

Dans le Demosterion

Le Demosterion, livre de médecine composé en 1578 par Roch le Bailliff, doit sa préface à Noël du Fail. C'est à ce dernier que l'on doit une allusion à la fontaine de Barenton :

  "[se trouvent] aussi les beautés de la forest de Bresselian, appartenante
  au seigneur Comte de Laval, où se void encore le Perron Merlin, l’ancien
  plaisir des Chevaliers errans (que quelques ignorans ont voulu dire estre
  fables en tout, et histoires faictes à plaisir) et la fontaine de Balanton,
  en laquelle se baignait la beste glatissant, qui estait la proye, comme une
  autre bouteille de S. Greal, que par figures philosophiques lesdits Chevaliers
  si ardement poursuyvaient."

Traduction :

  On y trouve aussi les beautés de la forêt de Brocéliande, appartenant au seigneur
  Comte de Laval, où se voit encore le Perron de Merlin, l'ancien plaisir des
  Chevaliers errants (que quelques ignorants ont voulu faire passer pour des
  histoires divertissantes entièrement inventées) et la fontaine de Balanton, en
  laquelle se baignait la bête glatissante, qui était comme le Saint Graal
  l'objet de la quête que par figures philosophiques, lesdits Chevaliers poursuivaient
  si ardemment.

Localisation précise : hypothèse de Korentin Falc'hun

  "Cette fontaine ne peut pas être celle de Berenton en Brocéliande,
  elle ne correspond pas à la description du manuscrit de Giraud de
  Barri en 1188 ni même celui des années 1160 de Wace ,mais à l' image
  authentique d'une autre fontaine merveilleuse qui est située sur l'autre
  lieu occulté en Basse Bretagne armoricaine se rapportant au mythe arthurien :
  BERRIEN ,(BERRIUM (Xle siècle)aujourd'hui en Huelgoat."

Localisation précise : hypothèses de Guillaume Kerfontaine et Georges Bertin

Carte IGN de la région des sources de la Sélune.

La forêt de Brocéliande serait assimilable à la seigneurie des Dol-Combourg, proche de l'océan. A l’est de ce massif forestier s’ouvre en effet un territoire de landes. Les toponymes locaux en témoignent : Saint-Aubin de Terregatte, Saint-Laurent de Terregatte (la Terre Gâte des romans arthuriens), entourés de la Lande-Martel au nord et Saint-Martin-de-Landelles, Saint-Brice-de-Landelles , Louvigné-du-Désert au sud. Dans son livre La Quête du Saint Graal et l’Imaginaire (Editions Charles Corlet, 1997), Georges Bertin fait le premier le rapprochement de ces toponymes avec l’univers arthurien. Nous sommes là sur la rive gauche du fleuve « Sélune », dont les eaux gagnent la baie du Mont-Saint-Michel. Ce serait la rivière rapide du conte d’Owein, le chemin suivi aussi par Yvain.


Le parcours du Chevalier au Lion, en quête de la fontaine de Barenton, est alors facile à reconstituer : notre héros sort de Brocéliande (sans doute à l’est de la forêt de Villecartier) et gagne les landes de Terregatte. Il trouve alors, en suivant le fleuve Sélune, un château à proximité de l’océan (ce peut être Ducey ou Saint-Laurent de Terregatte). Le lendemain, il longe le fleuve et rencontre l’homme noir. Poursuivant son chemin, il parcourt, en remontant la Sélune, environ 45 kilomètres (trois heures à cheval). Ceci nous mène aux alentours des sources du fleuve, lesquelles se situent à Saint-Cyr-du-Bailleul (département de la Manche).

La Sélune prend sa source à Saint-Cyr, petit village situé à cinq kilomètres de Barenton, ville normande que les chroniqueurs de Domfront, voisine, ne pouvaient pas méconnaître. Parmi ces trouvères, citons Robert Wace, écrivant pour les Plantagenêt dont l’une des cours était précisément Domfront. Il est bien naturel que les sources d’inspiration des romans arthuriens croisent cette cour d’Henri II Plantagenêt à Domfront, Henri roi d’Angleterre et duc de Normandie, dont le projet politique était de rapprocher la Grande et la Petite Bretagne. Aliénor d’Aquitaine, la reine, encourage fortement cette émergence du roman. Il convient de rappeler que la Sélune est, jusqu’au X° siècle, la frontière naturelle entre Bretagne et Normandie.


La fontaine de Barenton serait à chercher dans le périmètre des sources de la Sélune. Nous la trouvons aisément, suivant en cela divers chercheurs universitaires dont les travaux désignent formellement la fontaine de l’Air S’ouvre, située à deux kilomètres des sources du fleuve Sélune. Quoi de plus naturel, au XII° siècle, que de nommer cette fontaine « Barenton », seul bourg à la ronde, bien connu de Wace qui séjourne à Domfront avec les Plantagenêt ?


Selon Georges Bertin, dont les travaux font autorité :

Chapelle du lieu dit "L’Air s’Ouvre", près de Barenton et des sources de la Sélune. A l'emplacement exact d'une chapelle du XII° siècle, le nouvel édifice XIX° surplombe la fontaine.

"Paysages folkloriques et mythologies, extrait du Guide des Chevaliers de la Table Ronde en Normandie", Georges Bertin, Ed. Charles Corlet, 1991.

  Ainsi, concernant la Fontaine Merveilleuse d'Yvain, le Chevalier au Lion,
  à Barenton, Gilles Susong a magistralement démontré [Susong Gilles, Où situer
  la fontaine merveilleuse d'Yvain ? in La légende... op. cit., p. 163-180],
  que celle-ci ne pouvait être localisée qu'au lieu dit « L'Air s'Ouvre »,
  au Passais, à proximité immédiate de ce premier fief des Achard qui a nom 
  le Pertuis-Achard, non loin de l'ermitage de Saint-Auvieu.
  Observant le site de la fontaine qui sourd à cet endroit, près d'une chapelle
  dédiée à sainte Marie-Magdeleine, il énonce un certain nombre de constats que
  nous résumons ici.
  D'abord, observe-t-il, l'assignation du site de Barenton aux bois de Paimpont
  est admise depuis les études de Fernand Bellamy, parues en 1896, et nous ajouterons
  que c'est précisément à l'époque où Calvez place ce qu'il ne craint pas d'appeler
  une invention des lieux arthuriens près de Paimpont.
  Ensuite, Gilles Susong identifie cinq éléments descriptifs de la fontaine de Barenton :
  le nom de la forêt, le perron, la chapelle, le bassin et le pin, tous présents dans l'œuvre
  de Chrétien de Troyes, "Le Chevalier au Lion."
  Se pose alors la question de savoir où Chrétien a pu rencontrer ce paysage réel
  très précisément décrit chez lui, presque cartographie. Notre éminent collègue se
  livre alors, élément par élément, à une enquête de terrain qui le conduit à opter,
  pour le site de L'Air s'Ouvre, entre Barenton et Passais, entre Brasse et Landes.
  Derrière la chapelle Sainte-Magdeleine, sourd la fontaine de l'Air s'Ouvre en laquelle
  Gilles Susong reconnaît d'autant plus facilement La Fontaine Merveilleuse d'Yvain 
  le Chevalier au Lion, immortalisée par Chrétien de Troyes, qu'il y localise tous les
  éléments de la description précise du poète : perron, chapelle, bassin, pin, et que 
  les conjectures  qu'il en tire plaident très largement pour cette identification.
  On se reportera, pour plus de détails, à son argumentation très minutieuse et bien documentée.
  
  Que conclure ? Que, certainement, la fontaine de Barenton se situe près de Barenton, en Normandie.
  Qu’elle devait être bien connue des chroniqueurs arthuriens de la cour de Domfront, ville située à
  quelques lieues de là. Aussi, que le nom même de la fontaine, « l’Air s’Ouvre », évoque une magie
  météorologique, légende courante dans l’Ouest de la France qu’on retrouvera par exemple en forêt
  de Paimpont - qui s’approprie le mythe au XV° siècle sous l’impulsion de Guy XIV de Laval, et
  surtout au XIX° - ou, en Brocéliande, à la fontaine de Carfantin près de Dol. Le lieu primitif
  de l’enracinement folklorique (pour reprendre les termes de Georges Bertin) du conte de la
  « Dame à la fontaine », l’Air s’Ouvre, est en pleine cohérence avec l’hypothèse d’une Brocéliande
  en forêt de Dol-Combourg.



La fontaine du lieu dit "L'Air s'Ouvre", hypothétiquement la "fontaine de Barenton" décrite dans les textes médiévaux qui la situent hors de Brocéliande.

Sources

Le Roman de Rou, vers 1160, R.Wace.

Li tornoiemenz Antecrist, 1128, Huon de Mery.

Yvain ou le Chevalier au Lion, vers 1170, Chrétien de Troyes

Owein ou le conte de la dame à la fontaine, fin du XIIème siècle, Auteur anonyme.

Les Usemens et coustumes de la forest de Brécelien, 1467, Guy XIV Comte de Laval.

http://www.paysdebroceliande.com/broualan/fontaine-de-barenton.html

Description, notices et extraits des Manuscrit de la bibliothèque publique de Rennes > http://books.google.fr/books?id=0EkPAAAAQAAJ&hl=fr&pg=PA116#v=onepage&q&f=false

Histoire des Croisades, par Jacques de Vitry > http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1121191/f235.image.r=bretagne