Les Sorcières sont de retour

De Wiccapedia

Les Sorcières sont de Retour

Robert Musel, The Sun du 13 janvier 1962

Traduction Tof


Londres, Angleterre. Dans un bureau près de Baker Street une secrétaire dans la trentaine - pétillante, efficace, attirante – recouvre sa machine à écrie et lui dit bonne nuit. Et c’est là que s’arrête la ressemblance avec une autre secrétaire qui a terminé sa journée de travail. Car en sortant de l’immeuble elle s’est arrêtée aux toilettes et a glissé une unique jarretière au-dessus de son genou droit.

Par cet acte Thirza, grande prêtresse d’un « coven » de sorcières a quitté sa vie quotidienne matérielle, puis elle a pris un bus pour se rendre dans une maison dans une banlieue de Londres pour diriger les rites secrets. L’employeur de la secrétaire serait choqué de connaitre la double vie de sa charmante assistante (ce qui explique pourquoi son vrai nom n’est pas publié ici). [Ndt : le journal ne publie effectivement pas son nom, il se contente de publier sa photo] et il en serait vraisemblablement de même pour les amis et les proches des autres sorcières qui se sont rendues ce soir dans cette maison de banlieue - un agent d’assurances, un artiste, un spécialiste de la mode, un contremaitre d’usine, un kinésithérapeute et d’autres personnes.

Il y avait 13 personnes en tout, car c’est le nombre de sorcières dans un coven, ou cercle magique.

La sorcellerie connaît une légère résurgence en Grande-Bretagne, le retour le plus intrigant, depuis que Matthew Hopkins, le célèbre « Chasseur de Sorcières », a envoyé quelques centaines de malheureux à la potence il y a 300 ans. Et l’homme qui a dévoilé cette renaissance est le révérend Joseph Christie, qui en plus d’être l’unique aumônier des journalistes catholiques de Fleet Street, partage également leur instinct pour dénicher une bonne histoire. Homme d’une grande tolérance, le Père Christie a été surpris un jour à découvrir que le Dr Gerald Gardner, un anthropologue, admettait ouvertement être une sorcière opérative et qu’il l’était depuis longtemps. Quand il ne participe à l’accomplissement des rites du coven auquel il appartient, le Dr Gardner, un sage de 77 ans, est le conservateur de l’unique musée de la sorcellerie de Grande-Bretagne et peut être l’unique au monde - sur l’Ile de Man. Les sorcières n’ont plus besoin de craindre la torture et le bûcher, le sort de plus de 200.000 de leurs semblables, réelles ou imaginaires, lors des persécutions du Moyen Age rien qu’en Europe. Mais il est encore relativement rare qu’une sorcière admette en être une. C’est ce qui fait penser au Père Christie que la Sorcellerie s’épanouit aujourd’hui en Grande-Bretagne à la fois dans ses formes bénignes et malignes.

Le Père Christie dit : « Ce qui est pratiqué aujourd’hui en Grande-Bretagne n’est pas la Sorcellerie de la vieille sorcière dans sa cabane en ruine, ni celle du sorcier du moyen-âge qui pactisait avec le diable, ni même celle des praticiens de la magie primitive. Cette sorcellerie est savamment adaptée à notre époque et conçue pour attirer ceux qui cherchent le frisson ou les curieux ou encore les personnes confuses et incertaines qui ne comprennent pas combien la véritable foi chrétienne peut être satisfaisante en tous points.

« Car la sorcellerie est une religion - un culte païen mêlé à une croyance en la magie et.» - Il sourit « Je ne sous-estime pas l’attrait du fait que certains des rites sont pratiqués nus. Les sorcières disent que les vêtements perturbent la façon dont elles essaient de générer naturellement du magnétisme. Bien sûr je n’ai jamais assisté à l’une de ces séances, mais j’ai vu l’unique photo authentique jamais prise d’un coven de sorcières lors de leurs rites -.elles étaient toutes nues. »

Un des buts de la quête inhabituelle du Père Christie était de déterminer si la sorcellerie, la magie noire et le commerce avec le diable sont une seule et même chose, comme le pense souvent l’homme moyen. Le Dr Gardner a été catégorique lorsqu’il a été interrogé sur ce point, ils n’ont rien à voir les uns avec les autres. « La sorcellerie n’est jamais maléfique », a-t-il dit. « Bien que certaines sorcières le soient. »

Le Père Christie est moins convaincu que les frontières sont toujours aussi strictes. « Nous savons qu’il y a aujourd’hui des réunions de covens qui ne s’intéressent qu’à la sorcellerie, » a-t-il dit. « Mais il y a d’autres groupes qui se consacrent à la Messe Noire, la Magie Noire qui tire sa source dans l’Egypte antique et qui s’est transformée au fil des siècles en une tentative de corruption du christianisme et qui existe toujours pour des fins malsaines et dégénérées.

Je connais même un cas récent où la police soupçonne qu’un assassinat rituel y a été pratiqué. »

Il a expliqué qu’il croit qu’une fois que les curieux auront été satisfaits, la sorcellerie connaîtra à nouveau un des déclins qui ont marqué son existence, depuis que, en 1320 à Carcassonne, le pape Jean XXII a publié une bulle, un édit, autorisant l’Inquisition à poursuivre les adorateurs des démons, ceux qui concluaient un pacte avec eux, faisaient des statuettes ou utilisaient des objets sacrés pour faire de la magie.

Le but de la bulle était de contrôler ou d’éradiquer une hérésie. Mais, des magistrats et d’autres fonctionnaires cupides l’ont utilisée pour éliminer des ennemis personnels et des rivaux potentiels ou tout simplement pour acquérir les biens des « sorcières » exécutées.

Le Dr Gardner a un mémorial dans son musée « pour les neuf millions de personnes qui sont mortes sous la torture d’une manière ou d’une autre pour sorcellerie. » C’est là plusieurs fois le nombre de victimes estimées par d’autres autorités. La persécution a duré jusqu’en 1750 et il ne fait aucun doute que la superstition et la cupidité ont engendré plusieurs milliers de morts inutiles.

Le Père Christie a dit que si l’on examine les procès des sorcières à la lumières des normes juridiques actuelles le résultat est bien triste. Par exemple, en Grande-Bretagne, Matthew Hopkins, un juriste incompétent, capitalisait sur l’ignorance des ruraux en prétendant qu’il pouvait reconnaître une sorcière simplement en donnant au suspect un petit coup avec un bâton. C’était accepté par les tribunaux comme une véritable preuve. Et en 14 mois en 1645 et 1646, il a envoyé de très nombreuses personnes à la potence – en échange d’énormes rétributions. Son nom en argot britannique désigne un homme ou « un doigt dénonciateur » un Matthew Hopkins. »

Avant de le quitter pour aller parler au Dr. Gardner et d’autres sorcières j’ai demandé au Père Christie s’il pensait que la sorcellerie pouvait avoir un avenir dans un monde aussi confus et incertain que celui où nous vivons aujourd’hui.

« Pas vraiment, » a-t-il dit. « Vous voyez, il n’y a pas de problème qu’une sorcière peut mieux résoudre que la science. Par exemple, les sorcières croyaient qu’elles pouvaient induire une clairvoyance et la télépathie grâce à leurs rites. Même si elles le pouvaient, ce sont de bien petites merveilles par rapport au téléphone, à la radio, à la télévision ou aux vols dans l’espace. Elles peuvent aussi pratiquer une forme rudimentaire d’hypnotisme, mais c’est tout à fait banal dans la pratique médicale d’aujourd’hui.

« La sorcellerie a un autre attrait puissant. Ceux qui ont adhéré au culte peuvent participer à des orgies « la nuit dans la forêts. » Mais avouons-le, aujourd’hui la vie elle-même est si « dolce vita » que peu de gens ont à rejoindre un coven de sorcière pour avoir du bon temps. » Donc je ne pense pas que la sorcellerie aie une grande place dans la Grande-Bretagne de demain. Mais elle est là depuis des centaines d’années et il se passera encore de nombreuses années avant qu’elle ne meure complètement. »

Le Dr Gardner, dont le visage aimable est surmonté d’une masse argentée de cheveux, n’a pas besoin de filtre magique brassé dans un chaudron de sorcières. Il jette un sort de l’Ancien Monde appelé « charme. » Son musée à Castletown est une ancienne tour circulaire connue sous le nom de Moulin des Sorcières parce qu’au 17ème siècle un coven de sorcières, uniquement des femmes, dansait dans les champs avoisinants. Le Dr Gardner est une sorcière, mais c’est aussi un scientifique et tout conflit découlant de cette combinaison improbable est résolu en faveur de la science.

Il pense que les sorcières ont une influence bénéfique et il raconte la tradition sorcière voulant qu’elles aient sauvé trois fois l’Angleterre de l’invasion et qu’elles peuvent encore la sauver de la bombe atomique. Selon cette légende, des sorcières ont uni leur pouvoir en 1588 et en répétant un sort, dont les mots clés étaient « pas en mesure de débarquer », elles ont empêché l’Armada espagnole d’aborder les côtes britanniques. A peu près la même phrase a été utilisée lorsque le pouvoir de toutes les sorcières de la Grande-Bretagne a de nouveau été utilisé pour empêcher Napoléon d’envahir le pays. Après que la France ait été vaincue lors de la dernière guerre, a dit le Dr Gardner : « Les sorcières se sont retrouvées, elles ont généré le grand cône de pouvoir et ont induit dans le cerveau d’Hitler cette idée : Tu ne peux pas traverser la mer. Peux pas venir. Peux pas venir. » Même s’il ne dit pas que ces sorts ont eu un effet spécifique, le Dr Gardner a souligné que les choses que les sorcières ne voulaient pas voir arriver, ne se sont pas produites. Il a ajouté que les sorcières pourraient pratiquer des rites semblables pour influencer l’esprit de ceux qui contrôlent la bombe atomique.

Sa version de la fondation du principal Ordre de chevalerie, l’Ordre de la Jarretière par des sorcières est encore plus fascinante. Selon la croyance populaire cet Ordre a été institué par le roi Edouard III après que la comtesse de Salisbury ait perdu une jarretière en dansant avec lui. Le roi a mis la jarretière sur sa propre jambe en disant : « Honi soit qui mal y pense ». Le Dr Gardner a dit que comme la jarretière est un signe de rang élevé chez les sorcières, la comtesse de Salisbury pouvait avoir été une sorcière et la vivacité d’esprit du Roi a peut être empêché que cela soit découvert et il l’a probablement sauvée de la potence.

Les sorcières, dit le Dr Gardner, sont tout simplement ceux qui pratiquent une religion préchrétienne et adorent « les anciens dieux. » Le mot anglais pour sorcière « witch » vient d’un mot anglo-saxon « wica », les sages. Un coven de sorcières est généralement composé de 13 membres parce que c’est le plus grand nombre de personnes pouvant se mouvoir confortablement dans le cercle magique. Un coven, explique-t-il, devrait se composer de six couples - mariés ou amoureux ou proches l’un de l’autre - et un leader. Les sorcières croient pouvoir générer du pouvoir à partir de leur corps en dansant, chantant et criant - nues, bien sûr.

« Il est difficile, » a-t-il dit, là c’est l’anthropologue qui parle, « de dire ce qui réel et ce qui est imagination. »

Il a ajouté que la légende voulant que les sorcières se déplacent sur un balai vient d’une danse de fertilité dans laquelle elles sautaient dans les champs avec des bâtons sculptés, un peu comme un cheval bâton, entre les jambes. Certains sautaient plus que d’autres et les ignorants ont embelli cela en en faisant un vol dans le ciel.

Sur un point il était de tout cœur d’accord avec le Père Christie : les sorcières sont plus susceptibles d’être de jolies filles que de vieilles femmes au nez crochu. Il a dit que ça avait toujours été ainsi et a cité un document du 17ème siècle :

« Condamnées et brûlées, deux sorcières, des filles de 16 ans, à la fois jeunes et diablement jolies. »

La vision de l’avenir de la sorcellerie du Dr Gardner n’est pas diamétralement opposée à celle du Père Christie. « La science la remplace », a-t-il soupiré. « De bonnes prévisions météo, de bons services médicaux, des jeux, la baignade, le nudisme, le cinéma, la télévision ont largement remplacé ce que la sorcière avait à donner. »