Les Ponts

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Les Ponts

Véro


J’ai personnellement toujours eu un faible pour les ponts. Je les trouve beaux, majestueux parfois, émouvants toujours. J’aime les traverser à pieds, me pencher et évaluer le vide en dessous de moi. J’ai aimé en sauter pendant un temps. Je me sens atrocement frustrée quand un Pont de Millau est interdit aux piétons….

Je viens de lire un long texte de 1932 de MM. Hoffmann-Krayer et Bachtold-Staubli au sujet des ponts. Je vous en livre ici une synthèse commentée.

Dans les croyances primitives chaque cours d’eau a sa propre divinité. Si un pont ou une passerelle enjambe la frontière naturelle que représente une onde, il faut que la divinité soit dédommagée par des offrandes régulières. Ainsi le pont sera t il sous sa protection, et deviendra-t-il sacré par la même occasion. On trouve des traces de cet usage jusque dans la Rome antique, en la personne du Pontifex (contraction de pontem et facere) qui n’était pas seulement le constructeur de ponts, mais, considéré comme un prêtre, il avait la charge d’amadouer la divinité du cours d’eau enjambé par son œuvre.

Dans les pays germaniques cette notion d’endroit sacré a perduré. Au 18ème siècle on organisait régulièrement des fêtes sur les ponts plutôt qu’ailleurs (les gens qui ici à Strasbourg organisent mensuellement des pic nique transfrontaliers sur la passerelle Mim Ram sont-ils au courant ?) Mais en lieu et place des divinités de l’eau on plaçait alors des statues de saints officiels et réglementaires sur les ponts.

Les ponts sont des endroits habités par les esprits, et de ce fait, redoutés. La difficulté qui accompagnait leur construction faisait dire à certaines époques que c’était l’œuvre du diable (les „ponts du diable“ sont légion) Parmi les esprits dont il est question il y a évidemment les esprits des eaux, ou autres fantômes qui ne sont rien d’autre que les réminiscences des anciens dieux des rivières ou des ponts. Mais il y a aussi des esprits pour qui ce même cours d’eau sera la frontière de leur domaine. Ils aiment à rester sur ou à proximité du pont et ainsi voir les humains qui passent cette frontière. Ils pourront rester à leur côté pendant tout le temps où ils seront sur leur territoire et leur distribuer bonté ou désagréments.

Ils peuvent revêtir divers aspects : une simple lueur, un homme sans tête, un chien, un chat ou d’autres animaux (j’entends les Pratchétiens d’ici : non, il n’est nulle part fait mention de troll !). Et puis il y a ceux qui ont des noms : Schimmelreiter (cavalier au cheval blanc) Feuermänner (les hommes de feu) Weisse Frau (la dame blanche) Graumännchen (les petits hommes gris) Wechselbalg (celui qui change de fourrure). Parfois ils portent simplement le nom du cours d’eau. Ou bien on les appelle „les hommes -ou les femmes- du pont“. Quand la chasse sauvage passe sur un pont un esprit reste pour avertir les humains de ne pas y passer à leur tour.

Mais les ponts sont aussi des endroits à sorcières.

Une sorcière qui n’aurait pas accepté d’enseigner l’art à sa fille se retrouvait tous les jours entre 11 et 12 heures à se faire fouetter sous un pont par le diable en personne. Une sorcière qui voudrait être délivrée devait être sous le pont quand y passait un enfant qu’on amenait à l’église se faire baptiser. Ainsi à l’âge de 14 ans celui ci deviendra t il sorcière ou sorcier à son tour.

Un homme qui avait trompé sa femme, lui avait été ramené grâce à la magie d’une sorcière. Mais la magie fut de courte durée et il s’en alla de nouveau. Afin d’éviter que la sorcière ne le ramène au bercail il lui fallait, à chaque pont qu’il empruntait, y laisser une croix.

Si on veut se défaire d’un mauvais esprit il faut attendre d’avoir traversé trois ponts avant de reprendre des activités normales et de s'assurer que le sort a fonctionné.

Toutes les magies étaient possible sur et sous les ponts sur lesquels passaient les processions funéraires ou les mariages.

Celui qui voulait toujours gagner aux quilles devait, une nuit précise, entre 23 et 24 heures, se cacher sous un pont, y tailler ses quilles et sa balle dans un seul morceau de bois. L’eau du vendredi saint doit être cherchée sous un pont sur lequel est passé au moins un cadavre au cours de l’année écoulée, pour chercher l’eau de pâques il faut emprunter un chemin passant sur un pont sur lequel est passé le dernier cadavre en date (et ne me demandez pas ce que sont ces eaux de pâques, je ne suis pas catholique et je ne le sais donc pas). L’eau prise sous un pont qui a vu passer mariage et cortège funéraire a des vertus guérisseuses. Une jeune fille qui la nuit de Noël, sur le chemin de l’église, se lave dans l’eau sous un pont et continue son chemin sans se sécher ne va pas attraper une pneumonie. Non, au contraire, celui qui à l’église la séchera sera son futur époux. Pour soigner les verrues il faut aller sous un pont qui voit passer les convois funéraires, frotter ses verrues avec un petit bout de tissu qu’on jettera ensuite dans l’eau en la priant d’emporter son mal.

Quelqu’un qui souffrirait de fièvre ne doit pas passer un pont sans cracher trois fois dans l’eau, sinon sa fièvre ne passera jamais. Une jeune accouchée qui sort pour la première fois, et qui doit passer un pont, se doit, dès qu’elle y pose le pied, de jeter une pièce de monnaie dans l’eau afin que l’esprit de la rivière ne lui prenne pas son enfant. Si un enfant est mort né son père ira couper la tête d’un veau nouveau né (toujours avoir un stock de veaux sous la main) se rendra sur le pont et jettera la tête du veau, par dessus la sienne, dans le cours d'eau. Puis il retournera prestement chez lui sans se retourner. Alors l’enfant retrouvera la vie (cela me rappelle le mythe d’Orphée et Euridice).

Si un enfant en route pour le baptême dort alors qu’on passe le pont il souffrira d’énurésie.

Les rivières d’un point de vue mythologique sont les entrées vers l’enfer (ou quelque nom qu’on lui donne) et les ponts sont le chemin emprunté par les morts pour aller de « notre monde » à « l’autre monde ». La voie lactée et les arc en ciel dans les pays nordiques sont réputés être des ponts célestes qui permettent aux âmes des guerriers morts d’aller au Walhalla.

On se sert des ponts pour faire des prophéties aussi. Ainsi disait on que lorsque le pont menant à Cologne serait terminé il porterait aussitôt des troupes guerrières.