Paganisme, Art et Créativité
Création de Paganisme, Art et Créativité
Par Aranna
NB : Ne souhaitant pas revenir sur une polémique mille et mille fois entendue au sujet du terme «païen», il est explicitement convenu que ce mot désigne les païens contemporains.
Il est intéressant de constater que les concepts de Paganisme et de Création sont souvent voisins, pas nécessairement au sens historique et sémantique, mais plutôt dans la manière dont ces deux concepts cohabitent actuellement. Les croyances païennes sont dans l’immense majorité des cas des croyances relativement flexibles, sans dogmes écrasants à suivre à la lettre, et sans carcan rigide ou morale enfermant l’individu dans un système étouffant qui, bien souvent, fragilise le potentiel créatif, à moins que ce dernier n’explose justement pour libérer le conscient et l’inconscient en un processus de catharsis. Dans sa conception même, le paganisme incite l’individu à se remettre à l’écoute de son corps, de sa nature profonde et de son instinct, et par là, à se retrouver lui-même. La Nature, qui a autant d’importance pour les païens, n’est pas codifiable ou normalisable. Elle est en dehors des contingences actuelles de réussite ou d’échec. Elle se contente d’être. Elle est changeante, sauvage, toujours en mouvement, insaisissable. Il n’est pas, à l’état naturel, de critère de beau ou de laid, de bien ou mal, qui sont des notions purement «humainement civilisables». La nature s’exprime, violemment parfois mais toujours d’une manière unique. Il est donc logique, voir même «normal» de trouver une si grande adéquation entre les concepts de Nature et de Créativité. «L’art naît de contraintes, vit de luttes et meurt de liberté» disait André Gide. Sans aller jusque là, le parallèle est troublant : effectivement, plus on y met de contraintes, de barrières, de tabous, plus l’acte de création se fait une joie, un devoir de les transgresser, de les contourner, un peu comme la Nature qui, chassée de nos villes modernes, s’y réinvite de mille et une manières : qui n’a pas entendu parler de ces renards fouillant les poubelles, des lapins de la porte Maillot, des plantes sauvages se mettant à pousser un peu n’importe où dans des lieux que l’on avait cru hostiles. Après deux mille ans de contraintes, nous avons enfin la possibilité de redécouvrir nos instincts et notre pouvoir créateur sans avoir à affronter toutes sortes de répressions ou censures, du moins dans les pays occidentalisés. Maintenant, la tâche est à la lutte contre nous-mêmes, contre notre culture, notre éducation pour nous permettre de nous retrouver cette potentialité et pouvoir l’exprimer. C’est tout un schéma qui est à repenser, et pour commencer celui d’une prétendue séparation des sexes. Non, les hommes ne sont pas forcément plus rationnels et les femmes ne sont pas forcément plus créatives. C’est avant tout une question de moeurs et d’éducation qui nous conforte dans cette optique-là. Le risque est de rester braqué dans cette vision, je ne vois pas pour quelles raisons on prête plus d’attention aux femmes qu’aux hommes dans le paganisme actuel. Certes, la vision de la femme et par là, la conscience intrinsèque de sa propre valeur a été considérablement dégradée et maltraitée pendant deux millénaires ; pour autant, je ne pense pas qu’une inversion des rôles réparera quoi que ce soit. Oui, il y a des blessures à panser, des plaies à refermer, mais négliger les dégâts que les hommes ont également subis n’apportera rien de bon sur le long terme. Plus qu’une quelconque question d’identité sexuelle, c’est toute la perception que l’Humain a de lui-même qui est à réapprendre, à réinventer. Pour finir, il y a deux points qui me paraissent importants à souligner. Tout d’abord, la plupart des gens redoutent de se pencher sur leur capacité de création, par peur de «ne pas être capable» ou «de mal faire». En soi, une création n’est pas un échec ou une réussite, c’est le regard que nous ou les autres portons sur elle qui la valide comme étant «bonne» ou «mauvaise». Ces critères sont évidemment subjectifs et relatifs à un nombre vertigineux de paramètres. Cependant, la création qui s’inscrit dans un mécanisme de libération, d’exploration, d’expression personnelle, sans autre but ou prétention ne peut et ne devrait pas être classée suivant ce genre de critère, le seul à retenir étant ce que cet acte vous a apporté à vous. Deuxième et dernier point, il n’y a pas une, mais des créations, et pour une femme, être mère est bien entendu un processus alchimique de transformation et de création, mais il est loin d’être le seul et l’unique. La figure de la Mère Créatrice et Pourvoyeuse est un archétype, et le réduire à la seule grossesse est non seulement sectaire, puisqu’il sous-entend une exclusion totale des hommes mais aussi des femmes qui ne souhaitent ou qui ne peuvent pas avoir d’enfants, mais aussi réducteur, puisque ce n’est qu’une des nombreuses facettes de la déesse. L’enfantement et la naissance, ne l’oublions pas, sont des processus qui ne sont pas forcément à prendre au pied de la lettre, mais peuvent trouver leurs expressions sous de multiples formes suivant les individus. Enfin, le Dieu est également une figure très liée à la création suivant ses divers aspects, par exemple sous le visage de Lugh Salminadach (Lugh aux Dons Multiples, ou plus précisément, le Polytechnicien).