Herne le Chasseur, Dieu, Fantôme ou être Féérique ?

De Wiccapedia

Herne le Chasseur, Dieu, Fantôme ou être Féérique ?

K.Klein

Traduction Tof


C’est dans une clairière entre les grands arbres du Grand Parc de Windsor que vous le découvrez. Il est grand, il a la peau sombre et il est musclé. Sur sa tête, il y a des andouillers à sept empaumures, soit directement sur son crâne soit fixés sur une couronne, on ne peut pas vraiment en être certain lorsqu’on est loin. Autour de lui il y a de grands chiens blancs aux yeux rouges et aux oreilles dont l’extrémité est rouge elle aussi et ils aboient et grondent sans cesse. Derrière lui il y a le grand chêne qui porte son nom.

Comme beaucoup d’américains, j’ai commencé à être fasciné par le personnage de Herne lorsque j’ai vu la série britannique Robin de Sherwood, dans laquelle Robin des Bois adore Herne et prend ses ordres chez un homme, chaman du culte clandestin de Herne. Une histoire tout à fait plausible dans la Grande Bretagne du treizième siècle soumise aux Chrétiens Normands depuis deux cents ans et où des groupes de Saxons vénérant leurs propres Dieux auraient pu trouver refuge dans la forêt de Windsor et voler ce qu’ils pouvaient aux oppresseurs Normands.

Mais il s’avère que le Herne dans Robin de Sherwood, est un homme qui porte une couronne à bois de chevreuil mais les effets spéciaux dans la série étaient, pour ainsi dire, inexistants. Est-ce que Herne a été représenté sous l’apparence d’un homme déguisé en cerf parce que la production ne pouvait pas se permettre de créer une divinité ? Ou parce que les auteurs croyaient que Herne, le Dieu de Robin des Bois, n’était qu’un chaman inspiré par les Dieux ?

Je voulais en savoir plus sur la légende, est-ce que le Herne historique était un homme qui a atteint le statut de légende ? Ou était-il un Dieu ou un esprit Féérique de la forêt Britannique ?

Shakespeare penchait pour la première hypothèse dans « Les Joyeuses Commères de Windsor » écrit vers 1597. Le barde d’Avon a écrit :

Je songe à une vieille histoire que mon aïeule contait autrefois. Herne le veneur, disait-elle, garda de son vivant la forêt de Windsor et maintenant son fantôme revint toutes les nuits, vers l’heure de minuit. On l’aperçoit armé de cornes, se promenant autour d’un chêne qui porte son nom et dans sa ronde, il flétrit l’arbre, ensorcelle le bétail, change le pur lait des vaches en un sang noir et secoue des chaînes avec un bruit effroyable.

(Acte IV, Scène IV)

Le Herne de Shakespeare est le fantôme d’un forestier employé par le roi Richard II qui aurait sauvé la vie du roi alors que le monarque était attaqué par un cerf blanc dans la forêt de Windsor. La légende nous raconte que le forestier a été tué par un cerf mais ramené à la vie par un chaman. Plus tard, il a perdu la faveur du roi et s’est pendu à un grand chêne qu’on a appelé le Chêne de Herne. La légende ajoute que l’on voit son fantôme à cheval dans la forêt, portant des bois du cerf blanc sur la tête, accompagné par les chiens des enfers qui hurlent et d’autres animaux.

Donc Shakespeare dit que Herne est un fantôme. Mais est-ce la description traditionnelle d’un fantôme ? Il est assez évident que cette histoire est plus qu’une simple histoire de fantôme, il y a les bois, le cerf blanc, la renaissance chamanique et les chiens des enfers, tout cela semble nous dire que Herne est bien plus qu’un simple spectre.

Il y a une vingtaine d’observations historiques du fantôme de Herne. Selon des témoins, Herne est apparu en 1413 à la veille de la mort d’Henri IV. Au seizième siècle, Henri VIII, son fils le duc de Richmond et le comte de Surrey ont vu Herne conduire la Chasse Sauvage dans la forêt de Windsor, sur un grand cheval, soufflant dans son cor de chasse, suivi d’une légion de fantômes ou d’esprits.

On raconte des histoires d’apparitions plus récentes de Herne dans la la région de Windsor et on jure qu’elles sont véridiques. En 1856, deux garçons, William Fenwick et William Butterworth, se promenaient près du Château de Windsor lorsqu’un homme mystérieux dans une calèche leur a proposé de faire un tour. Ils sont montés dans la calèche et sont réveillés près du Pont Victoria de l’autre côté du parc, sans se souvenir de comment ils étaient arrivés là. Des années plus tard, dans un musée, on a montré à Fenwick un dessin représentant une sculpture de gargouille appelée le « masque de Herne, » et il jura que c’était là le visage de l’homme qui lui avait proposé de monter dans la calèche.

On raconte que dans les années 1960, deux garçons de ferme du coin et un « teddy boy » de Londres, auraient trouvé un cor de chasse par terre dans le Grand Parc de Windsor alors qu’ils s’y amusaient. Les garçons du coin ont exhorté le teddy boy de ne pas y toucher mais le rocker a soufflé dans le cor et il a fait un grand bruit horrible. A ce moment, on a entendu des hurlements et le martellement de sabots dans la forêt. Les trois garçons terrifiés ont couru vers une église voisine, mais l’histoire raconte qu’une flèche invisible a été tirée par un chasseur invisible. Lorsque les deux garçons de ferme ont regardé derrière eux le teddy boy était mort à quelques mètres de la porte de l'église.

Et en 1976, un des hommes montant la garde au château de Windsor, a raconté avoir vu la statue cornue prendre vie et marcher dans la forêt.

Toutes ces légendes et les récits ont quelques éléments folkloriques ou mythiques en commun : l’apparition de Herne à moitié homme, à moitié animal à bois de cerf, la course folle dans la forêt; quelqu’un qui souffle dans un cor de chasse et la présence de Herne uniquement dans la forêt de Windsor, près de l’emplacement d’un arbre que les locaux appellent Chêne de Herne, près de Frogmore House dans le Parc (un arbre qui a été abattu en 1796 avait une place assez importante dans la tradition anglaise pour être replanté par Edward VII en 1906).

Est-ce que ces éléments folkloriques désignent Herne comme étant un Dieu comme le pensent la plupart des païens contemporains ? Ou désignent-ils un être féérique qui hante la forêt près du château de Windsor tout comme le personnage folklorique de Tam Lin hante Carter Hall ?

Pour commencer à répondre à ces questions, penchons-nous sur le nom de Herne. Quelques théories différentes ont été proposées à son sujet. Une théorie dit que Herne est lié au Dieu celte Cernunnos et cette théorie dit que ce nom est une prononciation anglaise de Cern. C’est la théorie retenue par la plupart des païens contemporains. Sur le chaudron de Gundestrup, un chaudron orné déterré au Danemark en 1891, Cernunnos est représenté avec ses bois de cerfs et est le Dieu de différents animaux. On estime qu’il a été fabriqué par des artisans celtes ou thraces. Mais la façon dont a été fait le chaudron rappelle plus le travail des thraces que celui des celtes et certains des animaux représentés sur le chaudron sont des éléphants. Les celtes de Gaule n’avaient pas beaucoup d’éléphants. Il est bien plus probable que le chaudron était thrace et fabriqué par un peuple qui vivait à l’emplacement actuel de la Bulgarie et du nord de la Grèce puis emporté au Danemark par des Vikings.

Alors il est possible que le personnage sur le chaudron n’était pas Cernunnos, mais un autre Dieu à bois de cerf qui appréciait les éléphants. Pourtant Cernunnos était considéré comme un Dieu de la chasse ayant des bois de cerf. Peut-il être à la base de la légende de Herne ? J’ai bien peur que ça ne soit pas ça. Cernunnos était un Dieu très localisé, il n’était adoré que par des Celtes Gaulois vivant dans la région du Paris actuel. Que Cernunnos ait pu être exporté et adoré par les Saxons de Windsor est hautement improbable. Il faut se souvenir que l’Angleterre est et a toujours été un pays saxon peuplé par les Angles (Anglo) et les Vikings Saxons venant du Danemark. Ensuite, le pays a été conquis par les Vikings Normands. Alors que la culture celtique est arrivée jusqu’au Pays de Galles, en Ecosse et en Irlande, les Saxons Anglais n’auraient pas adoré un Dieu Celte Français. Etant chasseurs comme les Celtes, leurs Dieux peuvent avoir des caractéristiques similaires (des bois de cerf, un cor de chasse, des animaux), mais il devait s’agir de Dieux différents et les gens qui adoraient ces Dieux devaient faire clairement la distinction entre eux.

Une théorie plus locale veut que le nom de Herne vienne d’un nom désignant Odin qui était parfois aussi appelé Héron lorsqu’il menait la Chasse Sauvage. Cela semble plus logique : Odin est un Dieu Nordique à bois de cerf accompagné par des animaux dont des corbeaux et des loups. Il a été pendu à un grand frêne, rappelant le Chêne de Herne. Il est très possible qu’un vestige du culte de Héron ait pu être conservé chez les Saxons païens cachés dans la forêt de Windsor et ils lui auraient donné le nom qu’ils connaissaient : Héron, ou Herne.

Il y a une dernière théorie que j’aime bien, elle n’a jamais été explorée, veut que Herne soit lié à un autre Dieu ou esprit de la forêt locale : Comme Herne ce personnage se servait d’un cerf blanc pour attirer un homme (le Herne de Shakespeare utilisa le cerf blanc pour faire venir Henry II), c’est un personnage des enfers qui commande une chasse et qui dirige une meute de chiens diaboliques. Il est associé à une région forestière spécifique, Dyvet au Pays de Galles. Ce personnage est Arawn, qui, dans le Mabinogion Gallois se joue de Pwyll le roi mortel en l’autorisant à chasser le cerf blanc que les chiens infernaux d’Arawn avaient déjà chassé. Arawn envoie alors Pwyll dans son propre monde, Annwvyn où le mortel combattra l’ennemi d’Arawn.

Lorsqu’on prononce son nom, Arawn a le même son guttural que Herne et tous deux sont semblables au bruit qu’émet un cerf pour attirer les femelles. Des corps retrouvés dans les tourbières d’Europe du Nord ont été enterrés avec une corne à sonner appelée Lur, un instrument Viking dont le son ressemblait à l’appel du cerf. Le fait que l’instrument ait été utilisé dans des tombes sacrées nous montre que les Saxons associaient ce son au culte ou à des personnages mythiques. Donc utiliser ce son pour se référer à leur Dieu chasseur est vraisemblable.

Mais si Herne est un personnage légendaire ou mythique, le chef de la Chasse Sauvage et le protecteur de la forêt, une question demeure : Herne est-il vraiment un Dieu ou est-il un être féérique vivant sous terre ?

Il était très commun, dans les années entre la domination romaine et la conquête normande, lorsque l’Angleterre devenait chrétienne, que le peuple transfère les mythes de ses anciens dieux dans des contes de fées. Nous le voyons avec Mab, une Déesse des enfers qui est devenue la Reine des Fées et dont on disait que comme Herne et Odin, elle conduisait la Chasse Sauvage. En Irlande, les Dieux Celtes comme le Dagda et Lugh sont eux aussi passés dans les annales de la tradition féérique, lorsque le catholicisme s’est implanté.

Mais Herne et Odin semblent tous deux avoir deux groupes distincts de légendes, il y a les mythes liés aux dieux ainsi qu’un ensemble de légendes où l’on retrouve des fées vivant sous terre. Herne et Odin sont tous deux liés à une zone géographique précise : pour Herne c’est la Forêt de Windsor; dans le cas d’Odin, ce sont les falaises de Moen au Danemark ou Asbyrgi en Islande, un canyon dont on raconte qu’il a été creusé par l’empreinte du sabot du cheval d’Odin. Pour ce qui est du côté féérique, je pense que Herne et Odin sont tous deux des noms portés à la fois par un Dieu et un être féérique local vivant sous la terre :

Une théorie veut que Herne soit Wodin ou Odin, pas le Dieu, mais l’être féérique suédois qui mène la Chevauchée d’Odin. Hérian est un autre nom saxon pour Odin et d’Hérian on arrive à Herne. Odin s’est pendu la tête en bas à frêne (l’Arbre du Monde du mythe Scandinave). Il pourrait en être de même pour Herne et son chêne. Dans certaines légendes Herne le forestier a été pendu au Chêne de Herne.

On raconte qu’Odin et Herne conduisaient tous deux la Chasse Sauvage dans leurs domaines respectifs, cette Chasse est vraiment spécifique à la tradition féérique. En automne, lorsqu’on est proche de Samhain ou Halloween, les fées chevauchent dans la forêt et attrapent l’esprit des cultures tuées lors de la récolte et les animaux tués à la chasse. Les Fées conduiront ces esprits aux Enfers, où ils se reposeront jusqu’au printemps, lorsque des œufs colorés flottant dans les rivières jusqu’aux Enfers, réveilleront les esprits et leur diront qu’il est temps de renaître. Ils deviendront les semences du grain et les animaux à naître.

Que Mab, Herne et Odin jouent tous des rôles de premier plan dans ces légendes montre qu’il s’agit de noms d’êtres féériques liés à une région forestière particulière et au cycle de la vie des plantes et des animaux de cette région. Comme ce sont des fées vivant sous terre elles interagissent avec les humains et protègent leur petit lopin de terre comme dans l’histoire de Tam Lin. Troubler la forêt peut les faire venir, comme lorsque Tam Lin cueille une rose ou comme lorsqu’on attire Herne en sonnant du cor. La légende raconte que le fer les repousse comme il le fait pour tous les êtres féériques :

On dit qu’en Suède on ne peut pas voir la Chasse d’Odin, mais qu’on entendra ses deux chiens, l’un qui aboie fort et l’autre beaucoup plus doucement. Une légende raconte qu’une personne ne peut se protéger qu’en jetant de fer entre lui et les chiens.

Vous pouvez donc adorer Herne en tant que Dieu Cornu, un protecteur des animaux, le meneur des chasses. Mais si vous vous promenez de nuit en forêt et que vous entendez les aboiements des chiens ou le martèlement des sabots d’un cheval géant, il se pourrait bien que ce soit Herne, l’être féérique du monde de sous terre et vous feriez mieux de vous enfuir au lieu de rester dans les parages pour voir ce qui va arriver. Ca risque de ne pas être bien agréable.

Et quand à la question « s’agit-il d’un fantôme, d’un être féérique ou d’un Dieu ? » Peut-être devrons-nous contenter de l’idée que le nom de Herne a été utilisé pour les trois. Nous espérons que le fantôme du forestier trouvera le repos dans la forêt de Windsor, que Herne l’être de féérie chevauchera encore pendant des siècles dans le Grand Parc de Windsor et que Herne le Dieu aux bois de cerf continue à vivre pour toujours dans nos cœurs.


C’est dans une clairière entre les grands arbres du Grand Parc de Windsor que vous le découvrez. Il est grand, il a la peau sombre et il est musclé. Sur sa tête, il y a des andouillers à sept empaumures, soit directement sur son crâne soit fixés sur une couronne, on ne peut pas vraiment en être certain lorsqu’on est loin. Autour de lui il y a de grands chiens blancs aux yeux rouges et aux oreilles dont l’extrémité est rouge elle aussi et ils aboient et grondent sans cesse. Derrière lui il y a le grand chêne qui porte son nom.

Comme beaucoup d’américains, j’ai commencé à être fasciné par le personnage de Herne lorsque j’ai vu la série britannique Robin de Sherwood, dans laquelle Robin des Bois adore Herne et prend ses ordres chez un homme, chaman du culte clandestin de Herne. Une histoire tout à fait plausible dans la Grande Bretagne du treizième siècle soumise aux Chrétiens Normands depuis deux cents ans et où des groupes de Saxons vénérant leurs propres Dieux auraient pu trouver refuge dans la forêt de Windsor et voler ce qu’ils pouvaient aux oppresseurs Normands.

Mais il s’avère que le Herne dans Robin de Sherwood, est un homme qui porte une couronne à bois de chevreuil mais les effets spéciaux dans la série étaient, pour ainsi dire, inexistants. Est-ce que Herne a été représenté sous l’apparence d’un homme déguisé en cerf parce que la production ne pouvait pas se permettre de créer une divinité ? Ou parce que les auteurs croyaient que Herne, le Dieu de Robin des Bois, n’était qu’un chaman inspiré par les Dieux ? Je voulais en savoir plus sur la légende, est-ce que le Herne historique était un homme qui a atteint le statut de légende ? Ou était-il un Dieu ou un esprit Féérique de la forêt Britannique ?

Shakespeare penchait pour la première hypothèse dans « Les Joyeuses Commères de Windsor » écrit vers 1597. Le barde d’Avon a écrit :

Je songe à une vieille histoire que mon aïeule contait autrefois. Herne le veneur, disait-elle, garda de son vivant la forêt de Windsor et maintenant son fantôme revint toutes les nuits, vers l’heure de minuit. On l’aperçoit armé de cornes, se promenant autour d’un chêne qui porte son nom et dans sa ronde, il flétrit l’arbre, ensorcelle le bétail, change le pur lait des vaches en un sang noir et secoue des chaînes avec un bruit effroyable.

(Acte IV, Scène IV)

Le Herne de Shakespeare est le fantôme d’un forestier employé par le roi Richard II qui aurait sauvé la vie du roi alors que le monarque était attaqué par un cerf blanc dans la forêt de Windsor. La légende nous raconte que le forestier a été tué par un cerf mais ramené à la vie par un chaman. Plus tard, il a perdu la faveur du roi et s’est pendu à un grand chêne qu’on a appelé le Chêne de Herne. La légende ajoute que l’on voit son fantôme à cheval dans la forêt, portant des bois du cerf blanc sur la tête, accompagné par les chiens des enfers qui hurlent et d’autres animaux.

Donc Shakespeare dit que Herne est un fantôme. Mais est-ce la description traditionnelle d’un fantôme ? Il est assez évident que cette histoire est plus qu’une simple histoire de fantôme, il y a les bois, le cerf blanc, la renaissance chamanique et les chiens des enfers, tout cela semble nous dire que Herne est bien plus qu’un simple spectre.

Il y a une vingtaine d’observations historiques du fantôme de Herne. Selon des témoins, Herne est apparu en 1413 à la veille de la mort d’Henri IV. Au seizième siècle, Henri VIII, son fils le duc de Richmond et le comte de Surrey ont vu Herne conduire la Chasse Sauvage dans la forêt de Windsor, sur un grand cheval, soufflant dans son cor de chasse, suivi d’une légion de fantômes ou d’esprits.

On raconte des histoires d’apparitions plus récentes de Herne dans la la région de Windsor et on jure qu’elles sont véridiques. En 1856, deux garçons, William Fenwick et William Butterworth, se promenaient près du Château de Windsor lorsqu’un homme mystérieux dans une calèche leur a proposé de faire un tour. Ils sont montés dans la calèche et sont réveillés près du Pont Victoria de l’autre côté du parc, sans se souvenir de comment ils étaient arrivés là. Des années plus tard, dans un musée, on a montré à Fenwick un dessin représentant une sculpture de gargouille appelée le « masque de Herne, » et il jura que c’était là le visage de l’homme qui lui avait proposé de monter dans la calèche.

On raconte que dans les années 1960, deux garçons de ferme du coin et un « teddy boy » de Londres, auraient trouvé un cor de chasse par terre dans le Grand Parc de Windsor alors qu’ils s’y amusaient. Les garçons du coin ont exhorté le teddy boy de ne pas y toucher mais le rocker a soufflé dans le cor et il a fait un grand bruit horrible. A ce moment, on a entendu des hurlements et le martellement de sabots dans la forêt. Les trois garçons terrifiés ont couru vers une église voisine, mais l’histoire raconte qu’une flèche invisible a été tirée par un chasseur invisible. Lorsque les deux garçons de ferme ont regardé derrière eux le teddy boy était mort à quelques mètres de la porte de l'église.

Et en 1976, un des hommes montant la garde au château de Windsor, a raconté avoir vu la statue cornue prendre vie et marcher dans la forêt. Toutes ces légendes et les récits ont quelques éléments folkloriques ou mythiques en commun : l’apparition de Herne à moitié homme, à moitié animal à bois de cerf, la course folle dans la forêt; quelqu’un qui souffle dans un cor de chasse et la présence de Herne uniquement dans la forêt de Windsor, près de l’emplacement d’un arbre que les locaux appellent Chêne de Herne, près de Frogmore House dans le Parc (un arbre qui a été abattu en 1796 avait une place assez importante dans la tradition anglaise pour être replanté par Edward VII en 1906).

Est-ce que ces éléments folkloriques désignent Herne comme étant un Dieu comme le pensent la plupart des païens contemporains ? Ou désignent-ils un être féérique qui hante la forêt près du château de Windsor tout comme le personnage folklorique de Tam Lin hante Carter Hall ?

Pour commencer à répondre à ces questions, penchons-nous sur le nom de Herne. Quelques théories différentes ont été proposées à son sujet. Une théorie dit que Herne est lié au Dieu celte Cernunnos et cette théorie dit que ce nom est une prononciation anglaise de Cern. C’est la théorie retenue par la plupart des païens contemporains. Sur le chaudron de Gundestrup, un chaudron orné déterré au Danemark en 1891, Cernunnos est représenté avec ses bois de cerfs et est le Dieu de différents animaux. On estime qu’il a été fabriqué par des artisans celtes ou thraces. Mais la façon dont a été fait le chaudron rappelle plus le travail des thraces que celui des celtes et certains des animaux représentés sur le chaudron sont des éléphants. Les celtes de Gaule n’avaient pas beaucoup d’éléphants. Il est bien plus probable que le chaudron était thrace et fabriqué par un peuple qui vivait à l’emplacement actuel de la Bulgarie et du nord de la Grèce puis emporté au Danemark par des Vikings.

Alors il est possible que le personnage sur le chaudron n’était pas Cernunnos, mais un autre Dieu à bois de cerf qui appréciait les éléphants. Pourtant Cernunnos était considéré comme un Dieu de la chasse ayant des bois de cerf. Peut-il être à la base de la légende de Herne ? J’ai bien peur que ça ne soit pas ça. Cernunnos était un Dieu très localisé, il n’était adoré que par des Celtes Gaulois vivant dans la région du Paris actuel. Que Cernunnos ait pu être exporté et adoré par les Saxons de Windsor est hautement improbable. Il faut se souvenir que l’Angleterre est et a toujours été un pays saxon peuplé par les Angles (Anglo) et les Vikings Saxons venant du Danemark. Ensuite, le pays a été conquis par les Vikings Normands. Alors que la culture celtique est arrivée jusqu’au Pays de Galles, en Ecosse et en Irlande, les Saxons Anglais n’auraient pas adoré un Dieu Celte Français. Etant chasseurs comme les Celtes, leurs Dieux peuvent avoir des caractéristiques similaires (des bois de cerf, un cor de chasse, des animaux), mais il devait s’agir de Dieux différents et les gens qui adoraient ces Dieux devaient faire clairement la distinction entre eux.

Une théorie plus locale veut que le nom de Herne vienne d’un nom désignant Odin qui était parfois aussi appelé Héron lorsqu’il menait la Chasse Sauvage. Cela semble plus logique : Odin est un Dieu Nordique à bois de cerf accompagné par des animaux dont des corbeaux et des loups. Il a été pendu à un grand frêne, rappelant le Chêne de Herne. Il est très possible qu’un vestige du culte de Héron ait pu être conservé chez les Saxons païens cachés dans la forêt de Windsor et ils lui auraient donné le nom qu’ils connaissaient : Héron, ou Herne.

Il y a une dernière théorie que j’aime bien, elle n’a jamais été explorée, veut que Herne soit lié à un autre Dieu ou esprit de la forêt locale : Comme Herne ce personnage se servait d’un cerf blanc pour attirer un homme (le Herne de Shakespeare utilisa le cerf blanc pour faire venir Henry II), c’est un personnage des enfers qui commande une chasse et qui dirige une meute de chiens diaboliques. Il est associé à une région forestière spécifique, Dyvet au Pays de Galles. Ce personnage est Arawn, qui, dans le Mabinogion Gallois se joue de Pwyll le roi mortel en l’autorisant à chasser le cerf blanc que les chiens infernaux d’Arawn avaient déjà chassé. Arawn envoie alors Pwyll dans son propre monde, Annwvyn où le mortel combattra l’ennemi d’Arawn.

Lorsqu’on prononce son nom, Arawn a le même son guttural que Herne et tous deux sont semblables au bruit qu’émet un cerf pour attirer les femelles. Des corps retrouvés dans les tourbières d’Europe du Nord ont été enterrés avec une corne à sonner appelée Lur, un instrument Viking dont le son ressemblait à l’appel du cerf. Le fait que l’instrument ait été utilisé dans des tombes sacrées nous montre que les Saxons associaient ce son au culte ou à des personnages mythiques. Donc utiliser ce son pour se référer à leur Dieu chasseur est vraisemblable.

Mais si Herne est un personnage légendaire ou mythique, le chef de la Chasse Sauvage et le protecteur de la forêt, une question demeure : Herne est-il vraiment un Dieu ou est-il un être féérique vivant sous terre ?

Il était très commun, dans les années entre la domination romaine et la conquête normande, lorsque l’Angleterre devenait chrétienne, que le peuple transfère les mythes de ses anciens dieux dans des contes de fées. Nous le voyons avec Mab, une Déesse des enfers qui est devenue la Reine des Fées et dont on disait que comme Herne et Odin, elle conduisait la Chasse Sauvage. En Irlande, les Dieux Celtes comme le Dagda et Lugh sont eux aussi passés dans les annales de la tradition féérique, lorsque le catholicisme s’est implanté.

Mais Herne et Odin semblent tous deux avoir deux groupes distincts de légendes, il y a les mythes liés aux dieux ainsi qu’un ensemble de légendes où l’on retrouve des fées vivant sous terre. Herne et Odin sont tous deux liés à une zone géographique précise : pour Herne c’est la Forêt de Windsor; dans le cas d’Odin, ce sont les falaises de Moen au Danemark ou Asbyrgi en Islande, un canyon dont on raconte qu’il a été creusé par l’empreinte du sabot du cheval d’Odin. Pour ce qui est du côté féérique, je pense que Herne et Odin sont tous deux des noms portés à la fois par un Dieu et un être féérique local vivant sous la terre :

Une théorie veut que Herne soit Wodin ou Odin, pas le Dieu, mais l’être féérique suédois qui mène la Chevauchée d’Odin. Hérian est un autre nom saxon pour Odin et d’Hérian on arrive à Herne. Odin s’est pendu la tête en bas à frêne (l’Arbre du Monde du mythe Scandinave). Il pourrait en être de même pour Herne et son chêne. Dans certaines légendes Herne le forestier a été pendu au Chêne de Herne.

On raconte qu’Odin et Herne conduisaient tous deux la Chasse Sauvage dans leurs domaines respectifs, cette Chasse est vraiment spécifique à la tradition féérique. En automne, lorsqu’on est proche de Samhain ou Halloween, les fées chevauchent dans la forêt et attrapent l’esprit des cultures tuées lors de la récolte et les animaux tués à la chasse. Les Fées conduiront ces esprits aux Enfers, où ils se reposeront jusqu’au printemps, lorsque des œufs colorés flottant dans les rivières jusqu’aux Enfers, réveilleront les esprits et leur diront qu’il est temps de renaître. Ils deviendront les semences du grain et les animaux à naître.

Que Mab, Herne et Odin jouent tous des rôles de premier plan dans ces légendes montre qu’il s’agit de noms d’êtres féériques liés à une région forestière particulière et au cycle de la vie des plantes et des animaux de cette région. Comme ce sont des fées vivant sous terre elles interagissent avec les humains et protègent leur petit lopin de terre comme dans l’histoire de Tam Lin. Troubler la forêt peut les faire venir, comme lorsque Tam Lin cueille une rose ou comme lorsqu’on attire Herne en sonnant du cor. La légende raconte que le fer les repousse comme il le fait pour tous les êtres féériques :

On dit qu’en Suède on ne peut pas voir la Chasse d’Odin, mais qu’on entendra ses deux chiens, l’un qui aboie fort et l’autre beaucoup plus doucement. Une légende raconte qu’une personne ne peut se protéger qu’en jetant de fer entre lui et les chiens.

Vous pouvez donc adorer Herne en tant que Dieu Cornu, un protecteur des animaux, le meneur des chasses. Mais si vous vous promenez de nuit en forêt et que vous entendez les aboiements des chiens ou le martèlement des sabots d’un cheval géant, il se pourrait bien que ce soit Herne, l’être féérique du monde de sous terre et vous feriez mieux de vous enfuir au lieu de rester dans les parages pour voir ce qui va arriver. Ca risque de ne pas être bien agréable.


Et quand à la question « s’agit-il d’un fantôme, d’un être féérique ou d’un Dieu ? » Peut-être devrons-nous contenter de l’idée que le nom de Herne a été utilisé pour les trois. Nous espérons que le fantôme du forestier trouvera le repos dans la forêt de Windsor, que Herne l’être de féérie chevauchera encore pendant des siècles dans le Grand Parc de Windsor et que Herne le Dieu aux bois de cerf continue à vivre pour toujours dans nos cœurs.