Cela Porte Malheur d’en Parler : le Secret et la Wicca
Cela Porte Malheur d'en Parler : le Secret et la Wicca
Judy Harrow
Traduction Tof
Ainsi il est ordonné que personne ne dise à quelqu’un qui n’est pas des nôtres, qui est de la Wicca, ou donne des noms ou des adresses ou dise quoi que ce soit qui pourrait trahir l’un d’entre nous. Pas plus qu’on ne révélera où se trouve le fief du Coven. On ne parlera pas du fief du Coven. Ou du lieu où il se réunit. - The Ardanes 31-34 (Lady Sheba)
Peut-être l’avez-vous toujours su, peut-être avez su ce vous étiez bien avant de savoir que nous avions un nom. Peut-être, comme ils m’ont parlé, les arbres vous ont parlé pendant votre enfance. Vous pensiez très probablement que vous étiez tout seul dans ce cas. Vous avez peut-être même pensé que vous étiez fou et vos parents et professeurs ont peut être pensé la même chose. Puis, un jour, vous avez découvert d’une façon ou d’une autre que des milliers d’autres personnes ont eu des sentiments et des expériences similaires – nous appelons cela le sentiment de retour au pays, la découverte de la communauté. Comme nous savons ce que c’est que de se sentir seul, la communauté nous est précieuse.
Même après cela, vous avez peut être passé un long moment à rechercher le bon professeur, le bon groupe, et encore du temps à travailler et étudier pour vous préparer à l’initiation. Puis un jour on vous a dit que vous étiez prêt. Vous aviez fait tout ce qui était nécessaire. Lors d’un rituel solennel et joyeux, vous avez prêté serment, ça y est vous êtes Sorcière et Prêtre(sse). Vous avez pu ressentir l’initiation comme l’aboutissement d’un long processus, mais en réalité le mot signifie « commencement ». Maintenant vous pouvez avoir une idée de ce qu’est la sorcellerie et ce que c’est que de vivre comme une Sorcière.
Nos nombreuses Traditions diffèrent dans leurs demandes. Le contenu précis de nos vœux initiatiques est pour la plupart d’entre nous à lui seul, un secret initiatique. Il est de notoriété publique que presque toutes les Sorcières font un serment de secret. La discrétion absolue est notre idéal presque universel.
Même l'athée le plus extrémiste comprend que briser son serment détruit l’estime de soi. Cela nous fera aussi perdre la confiance et le respect de ceux qui préservent leurs serments, ainsi ceux qui brisent leur serment s’excluent tous seuls de la communauté. Et pour ceux d’entre nous qui chérissent notre rapport avec les Dieux, les conséquences vont bien au-delà de cela. Si nous savons ce qui est bon pour nous, nous restons fidèles du mieux que nous pouvons !
Nous conserverons le silence même sous la torture, c’est bien ça ? En réalité personne ne le sait. A l’époque des bûchers, nous a-t-on dit, il était facile de savoir ce qu’on devait faire, mais c’était désespérément dur de le faire. Et c’est toujours le cas dans certaines régions du monde où l’on peut toquer à votre porte au cœur de la nuit. Tout le monde peut imaginer comment il espère se conduire dans une telle situation. Personne ne sait avec certitude comment il agira dans ce cas et le sage prie pour n’avoir jamais à le savoir. Normalement, et heureusement, nous sommes peu susceptibles de faire face à une telle horreur.
Mais notre défi est de discerner ce que nous devrions faire. Au lieu de la force brutale, bon nombre d’entre nous seront confrontés à l’ambiguïté et à la confusion, un chemin gris et brumeux avec peu de repères. D’autres besoins et valeurs peuvent venir en conflit avec nos traditions de silence. Sachez-le : pendant que vous êtes là à lire ce texte, une Sorcière, quelque part, doit prendre une décision difficile, à qui parler et que lui dire. Imaginez ce qu’elle doit ressentir. Voilà le problème auquel vous risquez d’être confronté un jour.
Alors tous ces serments que nous faisons ne sont que de l’hypocrisie ? Devons nous cesser cette pratique et nous contenter de faire confiance à nos propres meilleurs instincts de Sorcières pour nous guider ? Au moins un de mes étudiants le pense. Il croit que ses propres étudiants font la différence entre ce qui bien et ce qui est mal. Pendant leur formation, il veille à ce qu’ils aient très souvent l’occasion d’y penser et de parler des situations qu’ils sont susceptibles de rencontrer, ainsi ils peuvent, autant que possible, se préparer mentalement et émotionnellement. Au moment où il est prêt à les élever, il pense qu’il est mieux de leur faire confiance, sans serment, sans contrainte. La bonne formation qu’il leur donne devrait être suffisante.
Je conviens que l’expérience et la pratique répétée sont nécessaires et réellement valables. Sinon, il serait stupide d’écrire à ce sujet. Mais même nos meilleures réflexions seules ne sont pas suffisantes. Le comportement humain dépend plus du cœur et des tripes que de la tête. Comme prêtres(ses), nous comprenons que ce qui a été soigneusement préparé fonctionne mieux lorsque c’est renforcé par le rituel qui parle à l’inconscient et au subconscient. Un serment est un charme volontairement accepté, pratiqué ensemble, un charme contraignant.
Nous faisons certains choix très basiques sur la façon dont nous voulons agir – en réalité sur ce que nous voulons être. Puis, en s’y vouant, nous instillons ces décisions fermement et profondément en nous-mêmes, ce qui crée des ancrages dans nos propres valeurs de base. Si ce travail de contrainte est bien fait et de façon sincère, nous ne violerons pas nos standards ni par indifférence ni par négligence, pas plus que nous compromettons nos valeurs par convenance ou appât du gain. J’espère que les serments que j’ai prêtés me protégeront de la panique et me renforcerons en période de stress important.
Mais je n’attends pas de mes serments, qui sont de simples affirmations faites pour et par l’enfant qui est en nous, qu’ils m’aident à me sortir des complications, des conflits, des nombreuses nuances de gris. Ca c’est la tâche de l'adulte intérieur. Mes serments m’aident à vivre selon mes décisions, ils ne m’aident pas à décider. Mais nous pouvons nous aider les uns les autres en réfléchissant ensemble à ces problèmes. Le rituel, aussi, est nécessaire mais il n’est pas suffisant.
Comme aucun d’entre nous n’a une connaissance parfaite ou une sagesse parfaite, tout ce que nous pouvons faire lorsque nous sommes confrontés à des choix complexes et ambigus c’est d’agir pour le mieux, d’endosser la responsabilité de ce que nous faisons et d’être prêts à apprendre de nos propres erreurs même si cela nous coûte. Croyez-moi, ces erreurs peuvent être publiques et douloureuses. Ainsi j’offre, au moins comme point de départ, ce que j’ai appris au cours des dix-sept ans qui se sont écoulées depuis ma propre initiation.
Je pense qu’il est utile de séparer certaines des problèmes. Le secret au sujet des personnes, de leurs peurs et de leur participation à la Sorcellerie est différent du secret au sujet de nos histoires, symboles, rituels et techniques magiques. Il y a également une différence, connue depuis bien longtemps mais rarement exprimée, entre les types de secrets qui peuvent, mais ne devraient pas, être révélés et les mystères, qui sont profondément internes, expérimentaux et non-verbaux. Il y a des problèmes très différents, il faut considérer pour chaque problème leurs différentes conséquences possibles.
Au delà même de cela, le Wiccan Rede – « Si tu ne blesses personne, fais ce que tu veux » est notre éthique de base, par laquelle quoi que fassions – dont nos vœux – sera éclairé, guidé, évalué et - si besoin est - rejeté. Dans ces moments rares et terribles quand le Rede et nos vœux sont en conflit, nous faisons réellement face à l’abîme. Qu’alors la Sagesse Antique nous guide.