Rosaleen Norton une auto-biographie

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Rosaleen Norton une auto-biographie

Ici, pour la première fois depuis des siècles, une sorcière rédige une confession complète où elle révèle ses pouvoirs étranges et diaboliques.

Rosaleen Norton, Australie Message du 3 janvier 1957

Traduction Tof


Je suis née Sorcière

La véritable histoire de la « Sorcière de Kings Cross », une femme qui a pratiqué ouvertement la sorcellerie depuis son enfance. Voilà ce qu’elle a écrit, pas un mot n’a été modifié.

J’ai été décrite comme excentrique, décadente, exhibitionniste, non-conformiste, géniale, sorcière, monstre et ainsi de suite, que ce soit lors de déclarations publiques ou au cours de conversations privées. Oui, je suis toutes ces choses et je suis heureuse de l’être.

Depuis l’âge de 15 ans, diverses personnes tristes et bien pensantes m’ont prophétisé une mort prématurée dans des circonstances pénibles ... « Tu seras mortes avant d’atteindre 20 ans ... 25 ans ... 30 ans ... et ainsi de suite. Eh bien, là j’ai 38 ans (peut-être pas « avec toutes mes dents » mais je suis pourtant bel et bien là) et j’ai vécu bien plus que ne vivront normalement la plupart des gens au cours d’une dizaine de vies et je suis certaine que ça a été comme ça uniquement à cause des particularités de mon tempérament, celles qui m’ont valu ces qualificatifs.

Donc, si je devais faire plaisir à ces prophètes (un peu tardivement) en tombant raide morte, au moins ce serait sans regrets et avec la satisfaction d’avoir profité au maximum de la vie - et peu de gens, je pense, pourraient honnêtement en dire autant.

Mon style de vie a été formulé lorsque j’avais 14 ans. C’était : « Expérimenter tout ce que je pouvais, que ce soit bon, mauvais ou indifférent et l’exprimer pleinement dans ma vie et mon art. »

Un numérologue a travaillé sur mon nom lorsque j’étais enfant, le résultat principal était que ma « vie et mon travail seront éloignés des sentiers battus » ce qui depuis s’est révélé être étonnamment exact.

Mais, il serait peut être préférable de commencer par le commencement, et incidemment ma vie a commencé sous un signe approprié qui présageait une carrière orageuse. Je suis née à Dunedin en Nouvelle-Zélande, à 4 heures du matin lors d’un violent orage. Peut-être que cela explique en partie pourquoi toute ma vie, j’ai tant aimé la nuit et les tempêtes.

Les tempêtes suscitent en moi une exaltation particulière, une sensation proche de l’ivresse. La nuit est pour moi le moment où toutes mes perceptions sont à l’affût, c’est là que je me sens le plus éveillée et que je travaille le mieux. Cette particularité a été un point perpétuel de discorde avec ma mère, car me persuader d’aller au lit n’était pas une tâche facile – pas plus que de me réveiller le matin.


« Animaux-Rien »

Déjà à l’âge de quatre ans je poussais des hurlements de détresse et de fureur lorsque j’entendais les mots « bonne nuit ». Finalement la famille a dû se résoudre à dire « Bona Nox » à la place, apparemment je jugeais cela plus acceptable que « bonne nuit ».

Mes premiers dessins, vers l’âge de 3 ans représentaient surtout des créatures appelées « Animaux-Rien » et « Flippers », que je connaissais très bien, pour moi il s’agissait de présences. Les « Flippers » ressemblaient plutôt à des fantômes classiques avec un drap et ils m’étaient hostiles, mais ils étaient tenus à distance par mes amis et protecteurs, les « Animaux-Rien », qui avaient une tête animale surmontant une masse de tentacules de pieuvre avec lesquels ils semblaient nager dans l’éther.

A propos d’apparitions, diverses manifestations psychiques, à la fois subjectives et objectives, ont toujours fait partie de ma vie et je les accepte donc sans me poser de questions comme faisant partie de l’ordre naturel des choses. Parmi quelques exemples typiques de ma prime enfance on peut citer une « dame en robe grise » fantomatique qui était souvent debout à côté de mon lit quand j’avais 5 ou 6 ans, l’apparition d’un dragon brillant (lorsque j’avais 5 ans) qui, avec d’autres éléments de ce genre avait, comme je l’ai découvert plus tard, une symbolique profondément significative pour les occultistes, et un rêve de petite une maison à panneaux de bois entourée d’arbres, appelée « The Railway Cottage », que j’ai découverte dans la vie éveillée trois ou quatre mois plus tard à Chatawood, une banlieue que je n’avais pas encore visitée au moment de mon rêve.

Ma seule réaction en découvrant « The Railway Cottage » fut un sentiment de « Oh oui, c’est bien elle. »

Puisque l’on parle de psychisme, il faut mentionner une expérience récurrente des mes premières années, une forme d’état de transe semblable à ceux expérimentés dans certaines formes de yoga. Mon nom pour cela était « Grandes Choses », et cela commençait toujours par un état de flottement, comme une désincarnation. Puis il y avait un sentiment de grandissement et d’expansion. Je devenais de plus en plus grande, jusqu’à atteindre une taille tellement inconcevable qu’elle cessait d’exister et j’englobais toutes les choses et j’étais partout.

Après une nouvelle très longue pause il y a à nouveau du mouvement, cette fois une contraction et un rétrécissement, jusqu’à ce que je retourne à mon point de départ, mais le sens de rétrécissement persistait toujours. Puis, progressivement je devenais de plus en plus petite, jusqu’à devenir trop petite pour exister, un rien du tout qui était pourtant toujours sensible. Bientôt j’ai à nouveau eu le sentiment de grandir, de croitre jusqu’à ma taille normale et ainsi de suite. C’était un rythme faisant penser à sorte de respiration puissante.

A sept ans, deux petites marques bleues très rapprochées sont apparues sur mon genou gauche, et elles y sont toujours. Depuis, j’ai appris que deux (voire trois) points bleus ou rouges, proches les uns des autres, sur la peau sont parmi les marques traditionnelles de sorcière.

Bien sûr, je ne le savais pas à l’époque. Je me souviens les avoir remarquées l’année où nous sommes arrivés en Australie et je me demandais ce que c’était. Ils semblaient être importants d’une certaine façon que je ne pouvais définir.

En 1924, ma famille s’est installée en Australie, à Lindfield, une banlieue de Sydney, où j’ai vécu les dix années suivante. L’enfance a été pour moi tout le contraire du « plus beau moment de la vie », comme la qualifient les sentimentaux. Je me souviens que c’était une période généralement ennuyeuse d’épreuves insensées, d’adultes indiscrets, d’enfants détestables ou déprimants que je devais aimer, et de mes parents qui me faisaient des reproches. Je ne voyais que relativement peu mon père qui était en mer la plupart du temps. Il était capitaine dans la marine marchande. Il était d’ailleurs cousin avec Vaughan Williams, le compositeur, avec qui il a un fort air de famille, ils ont la même carrure et se ressemblent beaucoup. Ma mère était une femme traditionnelle et très émotive, bien trop absorbée par sa famille, pas du tout comme moi, toute tentative de relation agréable entre nous deux était vouée à l'échec.

Non pas que j’aie fait une telle tentative, pour être franche l’affection familiale en tant que telle n’a jamais eu aucune signification pour moi et même si j’aimais beaucoup deux de mes parents - ma sœur aînée et une de mes tantes – c’était parce que je les considérais comme des amies plutôt que des parentes (et c’est toujours le cas).


Araignée de Garde !

Lorsque j’étais enfant mon but principal était d’avoir le plus d’indépendance possible. Dans ce but j’ai entamé une grève de la faim pour avoir le droit de prendre mes repas toute seule (j’aimais les prendre sur le toit et dans d’autres endroits bizarres). Après quelques jours ma mère a capitulé – elle n’avait apparemment pas réalisé que j’avas accès à une armoire à provision bien garnie. Peu après cela, je me suis procuré une tente qui, plantée dans le jardin, est devenue mon dortoir jusqu’à ce qu’elle tombe en lambeaux trois ans plus tard.

Une grande araignée nocturne velue, de celles qui tissent des toiles, s’est rapidement mise à tisser sa toile devant la porte ouverte de la tente. Je me suis prise d’affection pour l’araignée que j’avais baptisée « Horace », sans me demander si c’était un mâle ou une femelle, car elle me protégeait à elle seule.

La plupart des membres de ma famille avait très peur d’Horace, je pouvais donc y rester jusqu’au matin si j’en avais le désir, sans risquer d’être interrompue tant qu’Horace tissait sa toile circulaire sur l’ouverture de ma tente. Oui, même à l’âge difficile qu’est la jeunesse, la vie avait son quota d’intérêts et de plaisirs. En dehors de mon propre monde intérieur, il y avait le dessin de petits animaux. J’ai toujours eu des hordes d’animaux de compagnie; des chats, des souris, des lézards, des cochons d’Inde, un opossum, un échidné, une chèvre, des tortues, des chiens, des crapauds et toutes sortes d’insectes furent parmi les créatures que j’ai ramenées à la maison. J’aimais aussi beaucoup lire et j’avais une passion pour tout ce qui est saugrenu ou fantastique, et ça n’a pas changé.

J’étais aussi fascinée par la zoologie et l’entomologie, que j’ai étudiées pendant quatre ans à la fois dans la vie et dans les manuels scolaires avec une attention beaucoup plus grande que pour toute autre matière scolaire. A 9 ou 10 ans j’aurais aussi pu répondre à un quiz sur les animaux préhistoriques avec de bonnes chances de gagner le jackpot. Vers cette époque, un ami de la famille a voulu m’inclure dans un groupe de scientifiques adultes qui se rendaient à la barrière de corail pour étudier la vie marine.

Le groupe dont mon protecteur était membre m’avait acceptée après avoir vu quelques unes de mes notes entomologiques, mais ma mère, pour une raison obscure, n’a pas voulu.

A côté de ces activités studieuses j’étais aussi co-leader (avec une autre petite fille) d’une bande de gamins turbulents avec qui nous faisions les 400 coups dans le quartier.

Pour être admis dans la bande il fallait pénétrer par effraction dans une maison étrange, et participer à une cérémonie macabre où l’on était marqué au fer rouge. Bien que les voisins exaspérés se soient plaints à la police locale des intrusions et des nuisances en générale, curieusement nous n’avons jamais rien dérobé à nos hôtes involontaires – sauf si le fait de libérer un groupe de pigeons mis en cage par le chef de gare de la ville puisse être considéré comme du vol. Ma motivation était une sympathie noblement désintéressée pour les pigeons qui, à mon grand dégoût, sont retournés en toute confiance à leur cage un ou deux jours plus tard.

Cet épisode me rappelle une histoire plus ancienne où, lorsque j’étais toute petite j’avais fait sortir les lapins angoras des voisins de leurs cages (non sans peine) et je les avais libérés dans un champ voisin. Dans mon esprit d’enfant j’avais la sensation vague qu’une cage n’était pas ce qu’il leur fallait.

Instinctivement la proximité et la sympathie avec des animaux - sauf pour la variété humaine font partie intégrante de ma personnalité, je déteste voir qu’on se conduit mal avec eux d’une façon ou d’une autre et la cruauté envers les animaux est l’une des rares choses qui fait littéralement voir rouge.

Cette réaction m’a causé beaucoup plus d’ennuis que j’aurais du en avoir au cours de toute ma vie, car je suis poussée à intervenir au nom des animaux, parfois avec les poings, les ongles, les dents ou d’autres armes. Mais mon sentiment n’est pas à sens unique, car la plupart des animaux, sauvages ou domestiques, m’accordent leur confiance, que ce soit un tigre semi-sauvage de cirque, qui n’acceptait pas que ses soigneurs s’approchent trop près de lui, à une grande anguille d’eau douce vivant dans un ruisseau à French’s Forest dans la banlieue de Sydney.

L’anguille était dans une eau peu profonde et me laissait la caresser du bout des doigts après deux ou trois visites où je lui avait offert de la viande de souris, mais elle était très méfiante vis-à-vis d’un ami à qui je l’avais montrée et il n’a jamais pu la toucher ou l’approcher alors que nous allions régulièrement lui rendre visite.

Pour le tigre, j’ai, par inadvertance, créé un petit chahut lors de ma première et dernière visite au cirque. Ayant échappé à la personne qui m’accompagnait, un préposé m’a retrouvée alors que je caressais le tigre qui s’était appuyé contre les barreaux largement espacés de sa cage, apparemment il aimait beaucoup mes caresses. (En passant, le tigre est un de mes porte-bonheur et lorsque j’étais étudiante en art on m’appelait Tiger). Toucher les petits animaux était quelque chose que je pouvais faire lorsque j’étais enfant, souvent cela surprenait les gens qui me harcelaient de questions pour savoir comment je faisais cela. En fait j’avais la capacité de faire que les papillons se posent sur mes mains aussi longtemps que je le voulais. On ne peut pas expliquer avec des mots comment je le faisais, j’utilisais une faculté intérieure particulière. Si je me souviens bien, les insectes devaient être au maximum à quelques mètres de moi et je devais pouvoir les voir.

Je ne sais pas si ça aurait aussi marché avec d’autres insectes volants. Cependant, comme je n’avais nullement le désir d’inciter les frelons, les guêpes et d’autres insectes du même genre à se poser sur moi, je n’ai jamais tenté l’expérience. A l’école j'étais impopulaire, en général la plupart de mes contemporains me considérait avec un mélange de dégoût, de dérision et de peur.

Mais, alors que j’étais encore à l’école primaire j’ai découvert une méthode très efficace de faire face à des manifestations hostiles. Il fallait juste regarder silencieusement et fixement l’adversaire du moment, suivre l’enfant toute la journée, deux jours, ou plus si nécessaire.

En persistant de la sorte l’enfant en question devenait hystérique, et une fois un élève a du quitter l’école car il s’est mis à souffrir d’un trouble nerveux.

Le mieux avec cette méthode c’était que si on me demandait ce que j’avais fait à la petite Peggy ou à Betty ou à Marjorie, je pouvais (et je le faisais) répondre en toute vérité : « Rien du tout. Je la regardais et elle s’est soudain mise à pleurer » - ce qui était généralement confirmé, entre autre, par la victime.

En dépit de ma mauvaise réputation, la plupart des enseignants m’aimait bien - en grande partie, je pense, parce que, à leur corps défendant, certaines de mes activités les amusaient.

Il y a eu, par exemple, la fois où on m’avait emmenée voir la pièce « Dracula » au Théâtre Royal, j’étais devenue une inconditionnelle de Dracula pendant des semaines. J’avais le béguin pour ma sinistre idole, un peu comme aujourd’hui les filles sont amoureuses d’Elvis le Pelvis ou de Marlon Brando.

J’avais engagé une troupe de quatre actrices, pas tout à fait volontaires, en les soudoyant, les menaçant et les persuadant. Nous jouions quotidiennement vers midi une version encore plus sanglante et étrange de la pièce (adaptée par moi-même). Notre théâtre était la grande salle située juste devant l’endroit où mangeaient les pensionnaires.

Je jouais le rôle-titre, drapée dans des chiffons pour essuyer le tableau noir et deux parapluies ouverts pour figurer les ailes, et très vite, les autres membres de la troupe se sont eux-aussi passionnés pour leur rôle. Le spectacle a été stoppé après la troisième représentation par une enseignante furieuse qui a dit que les cris « Donne-moi du sang à boire » et les hurlements empêchaient les pensionnaires de manger et qu’en outre ce genre de chose était morbide et devaient cesser.

L’idée d’une telle interruption au beau milieu de notre pièce fut un outrage à mon sens artistique, et ça ne pouvait être toléré - et puis, me souvenant qu’il y avait un fort vent toute la journée, j’ai eu une idée. En toute hâte j’ai rassemblé mes spectateurs et je leur ai dit d’attendre dehors, devant la fenêtre de la salle après l’école et qu’ils verraient « Les Adieux de Dracula » lors d’une performance très spéciale.

Et ils m’ont vu avec mes deux parapluies émergeants d’une fenêtre à 6 mètres de hauteur et – loin de m’envoler dramatiquement grâce à mes ailes je me suis écrasée lamentablement au sol pas du tout ce qu’aurait fait Dracula. « Bon, » je me suis dit tristement alors qu’on m’aidait à m’éloigner de la scène, « au moins c’était une performance extraordinaire ! »


Avec un calme étonnant celle qui confesse pratiquer les arts magiques a stupéfié ceux qui pensaient que le culte du « Dieu-Bouc » était mort et enterré


Les Sorcières ne Cherchent pas à Recruter

Cette histoire d’une sorcière par une sorcière a commencé la semaine dernière par le récit de l’enfance de Rosaleen Norton. Elle croit être est contact avec des forces hors de portée des croyances humaines normales. C'est son histoire sans addition ou soustraction.


A treize ans, j’ai été confirmée – comme sorcière

Bien que cela semble étrange aux mœurs de cette société et de ce siècle, c’est un fait, il y a des sorcières nées.

Certains pratiquent la sorcellerie - mais je n’ai encore jamais entendu parler de personne devenant sorcière, en dépit des rumeurs de covens qui tentent d’invoquer le « Dieu-Bouc ».

Je ne leur dirais qu’une chose, essayer cela ne serait qu’une bêtise, mais en plus cela ne pourrait qu’amener le trouble. Ceux qui s’y adonneraient parce qu’ils auraient été dupés ou contraints n’y récolteraient que nuisances. Le plus important est vraiment que ces gens là ne s’y essaient pas – surtout ceux qui ne cherchent qu’une excitation superficielle.

Si des gens comme ça s’en mêlent avec l’idée que les rituels magiques ne sont que des orgies sexuelles, ils ne feraient qu’entraver les opérations magiques ou pourraient même devenir hystériques suite à la peur résultant de ce qui se passe lors des rituels et des apparitions s’y produisant.

Une ambiance particulièrement chargée avec de telles forces a, en elle-même, souvent un effet particulier sur les personnes peu habituées à de telles choses.

Maintes et maintes fois j'ai eu des visiteurs devenant mal à l’aise et littéralement touchés par la « panique », parfois sans raison apparente, et, occasionnellement lors d’incidents habituels dans mon monde mais qui était pour eux inexplicables et « surnaturels ».

J’ai souvent remarqué que les sceptiques y sont très sensibles, et sont susceptibles de s’agiter et d’être bouleversés, lors d’événements qui sont acceptés calmement ou avec intérêt par les gens plus conscients psychiquement. A une époque je gardais une trace de ces événements et des réactions des personnes qui les avaient expérimentés. Cela sera évoqué plus tard dans mon récit.

Des gens ont parfois suggéré que certaines de mes actions étaient peut être motivées par une réaction vis-à-vis d’un milieu familial excessivement pieu ou strict.

Non, ce n’était pas le cas, j’ai grandi dans une famille de classe moyenne, pour qui la religion était plus une affaire de coutume que de convictions et notre présence sporadique à l’église était plus un signe de politesse qu’autre chose. Ce n’était donc pas pour cette raison que l’imagerie et les termes utilisés dans les religions normales ont suscité chez moi un sentiment de répulsion.

Je dois parfois encore calmer mon esprit par un acte de volonté avant de pouvoir discuter ou argumenter à ce sujet.

Un incident dans mon enfance pourrait aider à clarifier mon attitude à cette époque.

Je me souviens qu’une autre enfant m’avait dit à voix basse - nous n’avions que sept ou huit à l’époque - que de dire un mot précis à voix haute (elle me l’a épelé et ce n’était pas ce qu’on considère généralement comme un mot « obscène ») était un « péché impardonnable. » Cela me plaisait bien, ainsi totalement consciente de ce que je faisais, j’ai attendu la fin des cours pour prononcer le mot bien comme il faut.

Plus tard, je me suis rendue au centre de la pelouse derrière à la maison, j’ai pointé le doigt vers le ciel pour m’assurer une attention pour la communication bouleversante que j’étais sur le point de faire. J’ai dit : « Ecoute » (une pause), puis j’ai crié le mot et j’ai attendu que le ciel s’écroule.

Je me suis sentie à la fois soulagée et insultée quand il est devenu évident que l’univers refusait de chanceler - autant que, lorsque quelques années auparavant j’ai annoncé prétentieusement à ma mère : « Je sais tout », et elle, absorbée dans des travaux de couture, a répondu distraitement : « Ah bon ma chère ? »

Avant de poursuivre mon récit, je vais essayer d’expliquer une chose qui est restée fondamentalement immuable tout au long de mon enfance, mon adolescence et ma vie adulte, et je répondrai dans le même temps à certaines questions récurrentes qui m’ont été posées par différents types de personnes.

Pour commencer, je suis ce qu’un psychologue que je connais qualifie de « Psychique Inverti ». Ce qui désigne une personne dont la psychologie basique fonctionne naturellement de façons opposées à celles des personnes considérées comme normales.

(Même si, bien sûr, il n’y a pas de norme absolue en la matière, il y a des comportements et des réactions communes à la majorité des êtres humains, même s’ils diffèrent en fonction des types raciaux, des sociétés, etc...) Avec l’inversion, c’est comme si les éléments d’un composé chimique avaient été polarisés de façon opposée – ce qui aboutit dans les faits à une substance différente.

Psychologiquement et spirituellement au moins, les Psychiques Invertis sont d’une espèce différente et, je le sais grâce à une longue expérience, trouvent les pensées et les comportements des êtres humains normaux tout aussi étranges que ces derniers trouvent les nôtres.

Voilà un petit incident étrange lorsque j’étais à l’école qui symbolise parfaitement ma position puisqu’un exemple concret traduit généralement une idée plus facilement que toute explication théorique : je n’ai jamais été bonne en algèbre, j’étais si mauvaise que les professeurs de mathématiques me soupçonnaient d’être délibérément « stupide ».

Pourtant, lors d’un mémorable devoir sur table, j’ai résolu correctement un problème algébrique complexe - et j’étais la seule à être parvenue au bon résultat, mais comme j’avais raisonné dans l’autre sens il avait fallu deux étapes supplémentaires pour y arriver.

Je ne l’avais pas fait délibérément : Les symboles algébriques avaient apparemment été disposés en désordre et les replacer dans le bon ordre était censé être une partie du problème, mais mes connaissances générales de l’algèbre étaient si floues que je n’avais pas vu qu’ils n’étaient pas dans l’ordre.

L’effet que ça a eu sur le professeur fut très curieux, puisqu’ensuite elle m’a regardée avec un dégoût froid. Elle ne « pensait pas qu’il était possible », pour reprendre ses paroles que j’arrive à résoudre ce problème alors que je n’arrivais pas à résoudre des problèmes en comparaison très « faciles ». Elle était persuadée que je me moquais d’elle.

Selon elle, quelqu’un qui a les capacités mathématiques suffisantes pour résoudre ce problème devrait considérer les autres comme un véritable jeu d’enfant, je devais donc faire semblant d’être un cancre.

L’incident lui-même, comme je l’ai dit, symbolisait une réalité plus vaste et même dans certains domaines de l’occultisme (où existent des lois de la nature différentes) mon expérience semble s’opposer à celles des autres traditions connues.

Il y a quelques années par exemple, j’ai vécu une transe profonde qui a duré cinq jours. Peu de temps après j’ai rencontré un moine bouddhiste de Birmanie qui était un expert en ces domaines. Il sembla étonné quand je lui ai décrit le contenu de cette transe, et après m’avoir soigneusement interrogée sur le sujet, il a dit qu’il s’agissait sans aucun doute de ce que certains écoles bouddhistes appellent la « Transe de l’Annihilation. »


Paradoxe Occulte

Il s’agit de l’étape ultime d’un Cours de pratique ésotérique, et, selon lui, il était relativement rare qu’on y parvienne et ce n’était possible qu’après une longue série d’étapes intermédiaires.

Pourtant, à cette époque, je rencontrais des difficultés avec certains problèmes liés à l’occultisme alors que selon lui ils auraient facilement pu être gérés par la plupart des étudiants à un stade très précoce de leur formation. Il en est de même sur le plan mental : je peux « visualiser » des idées métaphysiques et abstraites dont on me dit que ce sont des concepts purement mathématiques, mais souvent les problèmes simples et concrets sont en dehors de ma portée.

Encore une fois, sur un plan plus terre à terre, rien ne pourrait me décider à tomber enceinte, l’idée même d’être enceinte m’a toujours répugnée, principalement parce que je pense que ce serait une atteinte à ma propre plénitude – ce qui est apparemment à l’opposé de ce que pense la plupart des femmes.

En matière de relations sociales, je suis souvent nerveuse mais de façon incongrue. Parler en public devant un auditoire apparemment sympathique me paralyse presque de peur, jusqu’à ce que certains auditeurs commencent à chahuter – et là je retrouve immédiatement confiance en moi.

Et ainsi de suite. . . Je pourrais continuer indéfiniment à donner de tels exemples.

Tout cela, cependant, m'amène aux questions posées précédemment. « Pourquoi aimez-vous les choses laides et grotesques - pourquoi ne pas dessiner des choses belles ? » « Si vous voyez le genre de choses que vous dessinez, est-ce que cela ne vous effraie pas ? »

La réponse est : je dessine ma propre conception de la beauté, qui, comme toute autre qualité (y compris l’obscénité, comme je l’ai déjà fait remarquer), se trouve dans l’œil du spectateur.


Les sorcières ne cherchent pas à recruter

Quant à « est ce que je suis effrayée par les choses que je vois ? » Non! Jamais! La plupart d’entre elles font autant partie de mon monde et me sont aussi familières que l’est une théière, et elles me sont tout autant nécessaires. Les débuts de l’adolescence éveillent souvent à la fois les besoins religieux et sexuels et il en fut de même pour moi. Avant, depuis quelque temps, j’avais été constamment consciente d’un monde dans lequel se déplaçaient de vastes pouvoirs mystérieux, je sentais des présences démoniaques joyeuses et des atmosphères familières envoûtantes, élusives mais puissantes et irrésistibles, quand tout autour de moi semblait changer d’orientation comme les motifs vus dans un kaléidoscope.

Si le Royaume de Pan a toujours été avec moi, c’était surtout en arrière-plan, recouvert par ce qu’on appelle la réalité : Là il avait commencé à émerger et envahir le monde qualifié de réel.

Je suis devenue de plus en plus consciente que le monde pénible de l’enfance n’avait pas vraiment d’importance, car il contenait l’essence de tout ce qui en appelait à mon être intime : La nuit, les choses sauvages et le mystère ; la tempête; être par moi-même libre par rapport aux autres. Le sens d’une certaine connaissance profonde cachée au fond de la conscience. Tout en moi avait le sentiment d’une vie sensible secrète, en alliance avec moi, mais dont les autres n’avaient pas conscience ou en étaient effrayée car ce n’était pas humain.

Ainsi, mon premier acte de la magie cérémonielle fut en l’honneur du dieu cornu, dont la flute est un symbole de magie et de mystère et dont les cornes et les sabots représentent les énergies naturelles et la liberté. Ce rite fut aussi mon serment d’allégeance et ma confirmation comme sorcière.

Je me souviens très bien de mes sentiments à cette occasion et ils sont toujours valables aujourd’hui : si Pan est le « diable » (et le joyeux dieu-bouc l’est probablement, d’un point de vue strictement orthodoxe) alors que je suis en effet une adoratrice du « diable ».

A l’Ecole la Sorcière n’était pas bonne Elève


Les exorcistes renvoient les démons, tout le monde le sait, mais qui peut renvoyer les sorcières?

Rosaleen répond : « Les directrices d’écoles ! »

Je suis régulièrement surprise de la mise en avant fantastique et disproportionnée de l’aspect « sexe » de mon travail.

Cette disproportion montre que mes dessins suscitent quelque chose de profond dans l’inconscient racial.

Une vie, à mon avis, forme un motif abstrait « dans la ronde » - un peu comme une symphonie musicale où il y a des thèmes, des variations, des contrepoints, de l’harmonie, et une dissonance, parfois délibérée.

Un tel thème récurrent dans ma propre vie s’exprime dans l’expression « influence corruptrice » qu’on a appliquée à moi-même et à mes dessins. Elle a été utilisée pour la première fois à mon encontre lorsque j’avais 14 ans et qu’on m’avait tranquillement expulsée de l’école pour - oui, vous l’avez deviné – pour avoir fait dessiné ce que la directrice d’école considérait comme des « dessins sales ».

Je m’en souviens clairement. L’un représentait la « Danse Macabre, » de Saint-Saëns, on y voyait un rassemblement de vampires, de goules, de loups-garous et toute sorte d’horreurs grotesques que je pouvais dessiner. Je les qualifiais de Noctules, Ils étaient dans une grande grotte souterraine. Je l’avais gardé en souvenir jusqu’à tout récemment.

L’autre représentait également une fête, mais d’un type plus joyeux – il y avait des satyres, des sylvains et d’autres membres du monde de féérie faisant la fête dans une forêt au clair de lune.

Ce dessin a disparu de mon bureau en compagnie d’un exemplaire de « A l’Ouest, Rien de Nouveau », un roman de guerre considéré à l’époque comme « dur » et que j’avais lu en cachette.

Ces goûts, selon la directrice, dans une note adressée à ma mère, indiquaient « Une nature dépravée, qui pourrait corrompre l’innocence (!) des autres filles si je restais à l’école. »

Rétrospectivement, il me semble que « l'innocence » (ou « l’ignorance », qui pour elle étaient apparemment synonymes) était ce qu’elle considérait comme le plus important dans l’esprit de l’adolescente normale.

Le même problème est à nouveau apparu quatre ou cinq ans plus tard, quand un night club de Bohème, « Les 49 Marches », a été perquisitionné par la police et plusieurs peintures, dont certaines de moi, ont été saisies par la police pour « indécence ». (Le plus amusant c’est que, l’unique toile pouvant être jugée indécente d’un point de vue légal a été laissée accrochée au mur – le dessin avait été fait par un autre membre du club).

Une des peintures saisies (la mienne) montrait une fille dansant au clair de lune avec une panthère noire - et il y avait un autre problème : à chaque fois que cette panthère apparaît dans une peinture, il y a automatiquement une action officielle d’une sorte ou d’une autre contre elle.

Lors de cette première occasion il n’y a pas eu de poursuites: Le « Smith’s Weekly » (qui comme « Les 49 Marches », n’existe plus maintenant) a pris fait et cause pour nous avec un tel enthousiasme que les peintures ont finalement été rendues - un événement que j’ai tellement célébré que j’ai failli être arrêtée.

Je m’étais confectionné un costume pour une fête costumée au club; une robe (enfin ce qui en restait) où étaient fixées des caricatures des ces peintures avec les mots « Images Obscènes » sur une ceinture encerclant ma taille et un fez fait maison pour faire penser à Port-Saïd (dont on disait que c’était la capitale de la pornographie et des petites « divas »)

Sur le chemin du club cette tenue plutôt étonnante a attiré l’attention d’un agent de police et j’ai dû beaucoup parlementer avant le convaincre que cette tenue était beaucoup plus adaptée à un night club qu’à une cellule du poste de police.


Pan est-il le Diable ?

Depuis cette époque, un refrain de deux phrases a été répété avec une régularité monotone, venant d’officiels ou d’autres personnes, comme une sorte de chœur grec, « images obscènes » et « influence corruptrice ».

Mais, comme il n’est pas possible d’extirper les idées fausses au sujet de mes peintures dans l’espace limité dont je dispose ici, il vaut mieux attendre pour cela une dissertation ultérieure.

Dans le chapitre précédent, j’ai parlé de mon rituel premier à Pan, ce qui a soulevé un point qui peut être précisé ici. On m’a souvent demandé : « Qu’est-ce que Pan ? ». « Est-il le diable ? »

Bien sur, je ne peux donner ici qu’un vague aperçu dans ma réponse, détailler le sujet remplirait plusieurs livres, mais elle donnera l’idée générale - et, incidemment, ma réponse n’est pas une tentative « pour convertir les âmes ». Ce qui suit résume quelques-unes de mes croyances, et, franchement, je ne m’inquiète pas de savoir si quelqu’un les partage ou non, (les représentations erronées sont les seules choses contre lesquelles je ne me sois jamais opposée. Comment peut-on être en accord ou en désaccord avec une idée si on n’en a pas une idée non déformée ?

Des théories occultes affirment que les étoiles et les planètes sont les corps d’êtres éminents, ce que je pense également. Je pense que le Dieu Pan est l’esprit dont le corps - ou ce qui peut en être vu dans ces quatre dimensions (la quatrième étant le temps) - est la planète terre et il est donc, dans un sens très réel, le maître et le dieu de ce monde.

C’est peut-être pour cette raison qu’il a été nommé « Pan » ce qui en grec signifie « Tout », car il est la totalité de la vie, les éléments et les formes de vie – organiques, inorganiques et autres, comprenant la planète dans son ensemble, tout comme le corps d’un animal est un ensemble de myriades de cellules, de bactéries, etc., où toutes ces vies et fonctions ont leurs propres formes « d’intelligence » et de perception selon leur type.

Un tel corps serait le « monde » pour chacun de ses micro-organismes et la conscience du propriétaire du corps existerait dans un autre « monde » et sur un plan différent du leur.

Si un homme pouvait communiquer avec l’une des cellules de son corps sur son propre plan, elles percevraient leurs « dieu » dans des termes adaptés à leur compréhension.

En le voyant comme il se voit lui-même, c’est à dire comme un homme, la conscience cellulaire devrait s’unir à lui et « devenir » celle de l’homme, dans un monde en dehors de tout ce qu’elles peuvent concevoir en fonction de toute leur expérience. Bien sûr, ce n’est là qu’un parallèle et il ne faudrait pas que l’on considère cet exemple comme totalement exact. Un dieu est une forme de vie très différente, impliquant d’autres lois et dimensions, et pourrait, autant que je sache, se manifester simultanément dans plusieurs endroits et formes à ceux qui forment une partie de lui, ou aux autres, sans déranger les plans de ses consciences multiples et activités en d’autres lieux.


Forces contre l’humanité !

En portant l’analogie plus loin, un corps animal reste en bonne santé, car une guerre perpétuelle entre les différents types de micro-organismes se déroule en lui et maintient l’équilibre de l’ensemble. La même chose s’applique dans la soi-disant « Guerre de la Nature », et si une des espèces disparait, ce que cause l’humanité en bouleversant l’équilibre en éliminant un trop grand nombre de ses ennemis naturels (ou pour toute autre raison), les Forces intelligentes régissant l’équilibre planétaire doivent utiliser d’autres méthodes pour restaurer l’équilibre - tels que les cataclysmes, les guerres et de nouvelles maladies sur le plan physique, et d’autres forces subtiles sur les plans mentaux et autres, selon l’endroit d’où semble venir le déséquilibre. Le cancer n’est qu’une prolifération de cellules en bonne santé au-delà de leurs limites légitimes et s’il fallait se placer du point de vue de ces cellules et ignorer le corps dans son ensemble, toutes mesures contre ces cellules venant d’autres forces du corps sembleraient hostiles. Il en est de même pour ceux qui ne s’identifient qu’à la race humaine et considèrent que c’est la seule forme de vie importante, spirituellement ou physiquement.

On pourrait à juste titre considérer cet aspect de Pan comme « l’Ennemi », et en tant que tel penser que c’est le diable, surtout s’il n’est personnifié que comme la puissance derrière ceux qui peuvent causer des catastrophes de grandes ampleurs et entraver de certaines façons la bénédiction douteuse qu’est le « progrès humain ».

Si, en outre, les moteurs humains que sont la cruauté, l’envie, la malice, ou la tyrannie destructrice sont projetés sur lui, il en résulte une représentation très juste du diable conventionnel.

C’est en partie ce que je voulais dire en disant que l’homme crée le diable à sa propre image : en général un bouc émissaire très pratique pour ses propres insuffisances.

Selon d’autres traditions occultes, dont la Théosophie, les affaires de cette planète sont guidées par un Etre de la planète Vénus, qui est connu sur Terre sous l’appellation de « Roi ou Prince de ce monde. »

Cela n’invalide en aucune mesure Pan comme dieu de la terre, puisque les activités et les affaires au sein de ce système - sur la planète dirions nous - sont régies par une hiérarchie invisible d’êtres mineurs, d’esprits, d’adeptes, etc. dirigées par un régent, qui pourrait très bien être originaire de Vénus, en particulier en tant que représentant des autres dieux qui existeraient sous une forme ou une autre sur chaque planète.

Nous appelons Vénus l’étoile du soir, mais elle est aussi l’étoile du matin, et pour les anciens elle était à ce titre Lucifer, le « Porteur de Lumière », qui annonçait l’aube. Le représentant du dieu vénusien sur terre était connu par l’un des noms que nous lui donnions (à lui ou elle car les dieux sont asexués tout en étant multi-sexués), d’où « Lucifer, Prince de ce Monde ».

Cette brève esquisse, comme je l’ai dit, ne donne qu’une indication de ce qui en soi n’est qu’une partie d’un système beaucoup plus complexe, mais je vais m’arrêter là pour le moment.


Selon la légende, les sorcières chevauchent des balais. Mais Rosaleen, la Sorcière de King’s Cross a voyagé en se cachant dans un train de marchandises.

Dans ce numéro du Post Mlle Norton conclut l’histoire de sa vie.


La Sorcière qui fait de l’auto-stop

Au East Sydney Technical College on a continué à me faire les reproches qu’on m’a toujours faits – il y a même eu deux enseignants qui ont suggéré que je sois expulsée car j’aurais eu une influence démoralisatrice. Ils basaient leurs objections sur le sujet de mes dessins.

Mais feu Rayner Haff, qui était alors à la tête de l’Ecole d’Art, croyait qu’une imagination vive et débridée était nécessaire au développement artistique.

Il m’a libérée des obligations scolaires et m’a laissée me concentrer sur le dessin d’après modele vivant et sur la composition. Comme pour la première fois j’étais encouragée à travailler en permanence ma forme d’art personnelle je suis devenue une élève exemplaire.

Puis j’ai obtenu un emploi en tant que jeune artiste au « Smith's Weekly » (un journal qui n’existe plus aujourd’hui et qui avait déjà publié quelques histoires étranges que j’avais écrites lorsque j’avais 15 ans). Juste avant de rejoindre le « Smith’s » j’ai été reconnue comme la première femme Australienne à dessiner sur les trottoirs. J’avais besoin d’un peu d’argent, j’ai eu cette idée toute seule – et mon premier gain fut de 17$ et un penny (ce qui à l’époque était une petite fortune).

Le travail au Smith’s Weekly n’a pas duré très longtemps. Surtout à cause des filles séduisantes et insipides que j’étais censée dessiner pour illustrer de façon cauchemardesque le journal. Je n’étais pas fâchée de quitter le journal parce que mon œil commençait à trouver pervers les vampires, les harpies et les diablesses que je dessinais en les faisant ressembler à des pin-up.

Lorsque j’ai projeté de quitter le domicile de mes parents, la seule chose que j’avais oubliée c’était l’argent. A la gare, je n’avais pas d’argent, j’ai réalisé que je n’avais pas un centime. Je ne pouvais pas marcher jusqu’en ville avec deux lourdes valises. J’ai réussi à emprunter un peu d’argent à la bibliothécaire locale. Ce fut pour moi un véritable triomphe et j’ai eu la possibilité de prendre le train – jusqu’à la ville.

Je devais ensuite trouver de l’argent pour payer une chambre. J’ai laissé mes valises à la gare et j’ai téléphoné à plusieurs studios artistiques pour me proposer comme modèle. J’étais un bon modèle, non pas à cause de mes courbes, qui étaient et sont toujours surtout notables par leur absence, mais étant moi-même une artiste, je savais quelles étaient les meilleures poses pour un dessinateur. Il y avait beaucoup de travail, mais toujours pour deux ou trois jours plus tard.

En rencontrant mon petit ami, j’ai appris qu’il avait lui aussi perdu son travail. Mais nous avions tout de même assez d’argent pour prendre une toute petite chambre à bon marché dans un fabuleux vieux bâtiment sur Gloucester street – au Ship and Mermaid Inn, le premier pub de Sydney qui est devenu plus tard un repaire d’artistes, d’écrivains, de musiciens et d’ivrognes.

Et c’est ainsi qu’a commencé une vie où le monde extérieur se mélangeait avec le monde intérieur. La bohême de Sydney était (et est toujours) souvent plus fantastique que le Paris décrit par Henri Murger, toutes sortes de peintres, poètes, écrivains, etc., hommes et femmes, miséreux, talentueux, et époux bigames des Arts et de l’alcool arrivaient et s’en allaient.

Les chambres et les studios avait des limites élastiques - on pouvait arriver chez soi et trouver quelqu’un qui travaillait comme un fou ou qu’une fête avait lieu - des dessins étranges, des bagages, des bouteilles ou des corps par terre, parfois en train de se battre ou de se bécoter de bon cœur et l’on devait faire du bruit pour être remarqué ou encore être contraint d’aller envahir à son tour le logement de quelqu’un d’autre.

Puis il y a eu une vie proche de la clochardisation, plusieurs voyages dont le plus long, juste avant la guerre, nous a menés, moi et mon ex-mari à Melbourne, puis à Cairns, où nous avons passé une grande partie de la saison des pluies. J’ai appris à monter à bord des trains de marchandises en marche. C’était une nécessité car en été il était techniquement parlant impossible d’aller par la route de Brisbane à Cairns. Nous avons voyagé en trains de marchandises, car dans le Queensland il était assez facile d’y monter, car ils sont plus petits que ceux de la New South Wales Rail. J’ai parlé de schéma de vie comme des motifs récurrents. Les épisodes suivants montrent le fonctionnement d’un autre type de schéma et j’invite tous ceux qui voient partout des coïncidences à y réfléchir.

Lorsqu’avec Gavin Greenlees et moi sommes allés en stop à Melbourne, c’était dans le but de trouver une galerie pour exposer mon travail.

Nous étions tous les deux complètement fauchés, sans aucune perspective apparente de gagner de l’argent.

Ce n’est qu’en arrivant à proximité de Melbourne quelques jours plus tard que tout à coup nous avons réalisé tous les deux que nous avions perdu contact avec tous ceux que nous connaissions là-bas. Il nous fallait au moins un contact, quelqu’un qui pourrait nous aider à trouver un lit pour dormir temporairement, etc.

Je me suis souvenue d’un étudiant de l’Université de Melbourne qui m’avait une fois rendu visite. Il m’avait dit de passer le voir si jamais je passais à Melbourne - mais quel était son nom? Je me souvenais seulement qu’on l’appelait « John » (ce qui n’est d’ailleurs pas son vrai nom) et dire à Gav de rechercher un étudiant appelé John c’était comme partir à la recherche de la proverbiale aiguille dans une botte de foin. Puis, à mon grand étonnement, Gavin a dit : « Est-ce que ce ne serait pas John Bolton, par hasard ? » C’était bien son nom, je me souvenais de quelque chose ressemblant à Borton, mais comment Gavin pouvait-il le savoir ? Soupçonnant une forme inattendue de perception extrasensorielle, je lui ai posé la question. « J’ai entendu Pierre parler de John Bolton. » a-t-il répondu. (Pierre était un étudiant que Gavin avait contacté deux ans avant de me rencontrer.) Est-ce que par hasard Pierre était toujours étudiant ? Nous nous sommes dirigés vers l’Université et nous l’avons finalement trouvé.

Voilà ce qui s’est passé ensuite : Oui, c’était le même « John Bolton » qui s’est révélé être un génie de l’organisation. Il nous a trouvé où dormir et il est devenu directeur général de l’ensemble du projet. A l’Université il a obtenu la Bibliothèque Rowden-White pour servir de salle d’exposition, il a avancé l’argent pour la majorité des dépenses, il a agi (très efficacement) comme agent publicitaire, et a en définitive travaillé comme un fou jusqu’à ce que je n’aie plus qu’à aller chercher mes œuvres à Sydney.

Nous sommes donc repartis vers Sydney. A cette époque (c’était la fin de l’automne 1949), il y avait des inondations sur toute la côte de la Nouvelle Galles du Sud et consternés nous avons rapidement constaté que le pont de Camden Vale était inondé depuis près d’une semaine et le trafic était bloqué des deux côtés du pont sur des kilomètres. Et nous devions être de retour à Melbourne bien avant le jour de l’inauguration. En arrivant dans la zone de Camden, le déluge a aimablement cessé pendant environ 24 heures, juste assez pour laisser passer les voitures, dont nous, sur le pont, après quoi il a à nouveau été recouvert par l’eau pendant une quinzaine de jours, mais cela n’avait pas d’importance pour nous, car nous allions retourner à Melbourne en train.

Le reste de l’histoire est bien connu – il y a eu des poursuites judiciaires, un procès, notre acquittement et une exposition qui a été rentable à plus d’un titre. Ce qui est peut-être généralement moins connu, c’est que le procès a été le premier succès dans son genre dans l’Etat de Victoria (grâce au talent de notre avocat).

Toutes sortes de faits étonnants se sont déroulés il y a quelques années lors de la production d’un livre d’art et de poésie - même le papier sur lequel il a été imprimé, est devenu disponible par une autre « coïncidence », exactement lorsque l’imprimeur en a eu besoin.

Tant de choses ont été écrites au sujet de mes expériences d’auto-hypnose et de pratiques analogues, je ne m’étendrai donc pas plus ici sur ce sujet.

J’ai été associée de façon si persistante au mot « obscénité », que je pense qu’il faut que je cesse de parler de ce genre de choses.

Il y a tellement de choses qui pourraient être essentielles à cette histoire à raconter ici: Les contacts avec toutes sortes d’occultistes au cours des années, les sorts avec leurs effets parfois inattendus, les manifestations magiques et autres, les expériences artistiques, les phénomènes psychologiques et les forces psychosomatiques peu connues, les esprits élémentaires et assimilés (y compris ceux qu’on qualifie de « Puissances de l’Air »), la vie ou les aspects dignes de l’opéra-comique et une centaine d’autres sujets, mais l’espace à ma disposition est limité.