Le problème de la garde de l'épée cypriote
La Société Préhistorique Française a été fondée en 1904. Elle est donc une des plus anciennes société d’Archéologie. Elle a été reconnue d’utilité publique en 1910. Elle a obtenu le Grand Prix de l’Archéologie en 1982.
En 1937, dans un de ses bulletins la SPF publie un article signé par G.B. Gardner sur le problème de la Garde de l'Epée Cypriote.
Le problème de l'épée cypriote
Bulletin de la Société Préhistorique Française
Gerald Gardner
La forme caractéristique de l'épée cypriote en bronze est celle d'une feuille de saule. Elle a une nervure en saillie très accentuée et une soie arrondie, recourbée à l'extrémité, soit en un simple crochet ou nœud (figure 1, n°1), soit fondue avec un bouton (figure 1, n°2).
A en juger par la forme des lames, on peut supposer que ces épées n'étaient employées qu'en qualité d'arme de pointe presque exclusivement. Les poignées étaient probablement pourvues d'un renflement en vue d'empêcher la main de glisser le long de la lame et de se couper quand l'arme rencontrait un corps dur, comme par exemple un os. Il est hors de doute que la poitnée elle-même était longue pour que l'épée pût à coup sûr être complètement arrachée au cas où elle se trouverait coincée entre deux os, par exemple. Cela devait être d'autant plus nécessaire que, avec une arme aussi courte, la main pouvait s'ensanglanter après la première atteinte heureuse.
On pourrait penser que la soie était longue, elle devait être tout simplement introduite dans un trou pratiqué dans la longueur de la poignée, l'extrémité étant recourbée de façon à la maintenir en position. Plusieurs auteurs estiment que tel était le cas en dépit du fait que les soies (dont la longueur moyenne n'est que de 0m07) sont presque toujours trop courtes pour donner une prise suffisante pour la manipulation d'une arme si lourde.
Dans quelques armes, employées comme arme de pointe (tel le kris malais), la soie est tout simplement insérée dans la garde et assujettie avec du ciment.
Cependant, la lame de ces armes est relativement très légère en comparaison avec celle des épées cypriotes, et le type de la deuxième illustration, avec son extrémité à bouton forgé, prouve que ce procédé d'assujettissement n'était pas employé ; de plus, on n'a jamais trouvé la moindre trace de ciment sur les soies des armes provenant de Chypre. Une autre opinion répandue est que la soie était assujettie dans la poignée au moyen d'un rivet de cuivre traversant la poignée et le crochet. Cependant, un examen du crochet lui-même montre qu'il ne se prêtait pas à cet usage ; d'ailleurs, on n'a jamais découvert aucun rivet de ce genre et lorsque des poignards retrouvés dans les mêmes tombes sont à rivets, ces derniers sont presque toujours présents. On a également suggéré que la poignée était fendue et que les sections étaient liées ensemble. Bien que cela soit possible, on pense néanmoins qu'une telle ligature devait être faible à moins que la poignée ne fût cerclée de bagues métalliques. Quant à cette opinion, on ne peut affirmer que nulle ligature de ce genre n'a jamais été découverte. Nous pouvons donc conclure que ces lames étaient assujetties à leurs poignées d'une manière spéciale, sans rivets, bagues ou ciment.
Il existe au Musée de Nicosie plusieurs modèles en argile de ces épées et de leurs fourreaux. (Fig 2). En les examinant on a découvert qu'elles étaient munies d'un renflement ou garde et d'une bonne poignée pour le retrait de l'arme. La poignée semblait descendre sur la lame jusqu'au dessous de la garde, et être ligaturée autour d'elle, sans doute au moyen d'une lanière de cuir. Il n'y avait pas l'ombre d'une ligature sur la partie supérieure de la poignée, où elle devait se trouver si cette dernière se composait de deux ou trois pièces. Au lieu de cela, il existait ce qui semblait être une grosse cheville traversant le manche de bout en bout.
Ayant fabriqué une poignée expérimentale (Pl. I et II), je découvris qu'en pratiquant un trou pour la soie légèrement de biais et un autre trou à travers la poignée à l'endroit où un tel trou semblait indiqué dans le modèle en argile, je pouvais, par ce second trou, pratiquer une échancrure pour saisir le crochet. Le crochet de la soie pouvait aisément être assujetti dans la poignée en l'engageant dans cette échancrure. Des coins en bois flexible insérés par le trou transversal l'assujettissaient parfaitement. Quand le trou était à son tour fermé au moyen d'une cheville qui serrait le tout en position, je découvris que le seul moyen d'enlever la lame était de fendre la poignée. (Fig. 1, n°3 et 4).
Soit dit en passant, comme le montre la forme des modèles en argile (lesquels appartiennent à la même époque que les épées), une lame d'épée de cette espèce devait passer facilement entre les côtes, à la condition que la lame fut tenue horizontalement et non verticalement comme cela se fait pour les épées de taille.
Je dois, en terminant, remercier M. A.D. Lacaille, du Wellcome Historical Medical Musem, à Londres, qui a bien voulu m'aider à revoir ce mémoire.