« L'Après-midi d'un faune (poème) » : différence entre les versions
(Page créée avec « '''Le Faune''' Ces nymphes, je les veux perpétuer. -Si clair, Leur incarnat léger, qu'il voltige dans l'air Assoupi de sommeils touf... ») |
Aucun résumé des modifications |
||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
''' | '''LE FAUNE''' | ||
Ces nymphes, je les veux perpétuer. | Ces nymphes, je les veux perpétuer. | ||
Si clair, | |||
Leur incarnat léger, | Leur incarnat léger, qu’il voltige dans l’air | ||
Assoupi de sommeils touffus. | Assoupi de sommeils touffus. | ||
Mon doute, amas de nuit ancienne, | |||
Aimai-je un rêve ? | |||
Mon doute, amas de nuit ancienne, s’achève | |||
En maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais | En maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais | ||
Bois | Bois mêmes, prouve, hélas ! que bien seul je m’offrais | ||
Pour triomphe la faute idéale de roses | Pour triomphe la faute idéale de roses — | ||
Réfléchissons… | |||
ou si les femmes dont tu gloses | |||
Figurent un souhait de tes sens fabuleux ! | Figurent un souhait de tes sens fabuleux ! | ||
Faune, | Faune, l’illusion s’échappe des yeux bleus | ||
Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste : | Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste : | ||
Mais, | Mais, l’autre tout soupirs, dis-tu qu’elle contraste | ||
Comme brise du jour chaude dans ta toison ? | Comme brise du jour chaude dans ta toison ? | ||
Que non! par | Que non ! par l’immobile et lasse pamoison | ||
Suffoquant de chaleurs le matin frais | Suffoquant de chaleurs le matin frais s’il lutte, | ||
Ne murmure point | Ne murmure point d’eau que ne verse ma flûte | ||
Au bosquet arrosé | Au bosquet arrosé d’accords ; et le seul vent | ||
Hors des deux tuyaux prompt à | Hors des deux tuyaux prompt à s’exhaler avant | ||
Qu’il disperse le son dans une pluie aride, | |||
C’est, à l’horizon pas remué d’une ride, | |||
Le visible et serein souffle artificiel | Le visible et serein souffle artificiel | ||
De | De l’inspiration, qui regagne le ciel. | ||
Ô bords siciliens d’un calme marécage | |||
Qu’à l’envi des soleils ma vanité saccage, | |||
Tacites sous les fleurs d’étincelles, CONTEZ | |||
» Par le talent; quand, sur | » Que je coupais ici les creux roseaux domptés | ||
» Par le talent ; quand, sur l’or glauque de lointaines | |||
» Verdures dédiant leur vigne à des fontaines, | » Verdures dédiant leur vigne à des fontaines, | ||
» Ondoie une blancheur animale au repos : | » Ondoie une blancheur animale au repos : | ||
» Et | » Et qu’au prélude lent où naissent les pipeaux, | ||
» Ce vol de cygnes, non! de naïades se sauve | » Ce vol de cygnes, non ! de naïades se sauve | ||
» Ou | » Ou plonge… | ||
Inerte, tout brûle dans l’heure fauve | |||
Sans marquer par quel art ensemble détala | Sans marquer par quel art ensemble détala | ||
Trop | Trop d’hymen souhaité de qui cherche le la : | ||
Alors | Alors m’éveillerais-je à la ferveur première, | ||
Droit et seul, sous un flot antique de lumière, | Droit et seul, sous un flot antique de lumière, | ||
Lys! et | Lys ! et l’un de vous tous pour l’ingénuité. | ||
Autre que ce doux rien par leur lèvre ébruité, | Autre que ce doux rien par leur lèvre ébruité, | ||
Ligne 49 : | Ligne 55 : | ||
Mon sein, vierge de preuve, atteste une morsure | Mon sein, vierge de preuve, atteste une morsure | ||
Mystérieuse, due à quelque auguste dent ; | Mystérieuse, due à quelque auguste dent ; | ||
Mais, bast! arcane tel élut pour confident | Mais, bast ! arcane tel élut pour confident | ||
Le jonc vaste et jumeau dont sous | Le jonc vaste et jumeau dont sous l’azur on joue : | ||
Qui, détournant à soi le trouble de la joue, | Qui, détournant à soi le trouble de la joue, | ||
Rêve, | Rêve, en un long solo, que nous amusions | ||
La beauté | La beauté d’alentour par des confusions | ||
Fausses entre elle-même et notre chant crédule ; | Fausses entre elle-même et notre chant crédule ; | ||
Et de faire aussi haut que | Et de faire aussi haut que l’amour se module | ||
Évanouir du songe ordinaire de dos | Évanouir du songe ordinaire de dos | ||
Ou de flanc pur suivis avec mes regards clos, | Ou de flanc pur suivis avec mes regards clos, | ||
Une sonore, vaine et monotone ligne. | Une sonore, vaine et monotone ligne. | ||
Tâche donc, instrument des fuites, ô maligne | Tâche donc, instrument des fuites, ô maligne | ||
Syrinx, de refleurir aux lacs où tu | Syrinx, de refleurir aux lacs où tu m’attends ! | ||
Moi, de ma rumeur fier, je vais parler longtemps | Moi, de ma rumeur fier, je vais parler longtemps | ||
Des déesses; et par | Des déesses ; et, par d’idolâtres peintures, | ||
À leur ombre enlever encore des ceintures : | À leur ombre enlever encore des ceintures : | ||
Ainsi, quand des raisins | Ainsi, quand des raisins j’ai sucé la clarté, | ||
Pour bannir un regret par ma feinte écarté, | Pour bannir un regret par ma feinte écarté, | ||
Rieur, | Rieur, j’élève au ciel d’été la grappe vide | ||
Et, soufflant dans ses peaux lumineuses, avide | Et, soufflant dans ses peaux lumineuses, avide | ||
D’ivresse, jusqu’au soir je regarde au travers. | |||
Ô nymphes, regonflons des souvenirs divers. | |||
» Mon œil, trouant les joncs, dardait chaque encolure | |||
» Immortelle, qui noie en | » Immortelle, qui noie en l’onde sa brûlure | ||
» Avec un cri de rage au ciel de la forêt ; | » Avec un cri de rage au ciel de la forêt ; | ||
» Et le splendide bain de cheveux disparaît | » Et le splendide bain de cheveux disparaît | ||
» Dans les clartés et les frissons, ô pierreries ! | » Dans les clartés et les frissons, ô pierreries ! | ||
» | » J’accours ; quand, à mes pieds, s’entrejoignent (meurtries | ||
» De la langueur goûtée à ce mal | » De la langueur goûtée à ce mal d’être deux) | ||
» Des dormeuses parmi leurs seuls bras | » Des dormeuses parmi leurs seuls bras hazardeux : | ||
» Je les ravis, sans les désenlacer, et vole | » Je les ravis, sans les désenlacer, et vole | ||
» À ce massif, haï par | » À ce massif, haï par l’ombrage frivole, | ||
» De roses tarissant tout parfum au soleil, | » De roses tarissant tout parfum au soleil, | ||
» Où notre ébat au jour consumé soit pareil. | » Où notre ébat au jour consumé soit pareil. | ||
Je | Je t’adore, courroux des vierges, ô délice | ||
Farouche du sacré fardeau nu qui se glisse | Farouche du sacré fardeau nu qui se glisse | ||
Pour fuir ma lèvre en feu buvant, comme un éclair | Pour fuir ma lèvre en feu buvant, comme un éclair | ||
Tressaille ! la frayeur secrète de la chair : | Tressaille ! la frayeur secrète de la chair : | ||
Des pieds de | Des pieds de l’inhumaine au cœur de la timide | ||
Que délaisse à la fois une innocence, humide | |||
De larmes folles ou de moins tristes vapeurs. | De larmes folles ou de moins tristes vapeurs. | ||
» Mon crime, c’est d’avoir, gai de vaincre ces peurs | |||
» Traîtresses, divisé la touffe échevelée | » Traîtresses, divisé la touffe échevelée | ||
» De baisers que les dieux gardaient si bien mêlée | » De baisers que les dieux gardaient si bien mêlée ; | ||
» Car, à peine | » Car, à peine j’allais cacher un rire ardent | ||
» Sous les replis heureux | » Sous les replis heureux d’une seule (gardant | ||
» Par un doigt simple, afin que sa candeur de plume | » Par un doigt simple, afin que sa candeur de plume | ||
» Se teignît à | » Se teignît à l’émoi de sa sœur qui s’allume, | ||
» La petite, naïve et ne rougissant pas :) | » La petite, naïve et ne rougissant pas :) | ||
» Que de mes bras, défaits par de vagues trépas, | » Que de mes bras, défaits par de vagues trépas, | ||
» Cette proie, à jamais ingrate se délivre | » Cette proie, à jamais ingrate, se délivre | ||
» Sans pitié du sanglot dont | » Sans pitié du sanglot dont j’étais encore ivre. | ||
Tant pis ! vers le bonheur | Tant pis ! vers le bonheur d’autres m’entraîneront | ||
Par leur tresse nouée aux cornes de mon front : | Par leur tresse nouée aux cornes de mon front : | ||
Tu sais, ma passion, que, pourpre et déjà mûre, | Tu sais, ma passion, que, pourpre et déjà mûre, | ||
Chaque grenade éclate et | Chaque grenade éclate et d’abeilles murmure ; | ||
Et notre sang, épris de qui le va saisir, | Et notre sang, épris de qui le va saisir, | ||
Coule pour tout | Coule pour tout l’essaim éternel du désir. | ||
À | À l’heure où ce bois d’or et de cendres se teinte | ||
Une fête | Une fête s’exalte en la feuillée éteinte : | ||
Etna ! | Etna ! c’est parmi toi visité de Vénus | ||
Sur ta lave posant | Sur ta lave posant ses talons ingénus, | ||
Quand tonne | Quand tonne un somme triste ou s’épuise la flamme. | ||
Je tiens la reine ! | Je tiens la reine ! | ||
Ô sûr châtiment… | |||
De paroles vacante et ce corps | |||
Non, mais l’âme | |||
De paroles vacante et ce corps allourdi | |||
Tard succombent au fier silence de midi : | Tard succombent au fier silence de midi : | ||
Sans plus il faut dormir en | Sans plus il faut dormir en l’oubli du blasphème, | ||
Sur le sable altéré gisant et comme | Sur le sable altéré gisant et comme j’aime | ||
Ouvrir ma bouche à | Ouvrir ma bouche à l’astre efficace des vins ! | ||
Couple, adieu ; je vais voir | Couple, adieu ; je vais voir l’ombre que tu devins. |
Version du 17 janvier 2015 à 11:56
LE FAUNE Ces nymphes, je les veux perpétuer.
Si clair,
Leur incarnat léger, qu’il voltige dans l’air Assoupi de sommeils touffus.
Aimai-je un rêve ?
Mon doute, amas de nuit ancienne, s’achève En maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais Bois mêmes, prouve, hélas ! que bien seul je m’offrais Pour triomphe la faute idéale de roses —
Réfléchissons…
ou si les femmes dont tu gloses
Figurent un souhait de tes sens fabuleux ! Faune, l’illusion s’échappe des yeux bleus Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste : Mais, l’autre tout soupirs, dis-tu qu’elle contraste Comme brise du jour chaude dans ta toison ? Que non ! par l’immobile et lasse pamoison Suffoquant de chaleurs le matin frais s’il lutte, Ne murmure point d’eau que ne verse ma flûte Au bosquet arrosé d’accords ; et le seul vent Hors des deux tuyaux prompt à s’exhaler avant Qu’il disperse le son dans une pluie aride, C’est, à l’horizon pas remué d’une ride, Le visible et serein souffle artificiel De l’inspiration, qui regagne le ciel.
Ô bords siciliens d’un calme marécage
Qu’à l’envi des soleils ma vanité saccage,
Tacites sous les fleurs d’étincelles, CONTEZ
» Que je coupais ici les creux roseaux domptés
» Par le talent ; quand, sur l’or glauque de lointaines
» Verdures dédiant leur vigne à des fontaines,
» Ondoie une blancheur animale au repos :
» Et qu’au prélude lent où naissent les pipeaux,
» Ce vol de cygnes, non ! de naïades se sauve
» Ou plonge…
Inerte, tout brûle dans l’heure fauve
Sans marquer par quel art ensemble détala Trop d’hymen souhaité de qui cherche le la : Alors m’éveillerais-je à la ferveur première, Droit et seul, sous un flot antique de lumière, Lys ! et l’un de vous tous pour l’ingénuité.
Autre que ce doux rien par leur lèvre ébruité,
Le baiser, qui tout bas des perfides assure,
Mon sein, vierge de preuve, atteste une morsure
Mystérieuse, due à quelque auguste dent ;
Mais, bast ! arcane tel élut pour confident
Le jonc vaste et jumeau dont sous l’azur on joue :
Qui, détournant à soi le trouble de la joue,
Rêve, en un long solo, que nous amusions
La beauté d’alentour par des confusions
Fausses entre elle-même et notre chant crédule ;
Et de faire aussi haut que l’amour se module
Évanouir du songe ordinaire de dos
Ou de flanc pur suivis avec mes regards clos,
Une sonore, vaine et monotone ligne.
Tâche donc, instrument des fuites, ô maligne Syrinx, de refleurir aux lacs où tu m’attends ! Moi, de ma rumeur fier, je vais parler longtemps Des déesses ; et, par d’idolâtres peintures, À leur ombre enlever encore des ceintures : Ainsi, quand des raisins j’ai sucé la clarté, Pour bannir un regret par ma feinte écarté, Rieur, j’élève au ciel d’été la grappe vide Et, soufflant dans ses peaux lumineuses, avide D’ivresse, jusqu’au soir je regarde au travers.
Ô nymphes, regonflons des souvenirs divers.
» Mon œil, trouant les joncs, dardait chaque encolure
» Immortelle, qui noie en l’onde sa brûlure
» Avec un cri de rage au ciel de la forêt ;
» Et le splendide bain de cheveux disparaît
» Dans les clartés et les frissons, ô pierreries !
» J’accours ; quand, à mes pieds, s’entrejoignent (meurtries
» De la langueur goûtée à ce mal d’être deux)
» Des dormeuses parmi leurs seuls bras hazardeux :
» Je les ravis, sans les désenlacer, et vole
» À ce massif, haï par l’ombrage frivole,
» De roses tarissant tout parfum au soleil,
» Où notre ébat au jour consumé soit pareil.
Je t’adore, courroux des vierges, ô délice
Farouche du sacré fardeau nu qui se glisse
Pour fuir ma lèvre en feu buvant, comme un éclair
Tressaille ! la frayeur secrète de la chair :
Des pieds de l’inhumaine au cœur de la timide
Que délaisse à la fois une innocence, humide
De larmes folles ou de moins tristes vapeurs.
» Mon crime, c’est d’avoir, gai de vaincre ces peurs
» Traîtresses, divisé la touffe échevelée
» De baisers que les dieux gardaient si bien mêlée ;
» Car, à peine j’allais cacher un rire ardent
» Sous les replis heureux d’une seule (gardant
» Par un doigt simple, afin que sa candeur de plume
» Se teignît à l’émoi de sa sœur qui s’allume,
» La petite, naïve et ne rougissant pas :)
» Que de mes bras, défaits par de vagues trépas,
» Cette proie, à jamais ingrate, se délivre
» Sans pitié du sanglot dont j’étais encore ivre.
Tant pis ! vers le bonheur d’autres m’entraîneront Par leur tresse nouée aux cornes de mon front : Tu sais, ma passion, que, pourpre et déjà mûre, Chaque grenade éclate et d’abeilles murmure ; Et notre sang, épris de qui le va saisir, Coule pour tout l’essaim éternel du désir. À l’heure où ce bois d’or et de cendres se teinte Une fête s’exalte en la feuillée éteinte : Etna ! c’est parmi toi visité de Vénus Sur ta lave posant ses talons ingénus, Quand tonne un somme triste ou s’épuise la flamme. Je tiens la reine !
Ô sûr châtiment…
Non, mais l’âme
De paroles vacante et ce corps allourdi Tard succombent au fier silence de midi : Sans plus il faut dormir en l’oubli du blasphème, Sur le sable altéré gisant et comme j’aime Ouvrir ma bouche à l’astre efficace des vins !
Couple, adieu ; je vais voir l’ombre que tu devins.