LIBER ת י ש א ך ב
LIBER ת י ש א ך ב
Aleister Crowley
Traduction Nephelim
000. Peut-être.
(00. Il n’a pas été possible de construire ce livre sur une base de Scepticisme pur. Pourtant, la pratique mène au scepticisme et peut être jusqu’au bout du scepticisme.)
0. Ce livre n’est pas destiné à mener à la réalisation suprême. Au contraire, ses résultats sont de circonscrire l’Adepte Exempt séparé du reste de l’Univers et de découvrir sa relation avec cet Univers.
1. C’est d’une telle importance pour l’Adepte Exempt que nous ne pouvons pas le surestimer. Qu’il n’est pas sage de plonger dans l’Abîme avant qu’il n’ait accompli cela de la façon la plus parfaitement satisfaisante.
2. Car dans les Abysses aucun effort ne sera possible. Les Abysses sont franchis en vertu de la masse de l’Adepte et de son Karma. Deux forces le poussent:
1) l’attraction de Binah,
2) l’impulsion de son karma, et la facilité et même la sécurité de son passage dépendent de la force et la direction de ce dernier.
3. Le téméraire qui oserait tenter le passage et prêter le Serment irrévocable de l’Abîme, pourrait être perdu durant des Eons d’agonie incommensurable, il pourrait même être rejeté en Chessed, avec le terrible Karma de l’échec qui s’ajoute à son imperfection originale.
4. On dit même qu’en certaines circonstances, il est possible de tomber entièrement de l’Arbre de Vie et d’atteindre les Tours des Frères Noirs. Mais Nous estimons que cela n’est pas possible pour un adepte qui a réellement atteint son grade, ou même pour tout homme qui a vraiment cherché à aider l’humanité, même une seule seconde, et même si son aspiration a été rendue impure par vanité ou par toute autre imperfection similaire.
5. L’Adepte se trouvant insatisfait du résultat de ces méditations refusera le Serment de l’Abîme et vivra de telle sorte que son karma gagne en force et direction appropriées à la réalisation de la tâche dans le futur.
6. La mémoire est essentielle à la conscience individuelle, sinon l’esprit ne serait qu’une feuille blanche sur laquelle les ombres se reflèteraient. Mais nous voyons que non seulement l’esprit mémorise les impressions, mais qu’il est ainsi fait que sa tendance est d’en conserver certaines mieux que d’autres. Ainsi Sir Richard Jebb, le grand érudit, était incapable d’apprendre, même les mathématiques scolaires nécessaires à l’examen d’entrée à l’Université de Cambridge et les autorités ont dû prendre une décision spéciale pour pouvoir l’admettre.
7. La première méthode a été détaillée par Bhikkhu Ananda Metteya dans « Formation de l’Esprit » (Equinox I. 5, p. 28-59, et en particulier p. 48-56). Nous n’avons que peu à modifier ou à ajouter. Son résultat le plus important, en ce qui concerne le Serment de l’Abîme, c’est la libération de tout désir ou de tout attachement à ce qu’elle donne. Son second résultat est d’aider l’adepte par la seconde méthode, en lui fournissant des éléments supplémentaires pour sa recherche.
8. La stimulation de la mémoire utile dans les deux pratiques est aussi atteinte par la simple méditation (Liber E) à un certain stade où d’anciens souvenirs surgissent spontanément. L’adepte peut alors pratiquer cela, en s’arrêtant à ce stade et en encourageant les éclairs de mémoire au lieu de les étouffer.
9. Zoroastre a dit : « Explorez la Rivière de l’Ame, d’où ou dans quel ordre vous êtes venus, de sorte que, bien que vous soyez devenu un serviteur du corps, vous puissiez à nouveau parvenir à cet Ordre (l’AA) d’où vous venez, joignant les Œuvres (Kamma) à la Raison Sacré (le Tao). »
10. Le Résultat de la Deuxième Méthode est de révéler à l’Adepte à quoi ses pouvoirs sont destinés. Quand il a franchi l’Abîme et devient Némo, le courant de retour provoque « son apparition dans le Ciel de Jupiter comme une étoile du matin ou comme une étoile du soir. » En d’autres termes, il devrait découvrir ce que peut être la nature de son œuvre. Ainsi, Mahomet était un Frère reflété en Netzach, Bouddha un Frère reflété en Hod, ou, comme le disent certains, en Daath. La manifestation présente de Frater P. à l’extérieur est en Tiphereth, à l’intérieur sur le chemin du Lion.
11. Première Méthode. Que l’Adepte Exempt s’exerce tout d’abord à penser à l’envers par des moyens extérieurs, tels que ceux-ci :
a. Qu’il apprenne à écrire à l’envers, avec les deux mains. b. Qu’il apprenne à marcher à reculons. c. Qu'à chaque fois que c’est possible il visionne des films et écoute des disques à l’envers et qu’il s’y habitue jusqu’à ce qu’ils lui semblent naturels et agréables dans leur totalité. d. Qu’il s’exerce à parler à l’envers : ainsi pour dire « Je suis Celui » qu’il dise, « Iulec sius Ej ». e. Qu’il apprenne à lire à l’envers. En cela, il est difficile d’éviter de se mentir, un lecteur expert identifie une phrase du premier coup d’œil. Que son disciple lise à haute voix en sa présence, à l’envers, d’abord lentement, puis plus rapidement. f. Qu’il imagine tout seul d’autres méthodes.
12. Ainsi son cerveau sera d’abord submergé par un sentiment de désarroi, il s’efforcera d’éluder par ruse la difficulté. Le cerveau va faire semblant de travailler à l’envers quand il agira normalement. Il est difficile de décrire la nature de l’artifice, mais il sera tout à fait évident pour quiconque ayant pratiqué le « a » et le « b » pendant un jour ou deux. Cela deviendra très facile et il pensera avoir fait des progrès, une illusion que l’analyse minutieuse permettra de dissiper.
13. Ayant commencé à former son cerveau de cette manière et a obtenir quelque succès, que l’Adepte Exempt, assis dans son Asana, pense d'abord à son attitude actuelle, puis à l’acte d’être assis, puis à son entrée dans la pièce, puis au fait de porter son vêtement, etc., exactement comme cela s’est produit. Et qu’énergiquement il s’efforce de penser à chaque acte comme s’il se produisait à rebours. Il ne suffit pas de penser: « Je suis assis ici et avant j’étais debout et avant je suis entré dans la pièce » etc. Cette série est l’astuce détectée lors des pratiques préliminaires. La série ne doit pas être « ghi-def-abc » mais « ihgfedcba », non pas « un cheval est ceci » mais « lavehc nu tse icec ». Pour obtenir de bons résultats, la pratique « c » est très utile. On verra que le cerveau lutte constamment pour se re-stabiliser, l’habitude le poussera rapidement à accepter « lavehc » comme un autre glyphe pour « cheval ». Cette tendance doit être combattue en permanence.
14. Dans les premiers stades de cette pratique on doit être extrêmement minutieux au sujet des détails des actions que l’on se remémore, car l’habitude du cerveau de penser comme il le fait normalement sera d’abord insurmontable. Penser à des actions étendues et complexes, donnera alors une série que l’on pourrait écrire symboliquement « opqrstu-hijklmn-abcdefg ». Si nous morcelons en détails, nous aurons « stu-pqr-o-mn-kl-hij-fg-cde-ab » ce qui est bien plus proche de l’idéal « utsrqponmlkjihgfedcba ».
15 Les capacités varient considérablement, mais l’Adepte Exempt n’a aucune raison de se décourager si, après un travail continue d’un mois, il constate que de temps en temps pendant quelques secondes son cerveau fonctionne effectivement à rebours.
16. L’Adepte Exempt devrait concentrer ses efforts sur l’obtention d’une représentation parfaite à rebours des cinq dernières minutes plutôt que d’essayer de prolonger le temps couvert par sa méditation. Car cette formation préliminaire du cerveau est le « pons asinorum » de l’ensemble du processus.
17. Lorsque l’exercice de cinq minutes est satisfaisant, l’Adepte Exempt pourra augmenter la durée à discrétion jusqu’à parvenir à une heure, un jour, une semaine, et ainsi de suite. Les difficultés disparaitront devant lui à mesure qu’il avance, l’extension d’une journée au cours de toute sa vie ne se montrera pas aussi difficile que le perfectionnement des cinq minutes.
18. Cette pratique devrait être répétée au moins quatre fois par jour et le progrès sera tout d’abord constaté par le fonctionnement de plus en plus aisé du cerveau, et aussi par les souvenirs supplémentaires qui surgissent.
19. Il est utile de réfléchir au cours de cette pratique, qui avec le temps devient presque mécanique, sur la manière dont les effets naissent des causes. Cela aide l’esprit à relier ses souvenirs et prépare l’adepte à la pratique préliminaire de la Deuxième Méthode.
20. Ayant laissé l’esprit revenir une centaine de fois jusqu’au moment de sa naissance, il devrait être encouragé à chercher à pénétrer au-delà de ce moment. S’il est correctement formé à penser à rebours, il y aura peu de difficulté à y parvenir, même s’il s’agit d’une des étapes distinctes dans la pratique.
21. Il est possible que la mémoire persuade l’Adepte de l’existence de vies antérieures. Lorsque cela est possible, que ce soit vérifié par un appel aux faits, comme cela :
22. Il arrive souvent que des hommes semblent connaitre un lieu qu’ils visitent pour la première fois. Cela peut résulter d’une confusion de la pensée ou d’un fourvoiement de la mémoire, mais c’est un fait concevable. Ensuite, si l’Adepte se « souvient » qu’il était dans une ville dans une vie antérieure, par exemple Cracovie, qu’il n’a jamais visité dans cette vie, qu’il décrive de mémoire l’aspect de cette ville et de ses habitants et qu’il cite des noms. Qu’il donne aussi des détails sur cette ville et ses coutumes. Et l’ayant fait avec une grande minutie, qu’il confirme tout cela en consultant des historiens et des géographes, ou en visitant personnellement la ville tout en se souvenant (à la fois en faveur et défaveur de sa mémoire) que les historiens, géographes et lui-même sont aussi faillibles. Mais qu’il ne se fie pas à sa mémoire pour faire valoir ses conclusions comme un fait et agir selon ses « souvenirs », sans confirmation adéquate.
23. Ce processus de contrôle de sa mémoire doit être pratiqué sur les souvenirs les plus anciens de l’enfance et la jeunesse en se référant aux souvenirs et aux déclarations des autres, tout en se souvenant que les souvenirs ne sont pas toujours infaillibles.
24. Tout ceci ayant été perfectionné, afin que la mémoire remonte à des éons très lointains, que l’Adepte Exempt médite sur l’inutilité de toutes ces années, et sur ce qui sépare ce qui est transitoire et sans valeur de ce qui est éternel. Et il est possible, n’étant qu’un Adepte Exempt, qu’il considère que tout est insipide et plein de tristesse.
25. Cela étant, il prêtera sans réticence le Serment de l’Abîme.
26. Deuxième méthode. Que l’Adepte Exempt, fortifié par la pratique de la première méthode, commence la pratique préliminaire à la deuxième méthode.
27. Deuxième méthode. Pratiques Préliminaires. Assis dans son Asana, qu’il examine un évènement et retrouve ses causes immédiates. Et que cela soit fait pleinement et minutieusement. Prenons, par exemple, un corps droit et immobile. Que l’adepte réfléchisse aux nombreuses forces qui le maintiennent ainsi, tout d’abord, l’attraction de la terre, du soleil, des planètes, des étoiles les plus lointaines, et même de chaque grain de poussière dans la pièce, dont l’un, s’il était anéanti, pourrait faire bouger le corps, même si c’est de façon imperceptiblement. Aussi la résistance du sol, la pression de l’air et toutes les autres conditions extérieures. Deuxièmement, les forces internes qui le soutiennent, les mécanismes vastes et complexes du squelette, des muscles, du sang, de la lymphe, de la moelle et tout ce qui fait un homme. Troisièmement, les forces intellectuelles et morales en cause, l’esprit, la volonté, la conscience. Qu’il poursuive cette pratique avec une ardeur constante, à la recherche de la Nature, ne laissant rien de côté.
28. Ensuite, qu’il se focalise sur l’une des causes immédiates de sa position et remonte à la source de son équilibre. Par exemple, la volonté. Qu’est ce qui détermine la volonté de maintenir le corps droit et immobile ?
29. Cela étant découvert, qu’il choisisse l’une des forces qui ont déterminé sa volonté et remonte à sa source d’une façon similaire et qu’il laisse ce processus se poursuivre pendant plusieurs jours jusqu’à ce que l’interdépendance de toutes choses devienne une vérité assimilé au plus profond de son être.
30. Ceci étant fait, qu’il retrace sa propre histoire en insistant sur les causes de chaque événement. Et dans cette pratique, il peut négliger dans une certaine mesure les forces universelles qui agissent sur tout en permanence, comme par exemple l’attraction universelle et il concentrera son attention sur les causes principales et déterminantes ou effectives. Par exemple, il peut être assis dans une maison à la campagne en Espagne. Pourquoi ? Parce que l’Espagne est chaude et propre à la méditation et parce que les villes sont très bruyantes et surpeuplées. Pourquoi fait-il chaud en Espagne ? Et pourquoi souhaite-il méditer ? Pourquoi choisir la chaleur en Espagne plutôt que la chaleur en Inde ? Pour cette question : parce que l’Espagne est plus proche de son domicile. Alors pourquoi habite-t-il près de l’Espagne ? Parce que ses parents étaient Allemands. Et pourquoi sont-ils allés en Allemagne ? Et ainsi de suite tout au long de la méditation.
31. Un autre jour, qu’il commence par une question d’un autre genre et que chaque jour il pense à de nouvelles questions, sur sa situation actuelle mais aussi sur des questions abstraites. Qu’il fasse ainsi le lien entre la prévalence de l’eau sur la surface du globe avec sa nécessité à la vie telle qu’on la connaît, avec la masse spécifique et les autres propriétés physiques de l’eau et qu’il perçoivent finalement grâce à tout cela la nécessité et l’harmonie des choses, et non pas l’harmonie à laquelle croyait les scolastiques d’autrefois, voyant toutes choses pour le bénéfice ou à la convenance de l’homme, mais l’harmonie mécanique indispensable dont « l’inertie » est la loi finale. Et lors de ces méditations qu’il évite comme la peste toute spéculation sentimentale ou fantastique.
32. Deuxième Méthode. La Pratique Proprement Dite. Ayant imprimé ces conceptions dans son esprit, il les appliquera à sa propre vie, forgeant les anneaux de la mémoire dans la chaîne de nécessité. Et que ceci soit sa dernière question : A quel destin suis-je voué ? Comment puis-je aider les Frères de l’Astrum Argentinum. si je traverse l’Abîme et que je suis admis à la Cité des Pyramides ?
33. Maintenant qu’il peut comprendre clairement la nature de cette question et la méthode de résolution, qu’il étudie le raisonnement de l’anatomiste qui reconstitue un animal à partir d’un seul os. Pour prendre un exemple simple.
34. Supposons que, ayant vécu toute ma vie chez les sauvages, un navire est jeté sur le rivage et fait naufrage. Qu’on retrouve intacts dans la cargaison une « Victoria ». Quel est son usage ? Les roues parlent de routes, leur finesse de routes lisses, le frein de routes vallonnées. Les hampes montrent qu’elle était destiné à être tirée par un animal, leur hauteur et longueur suggèrent un animal de la taille d’un cheval. La voiture découverte suggère un climat doux en tout cas une partie de l’année. La hauteur du siège suggère des rues encombrées, ou le caractère fougueux de l’animal qui la tire. Les coussins indiquent son utilisation pour transporter des hommes plutôt que des marchandises, sa capote montre que la pluie tombe parfois ou que le soleil est parfois très fort. Les suspensions impliqueraient de grandes compétences dans le travail des métaux, son vernis une grande connaissance dans cet art.
35. Que l’Adepte songe de la même manière à son propre cas. Maintenant qu’il est sur le point de plonger dans l’Abîme, un immense « pourquoi ? » lui fait fasse le bâton brandi.
36. Il n’y a pas le moindre atome de sa composition qui puisse être retiré sans faire de lui un autre; aucun moment inutile dans son passé. Alors quel est son avenir ? La « Victoria» n’est pas une charrette, elle n’est pas destinée à charrier du foin. Ce n’est pas un sulky, elle n’est pas utilisée pour les courses au trot.
37. Donc, l’adepte a du génie militaire ou a une grande connaissance de la langue grecque; comment ces compétences peuvent-elles servir son but, ou le but des Frères? Il a été mis à mort par Calvin ou lapidés par Ezéchias, comme un serpent, il a été tué par un villageois, ou comme un éléphant il a été tué dans la bataille sous Hamilcar. Comment de tels souvenirs peuvent-ils l’aider ? Tant qu’il n’aura pas bien maîtrisé la raison de chaque incident dans son passé et trouvé un but à chaque élément de ce qu’il a aujourd’hui, il ne peut pas vraiment répondre aux Trois Questions qui lui ont été posées, les Trois Questions du Rituel de la Pyramide, il n’est pas prêt à prêter le Serment de l'Abîme.
38. Mais étant ainsi éclairé, qu’il prête le Serment de l’Abîme, oui, qu’il prête le Serment de l’Abîme.