Mercredi des cendres (Texte de Véro)
Mercredi des cendres
Véro, d’après E. Hoffmann-Krayer, H. Bächtold-Stäubli, 1932
Le mercredi dit des cendres est une journée particulière depuis la fin du 7ème siècle. Il marque le début du jeûne. Il doit son nom au fait qu’on répand des cendres ce jour là, La cendre est obtenue en faisant brûler les rameaux de la Pentecôte précédente. Les croyants vont à l’église recevoir une croix en cendre, et cette même cendre est réputée guérir les maux de tête. Mais, comme on n’a pas toujours été chrétiens….. la même cendre est étalée sur les champs, pour protéger les jeunes semis. Et aussi autour du tas de fumier pour empêcher la vermine d’en sortir.
Ce mercredi des cendres marquant la fin de la période faste on peut en profiter pour vider son porte monnaie au bistrot. Les hommes boivent des quantités de bière pour obtenir une bonne récolte d’orge, et beaucoup de schnaps pour ne pas être piqués par les moustiques en été (celle là on ne me l’avait pas encore faite !!!!). Les repas ce jour là sont encore assez conséquents.
En échange des gâteaux de carnaval, (entendez par là des beignets) dont certains sont décorés d’images. Ces gâteaux ont tous une utilité pas très catholique. Il y a par exemple le „klemmkuchen“ (le gâteau pince) qui sert à fermer la bouche des taupes. On peut aussi se coincer un gâteau sous l’aisselle et passer dans son champ, en silence, pour lui accorder la fertilité. Au 15ème siècle la graisse qui restait après la confection des gâteaux était réputée aider à lutter contre toutes sortes d’infirmités.
Toujours ce même mercredi on confectionnait des gâteaux à l’anis avec lesquels on nourrissait durant 4 semaines les pigeons afin de leur assurer une bonne croissance.
D’autres actes magiques découlent des repas de ce jour là. Dans certaines régions on mange de la soupe aux pois cassés avec des côtes de porc. Les os qui resteront sont gardés précieusement, on les accroche au plancher jusqu’aux semailles. Alors on les plantes dans le champ que l’on sème pour le protéger des taupes et des puces, pour s’assurer que le lin poussera haut.
Il y a même des endroit où l’on croit que si ce jour là on ne mange pas de la compote de couleur jaune on se transformera en âne avant la saint Martin ! Je suppose que personne n’a jamais osé essayer, sinon on saurait si c’est vrai ou non.
Et, enfin, on laissait une part sur la table pour les pauvres âmes
Il y a des coutumes qui n’ont pas à voir avec les aliments. Ainsi le lancer de cruches. Un symbole de „cassure“ entre deux périodes. Ainsi éloignait on les forces maléfiques. Ces cruches étaient emplies de cendres.
On pouvait aussi symboliquement enterrer le carnaval. Ou le brûler. Il y a une région où on promène dans le village, une jeune homme vêtu de paille, au bout d’une chaîne. C’est l’ours de carnaval.
Dans une autre région un homme versait des fruits dans la fontaine municipale, et les jeunes devaient les en sortir, en sachant pertinemment qu’ils pouvaient être éclaboussés, voir „noyés“
Ailleurs les jeunes gens et jeunes filles traînaient une herse dans le Danube. Ailleurs encore les filles qui avaient été vues au bal durant l’année écoulée, étaient mises sur une charrette et les garçons la traînaient dans les flots, que ce soit d’une rivière ou de la mer.
Un tradition qui perdure en ce 21ème siècle consiste à choisir deux hommes célibataires, devant toute la population locale, ils marchent trois fois autour de la fontaine du village, sur la margelle, en prononçant diverses conjurations et en buvant un verre de vin chaud. Puis ils se jettent trois fois dans l’eau (souvent glacée). Ils ont le droit ensuite d’asperger, et d’embrasser toutes les filles qu’ils souhaitent. Dans ce cas la fontaine devient symboliquement le lieu de châtiment où on noie la folie. C’est une tradition qui remonte au 13ème siècle. On lave ainsi toute la crasse (folie) des jours gras qui ont précédé.
Il faut voir là des symboles de purification, de bénédiction et de fertilité.
Celui qui prend un bain ou se lave les cheveux ce jour là n’aura jamais mal au dos l’année suivante.
C’est ce jour là qu’il faut couper les plumes de la queue des poules afin qu’elles n’aillent pas pondre n’importe où, il faut aussi leur donner du riz à manger afin qu’elle ne quittent pas la basse cour. On va aussi nettoyer le poulailler pour les protéger contre les poux.
Si le soleil brille on sème tôt le matin le lin, et les choux.
Il y a aussi toutes sortes d’interdictions : ne pas aller en forêt car c’est le jour où le diable poursuit les esprits (féminins) de la forêt. Et d’ailleurs, ne pas quitter sa maison ! ne pas attacher son bétail, ou vendre son bétail, ne pas changer la litière des bêtes, ne pas laver sa chambre, ne pas filer.
Le temps qu’il fait ce jour là durera pendant tout le temps du jeûne. S’il neige, il neigera encore 40 fois avant l’été. S’il pleut il pleuvra durant toute la semaine. S’il fait brouillard, toutes les jeunes accouchées mourront cette année.
Celui qui naît ce jour là comprend le langage des animaux.
Je profite de ce texte pour ajouter un petit paragraphe concernant les masques de carnaval. L’un de ceux qu’on retrouvait systématiquement autrefois, en Allemagne était un cheval, qui déambulait, cravaché par deux autres déguisés. Ces masques servaient en premier lieu à effrayer les mauvais esprits, mais aussi, ainsi déguisé ne pouvait on être reconnu par le démon, et il ne pouvait pas nous nuire. On peut également s’approprier la puissance inhérente au personnage du masque, et surtout, on fait plaisir aux Dieux.
Enfin, avant l’invention du confetti, on jetait des bretzels, des noix ou des semences.
J’ai appris hier soir que les défilés de Carnaval allemands avec sorcières et démons avaient été remis à l’ordre du jour par les nazis (on les retrouve souvent je trouve…..) car ils voyaient là une référence au passé germanique. Le reportage montrait un monsieur qui fabrique des masques en bois pour 150 à 300 euros l’unité. L’autre technique traditionnelle est le papier mâché.