Lammas (Texte de Ronald M. White)
Après le décès de Robert Cochrane lors du Solstice d’Eté 1966, certains membres de son groupe ont décidé de reprendre le flambeau et de continuer son œuvre. Parmi eux Ronald White et George Winter ont formé un groupe païen qui se voulait plus « ouvert » qu’ils ont appelé « The Regency » avec l’idée qu’ils n’étaient là que jusqu’à ce que le fils de Jane et Robert Cochrane soit assez âgé pour prendre la place qu’avait occupée son père, mais ça ne s’est jamais fait.
Lammas
Ronald M. White
Préambule
Aujourd’hui, Lammas est l’un des festivals les plus obscurs, en particulier dans le sud de l’Angleterre où sa signification est perdue et son souvenir voilé. Il y a deux volets à son histoire. L’un commémore la fin du Seigneur de l’Année Croissante, dont on considère que l’esprit s’attarde sur les Terres D’Eté jusqu’à l’époque de Lammas et le début de l’Automne, c’est donc une suite de Sa mort lors du Solstice d’Eté. Nous notons qu’au moment de l’Equinoxe de Printemps Robin a été désigné mais il n’a pas consommé son amour avant le Premier Mai, de même, Arthur qui a été désigné lors du Solstice d’Eté, ne prend pas totalement Sa place avant Lammas. L’autre volet comporte l’histoire de la Déesse, qui part vers la Terre des Ombres où règne le Seigneur de l’Année Finissante. Par son voyage et, dans un sens, Son propre sacrifice, Elle assume Son propre règne en tant que Reine des Ombres et des Ténèbres.
Lammas c’est la fin de l’Eté. La période entre Lammas et Hallowe’en marque le moment où la Terre va commencer à se reposer, un peu comme la Déesse dans notre histoire qui va dans les Terres Sombres où elle règnera en-dessous comme elle le fait au-dessus. Sa couleur est le rouge, la couleur de la vie, comme nous le verrons, Elle amène avec Elle la vie dans la terre de la mort.
Ce festival symbolise aussi cette étape dans l’histoire de notre vie, lorsque notre travail principal est accompli. Le thème est donc le « Repos ». L’âme de Robin peut se reposer. La terre se prépare à se reposer dans l’obscurité et nous devrions pouvoir nous reposer et apprécier notre passage dans la vie et tout ce que nous avons accompli et, par la réflexion, l’espoir de devenir sage. Le rituel s’achève par une méditation profonde et le calme, l’une des rares fois où notre rite se tourne vers l’extérieur et contemple ce qui se passe au lieu de méditer dans sa danse toujours en mouvement.
Lammas est un festival processionnel, la spirale de la vie qui tourne lentement vers l’intérieur puis vers l’extérieur et ainsi de suite. Il y a toujours des chemins de procession et des sanctuaires. Silbury Hill est l’un d’entre eux, son nom semble être une variante du nom celtique de la Déesse Sele (une divinité lunaire). Le nom apparaît aussi près de Bath où il y a un endroit que les Romains appelaient Sulis Aqua et pas trop loin il y a aussi la ville de Salisbury. Dans ce contexte, il est amusant de noter qu’il existe des arguments pertinents pour que la « Silly Season » (qu’on peut traduire « Saison Stupide » mais qui correspond à la Morte Saison) soit aussi un souvenir de Son nom puisqu’elle tombe au moment de Lammas. Notre mémoire de cette saison se retrouve dans le 15 août. C’est aussi le moment des traditionnelles « Vacances d’Eté ». Mais le thème est là. Le « Repos ».
Pour revenir un instant à Silbury: son sentier en spirale est aussi en quelque sorte un autre labyrinthe, un écho lointain mais clair au labyrinthe comme un rite de passage, une transformation d’un état de conscience à un autre plan. C’est aussi une œuvre d’Art, l’un des grands travaux de terrassement. Aujourd’hui, ces idées sculpturales ont été explorées par des artistes contemporains comme un moyen d’accroître la sensibilisation à la Terre autour de nous et d’offrir des symboles de la puissance créative pour améliorer notre expérience des rythmes et des champs d’énergie de la Terre.
Pensant que cela pouvait être un tumulus, des archéologues ont récemment creusé au centre de la butte. Ils n’ont rien trouvé malgré la légende locale voulant qu’un Chevalier en armure d’or y aurait été enterré assis sur son cheval. (Arthur ou Bran le Béni Son avatar plus ancien ?) La bute de Silbury a été levée pour être un omphalos, un centre sacré et le nombril de la Terre. C’est aussi un temple du Seigneur des Morts, dont l’esprit y est préservé. Certaines preuves de ceci peuvent être retrouvées dans la procession cérémonielle de période de Lammas et le pique-nique qui y avait lieu le siècle dernier et probablement avant.
Avec notre propre cérémonie, nous espérons être plus conscients de notre propre rite de passage cérémoniel, tempéré par notre fort espoir de naissance du moment de la récolte. Nous apprenons à voir Lammas comme une partie du cadre du Mystère auquel nous, étant des créatures de vie et de mort, devons nous conformer.
Notre rituel décrit le chemin de la Déesse vers les Ombres et Ses mutations jusqu’à la généreuse Mère des Récoltes. Elle va vers un autre mariage avec le Seigneur de l’Année qui Décroît et devient alors la Reine des Enfers, où lors de l’Equinoxe d’Automne Elle prendra la place qui lui revient. Par son départ, nous pouvons vivre, car, comme nous l’avons vu, la vie dépend de la mort et vice versa. La responsabilité de la protection de la vie à venir sera placée entre les mains du Dieu et pourtant notre rituel ne peut guère être sombre en raison de toute la générosité qui est devant nous. C’est pourquoi, que ce moment soit à la reconnaissance et plein d’espoir.
Le Rituel
Les hommes et les femmes se rassemblent séparément. Si c’est possible, les dames doivent porter ou arborer des fleurs, si possible des coquelicots. Une statuette de la Déesse, ou un symbole de sa présence, un masque par exemple, devrait être là et pouvoir être porté lors de la procession. Comme il convient pour un rituel « sombre » la cérémonie aura lieu le soir. L’homme qui représente le Seigneur des Morts devrait porter un manteau sombre, pourpre serait parfait, et une couronne de chêne vert sur la tête. De la viande et le vin doivent être placés au centre du site rituel. Les hommes ont des bougies ou des torches enflammées. Comme ils portent toujours le deuil de Robin, ils devraient être habillés en conséquence.
Quand tout est prêt, les hommes se rendent à l’emplacement du rituel puis ils marchent lentement en spirale de l’extérieur vers l’intérieur. La marche doit être menée avec la plus grande solennité. Lorsqu’un homme atteint le centre sa bougie ou sa torche est éteinte. Puis ils attendent dans l’obscurité que la procession des femmes s’approche. Peu après, les dames, qui portent toutes des bougies allumées, apparaissent. Lorsqu’elles seront près du lieu du rituel, l’un des hommes s’avance et leur demande : « Nous qui pleurons un esprit qui s’en est allé, nous vous demandons maintenant au Nom du Seigneur des Morts de dire ce qui vous amène en ce royaume stérile. »
Ce à quoi les dames répondent :
« Au nom de la Dame, je viens apporter la vie à ce lieu sombre."
L’homme dit alors:
« Vous ne pouvez pénétrer dans ces ténèbres qu’en emmenant les ténèbres avec vous. »
En disant cela, il souffle leurs bougies et conduit les dames dans le cercle autour du Seigneur des Morts.
Les femmes se présentent une à une et reçoivent le même traitement jusqu’à ce que la Dame soit seule. Lorsque l’homme s’approche Elle prend la Statuette de la Déesse et affirme :
« Reconnais-moi à ce symbole. Je suis la maîtresse de tout ce qui vit et meurt, et par ce droit, j’apporte la lumière aux ténèbres. Reconnais-moi, moi qui peut confesser toutes les âmes qui errent dans les ténèbres, liées dans leur peur. »
L’homme tombe en arrière et la Dame, sa bougie toujours allumée, fait 9 fois le tour de l’aire rituelle en tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Elle tient Sa bougie et la statuette de manière à ce que tous puissent les voir. Ensuite elle s’approche du Seigneur des Morts qui Lui parle comme a parlé l’homme précédent et il recevra la même réponse. Il demande à son tour que, malgré la vie et l’été, le mort et le froid soient autorisés. Elle doit permettre cela, l’accepter pleinement, ce qui Le confirme en tant que souverain dans Son Pays des Ombres. Après une pause la Dame signifie Son acceptation, en précisant que par son acceptation Elle se fait Reine du Pays des Ombres et qu’ainsi le Seigneur des Morts sera aussi lié par Ses lois à Elle et qu’il devra mourir lui aussi. Le Seigneur des Morts s’incline devant Elle et lui tend la main. Elle place la statuette au centre du cercle et lui prenant les mains dans les siennes et va se placer au centre de l’aire rituelle en disant :
« Ce Roi d’Eté s’en est allé, mais Son esprit va vivre à nouveau dans ce pays lumineux, l’espérance promise vit avec vous dans sa nourriture composée de pain et de viande. Chaque Dieu cède sa place. Mangez, buvez et amusez-vous en pensant à cela. »
Le Seigneur rompt alors le pain et donne à chacun un morceau. Chaque représentant des divinités verse maintenant une libation aux autres et invite leurs partisans à faire de même, chacun en versera une à chacun, puis boira avec eux. Alors que l’année progresse, chacun de nos festivals a tendance à être plus structuré dans son discours et son action en tant que cadre de l’année devient de plus en plus apparente. Mais toute spontanéité n’est pas perdue, pour le moment, en dehors de la méditation de clôture et le sermon, il y a beaucoup de place pour l’improvisation et l’imprévu dans le rituel. Puis il y a encore des processions, des danses, on partage le vin et la nourriture jusqu’à ce que, lorsque qu’on juge que c’est le bon moment, le Meneur demande à tout le monde de s’asseoir par terre et de réfléchir solennellement à son état.
Le Premier Sermon
(Sera lu à la lueur de la bougie.)
Le Solstice d’Eté a été le premier moment dans notre année où la mort a été prise en compte et nous avons vu pourquoi elle devrait être considéré comme telle, bien que nous ayons esquissé sa possibilité le Premier Mai. C’est l’un des grands mystères et il est l’égal du mystère opposé, la naissance. Puis il y a les grandes questions: D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Qui sommes-nous ?
Bien que nous puissions dire que nous savons, ou croyons, nous ne savons pas réellement, mais dans cette vie nous regardons vers l’avenir comme nous le faisons ce soir, nous mesurons les forces obscures devant nous et les jours qui déclinent. Nous allons rencontrer à nouveau ces forces à Hallowe’en, et la peur est l’une d’entre elles, la peur des falaises ténébreuses et la nuit éternelle. Seul un fou ne connaît pas la peur.
Un enfant qui a peur du noir a besoin de réconfort, la main tendue de sa mère, une petite lumière dans ses ténèbres et surtout l’assurance de sa présence. Notre Déesse va dans le Pays des Ombres et se promène parmi ses peurs, apportant cette main secourable, ces paroles qui apaisent. Par nos cérémonies nous devons apprendre à ne pas désespérer. La vie change et dans la mort nous changeons. Nous ne pouvons pas avancer dans la mort, ou ce qu’il y a ensuite, comme nous le faisons lors de cette vie. L’histoire des Dieux nous enseigne cette leçon. Nous devons apprendre à nous débarrasser de ces craintes et de reprendre courage en présence de la Déesse. Voilà des sujets à méditer. Nous devons voir le voyage de la Déesse comme s’il était le nôtre. Comme Elle va dans le royaume du Seigneur des Morts nous allons maintenant essayer d’aller avec elle dans cette terre de transformation. Asseyons-nous ici en silence et faisons face à nos peurs, demandons du réconfort quand l’obscurité s’approche.
(La dernière bougie est éteinte et le groupe s’assied en silence.)
Après un temps, lorsqu’on pense que le moment est venu, les responsables des hommes et des femmes commencent un chant simple ou un murmure. Tout le monde y prend part et après quelques minutes, une petite « Bougie de Réconfort » est allumée. Tout le monde est invité à se lever et à tourner 8 fois dans le sens du soleil. A la fin de cette procession la Dame s’approche du Seigneur. Elle porte maintenant une gerbe ou un épi de blé. Elle s’incline devant Lui et présente l’épi comme un bien des plus Sacrés. Elle lui commande de le conserver précieusement, car c’est en fait Son âme ainsi que les âmes de tous ceux qui sont dans Son royaume. On lui dit de le conserver jusqu’à ce que, à nouveau, la nouvelle année le fasse s’épanouir, tout comme nous tous seront conviés à rester dans la confiance et l’amour de la Déesse.
Le Seigneur de la Mort a le dernier mot :
« A cause de cette lumière, de ce réconfort et de ce don, j’accepte cette charge et je vous garde dans Mon pays. Grâce à votre venue, il y aura encore des vertes prairies, de beaux champs et du bon air qui souffle dans les prés où poussent Mes fleurs et cela au-delà des plaines douloureuses des ténèbres. Dans ce lieu de cendres cette lumière de la Déesse va briller. Elle mènera une fois de plus votre voyage vers une lumière plus grande encore. Je vous promets que vous serez changés par Sa miséricorde, changés par cette terre et vous serez à nouveau par la vertu de cette lumière qui brille dans vos ténèbres et celle de vos peurs. »
Maintenant, les dames rallument leurs bougies et les placent autour du cercle. Le Seigneur des Morts invite tout le monde à festoyer avec lui et à ne pas avoir peur. Il remplit un bol de vin rouge, la Dame se tient à côté de Lui et boit la première. Tous les suivent. Le rituel est terminé.
Le Second Sermon
Avant de quitter notre histoire de Lammas, il faut souligner des points importants du rituel ainsi que d’autres qui dépendent d’eux et qui sont inhérents à notre cérémonie.
Lammas parle de mort, parfois de façons symboliques qui sont d’une grande beauté, mais Lammas parle aussi de vie. Avec l’année qui avance nos rituels deviennent plus profonds en eux-mêmes, couche après couche, significations et sagesse s’y ajoutent. Notre histoire simple, notre fondation est en cours de construction, le scénario de la vie s’ajoute à son récit de base.
La Déesse va tout simplement vers le Dieu de l’Année qui s’achève comme elle l’a fait en mai lorsqu’elle est allée vers Robin. Ce mythe antique est l’une des principales sources de la légende et la poésie. En pénétrant dans Son royaume, Elle devient Sa souveraine et sa maîtresse. Son mandat est celui-ci : une déclaration selon laquelle régit notre vie inconsciente ainsi que notre être conscient. Mais il y a un prix à payer. L’Eté s’achève. L’hiver devient une sombre certitude. Nous devons nous préparer. Pourtant, et apparemment paradoxalement, son départ rend la récolte source de vie possible. Encore une fois nous sommes dans la vie causée par la mort : Les opposés s’équilibrent une fois encore comme ils s’équilibreront lors de l’Equinoxe d’Automne. Le royaume d’Arthur ne peut être entièrement noir. Quelque part, puisque la Déesse s’y est rendue, il y a la lumière et des champs verts. Chaque culture païenne en parle: l’Elysée, les Terres de Chasses Heureuses, les Champs Verts dont parlait Falstaff, le vieux païen, sur son lit de mort. Il y a aussi le « sein d’Arthur » et puissions-nous tous terminer là-bas.
Lammas et sa méditation est un moyen d’atteindre une conscience plus profonde. Notre cérémonie n’est pas anodine. Il est bien évident qu’aucun païen ne s’attend à une résurrection de la chair ou de l’esprit à ce niveau, mais nous espérons une translation de nous-mêmes, un voyage de l’âme. Sous toute la vie, et peut-être sous toutes choses il y a une prise de conscience de l’être, comme une note de musique, quelque chose de profond et continu en nous, peut-être une partie de cette ancienne idée et dont on parle toujours, la Musique des Sphères ? C’est l’harmonie de l’univers et elle est en nous. C’est notre bien. Nous ne pouvons pas éviter cela, mais nous devons l’accepter comme réconfort et travail de la Déesse en nous. C’est cette partie qui nous fait et nous refait et qui fait notre environnement jour après jour, minute après minute, dans l’évolution de ses structures qui se combinent et se re-combinent dans la danse cosmique. Mon temps peut être illusion car lorsque nous mourrons ce temps s’arrête pour nous, mais mon rôle dans le grand tout de l’existence continue à briller comme une petite lumière dans les ténèbres de Lammas, et comme un feu follet peut apparaître ici, là-bas, ailleurs ou n’importe où dans le grand écheveau de la création de la Déesse, dans la mesure où il évolue et tend à se connaître lui-même par le culte et la glorification.
Nous existons parce que nous avons évolué de la sorte, mais aussi parce que l’espace était prêt pour nous. Il y avait des points quantiques dans les harmonies changeantes, des lieux que les êtres humains, venus pour ainsi dire de l’extérieur, pouvaient occuper immédiatement. L’une des leçons de Lammas est que nous sommes indissociables de notre Univers et que toutes nos actions l’affectent tout comme il nous affecte. Il nous appartient aussi de réfléchir attentivement à ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons, car nous faisons tous un sur la Terre et nous ne faisons qu’un avec elle. La Terre elle-même est une entité que certains appellent Gaia - un des noms de la Déesse. Il a encore plus au sujet de cette inter-connectivité dont j’ai parlé, mais il faut encore y réfléchir de façon approfondie et faire des recherches chacun de notre côté. C’est le meilleur moyen de découvrir des choses qui ont une véritable valeur. Mais en choisissant l’un des thèmes de Lammas, nous devons maintenant laisser ces questions au repos et méditer sur elles au fond de notre cœur.