Le Festival de l'Equinoxe de Printemps

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Après le décès de Robert Cochrane lors du Solstice d’Eté 1966, certains membres de son groupe ont décidé de reprendre le flambeau et de continuer son œuvre. Parmi eux Ronald White et George Winter ont formé un groupe païen qui se voulait plus « ouvert » qu’ils ont appelé « The Regency » avec l’idée qu’ils n’étaient là que jusqu’à ce que le fils de Jane et Robert Cochrane soit assez âgé pour prendre la place qu’avait occupée son père, mais ça ne s’est jamais fait.


Le Festival de l'Equinoxe de Printemps

Ronald M. White


Préambule

Même si leurs dates ne coïncident pas, les cérémonies de l’Equinoxe de Printemps sont liées à celles de Pâques. A la base, Pâques c’est une fête juive de la pleine lune (Pessah) également célébrée par les chrétiens. Il y a aussi quelques apports païens anglo-saxons, dont le nom britannique « Easter » qui vient de la Vieille Déesse du Printemps, Eostra, dont la fête était probablement célébrée originellement à l’occasion de l’Equinoxe. Le 21 ou le 22 mars, c’est la date de l’Equinoxe, le jour y est aussi long que la nuit. Maintenant, le Dieu Soleil qui Croit atteint Sa pleine puissance. Les reliquats de l’hiver sont chassés du pays et la Déesse apparaît sous l’apparence d’une jeune fille en fleur et Elle célèbre Ses fiançailles avec le Dieu.

Tout comme il y a ici deux thèmes combinés, il y a deux personnages principaux dans ce rituel. La vigueur renforcée du Dieu est bien tempérée par la grâce et la délicatesse de la Déesse. Une fois encore nous devrions envisager ce que nous faisons et refuser tout ce qui est étranger à la pensée religieuse et à notre sensibilité. Voilà pourquoi les rituels que je propose peuvent être étudiés et amendés. Nous devons tous, avec intuition et amour, exprimer ces thèmes d’une façon qui nous est propre. C’est le mythe qui compte, mais quand nous avons trouvé en nous-mêmes une façon efficace de l’exprimer, sa répétition dans le rituel renforce notre compréhension de ses significations et permet un renforcement spirituel de notre vie.

Les fêtes de Printemps sont les fêtes florales, ce sont des fêtes du soleil qui s’épanouit, du soleil victorieux, ce sont des fêtes de la jeunesse vigoureuse, de la joie et de la beauté. Le plus fort de ses symboles c’est l’œuf de Pâques, qui doit être de couleur rouge, la teinte de la vie qu’il contient. Le symbolisme de l’œuf est l’une des idées des plus anciennes et plus répandues dans la pensée religieuse païenne. Les lièvres et les lapins sont aussi étroitement associés à ce festival. Le lapin, comme d’autres coutumes sacrées, a été réimporté d’Amérique. Le lièvre est particulièrement sacré pour la Déesse, car il est véloce et très fécond. Il est associé à la sorcellerie car les sorcières pouvaient se transformer, entre autres choses, en lièvre et le lièvre était donc considéré comme un des aspects de la fertilité de la Déesse. Le lapin est aussi par excellence un symbole des pouvoirs prolifiques de vie, ou même, comme l’ont dit certains, de luxure. En raison de tout cela, il est mythologiquement raisonnable pour reprendre la croyance druidique, selon laquelle c’est le Lièvre de Pâques qui dépose les Œufs de Pâques ou «Glain», même si souvent cet œuf est plus souvent attribué à un serpent magique. Quoi qu’il en soit, le lièvre et le lapin et les œufs sont les symboles les plus constants du Printemps.

Il existe toujours de nombreux rituels de Printemps, la plupart étant propres à un seul endroit, comme de faire rouler un œuf ou une orange par exemple, (l’orange étant un symbole évident du soleil), ainsi n’importe quel rituel proposé devra être une tentative de s’inspirer de cérémonies que l’on estime toujours être valides et numineuses.

Les processions sont toujours une partie importante de ces cérémonies. La Procession de Pâques en est une réminiscence, tout comme le fait de porter des vêtements neufs, et plus particulièrement un nouveau chapeau, ou d’un point de vue magique, c’est ce que cela symbolise, être une toute nouvelle personne.

Les danses en spirale ou les processions en spirale pour monter au sommet d’une colline, comme on peut les pratiquer à Silbury Hill, qui a été élevée pour cela, ou au Tor de Glastonbury, sont d’importantes dominantes dans les cérémonies païennes. La spirale est le symbole le plus répandu de la vie et de la mort, même l’essence même de la vie, la molécule d’ADN, a été représentée par une double spirale. L’énergie qu'une spirale permet de stocker et de produire est prodigieuse, que ce soit le tourbillon dans l’eau, un ouragan ou notre galaxie. Les fibres entortillées en spirale sont plus résistantes que les fibres droites. Elles ont aussi une plus grande adhérence. Nos propres doigts crispés lorsqu’on les met en opposition avec notre paume forment une spirale, cela se voit bien lorsqu’on saisit un morceau d’argile et qu’on observe l’argile quand on a retiré la main. Les plantes et les arbres ont des bourgeons en spirale autour de leurs branches et les graines de nombreuses plantes, comme la pomme de pin et le tournesol, sont disposées en spirale. Il y a aussi une relation mathématique précise liée à la spirale que l’on retrouve dans une série de chiffres connue depuis longtemps mais publiée pour la première fois par le mathématicien italien Fibonacci. Ces chiffres, qui concernent la croissance organique, sont liés au Nombre d’Or, un système de proportions théorisé par les Egyptiens et les Grecs et qui a toujours une importance capitale dans l’architecture et l’art. Sans surprise, cette série de nombres est infinie - un autre exemple de la présence envahissante de notre ami le Fou. Le labyrinthe est lié à la spirale, la spirale étant une sorte de labyrinthe et les danses labyrinthiques étaient populaires lors des rituels de printemps. On les appelait parfois, les danses de la Ville de Troie. Il semble que « Troie » ou une variante de ce mot était le mot étrusque pour labyrinthe. Les labyrinthes et les spirales ont toujours une signification cosmographique. Ils sont considérés par les Indiens Tantristes comme des diagrammes de l'Univers. Les labyrinthes en spirale de New Grange et les dolmens à couloir d’Irlande sont censés représenter une carte symbolique du pays de l’après vie. La question des labyrinthes et des spirales est une étude vraiment fascinante et va bien au-delà du sujet de ce travail, mais il est recommandé à tout païen sérieux de s’y intéresser, car ces choses expriment notre compréhension de la vie, la mort et la renaissance.

Nos festivités n’ont pas à être silencieuses. La danse va de paire avec la musique. Les chants peuvent facilement être inventés et les participants peuvent jouer d’un instrument de musique aussi simple soit-il. Les rythmes se créent spontanément lors de la procession et de la danse, et ils peuvent être soulignés en battant des pieds et des mains. Les chansons sans paroles peuvent définir un état d’esprit et fredonner détend et harmonise le participant s’il est sensible.

Nos danses ont certains liens avec les Danseurs Morris ou, comme diraient certains, « les Hommes de Marie ». Si c’est le cas leurs danses sont pratiquées en l’honneur de la Dame et comme nous allons le voir, nos danses de Printemps lui sont dédiées. Ils portent aussi des cloches dont la fonction, en plus de concourir à la danse, est de chasser les mauvais esprits. La Danse Morris est de plus en plus populaire, et ce qui est encore plus important de nos jours, on ne la danse pas pour des raisons pécuniaires mais pour le plaisir de la chose. Rien que cela nous aide à voir qu’il s’agissait à l’origine un acte religieux. Il y a aussi un regain d’intérêts pour les détails de la danse, les pas, les mouvements, le cliquetis des bâtons, les changements de partenaires dans ces danses ne sont guère fortuits. Ils miment l’évolution et l’entité de notre Univers labyrinthique et ont une signification ésotérique.


Le Rituel

Si possible, et ce n’est pas toujours le cas, la cérémonie devrait se tenir en plein jour. Certains puristes estiment que ce devrait être à l’aube. Mais, hélas, nous ne sommes pas toujours libres à ce moment, comme il ne s’agit pas d’un jour férié, de sorte que nous devons adapter notre cérémonie à d’autres contingences plus terre à terre. Néanmoins, certains préparatifs peuvent être faits avant le rituel. Le participant peut se laver ou se baigner à son réveil et décider de porter des vêtements propres ou neufs et réciter une prière appropriée.

Lorsque le rituel doit se tenir, les participants doivent se réunir à l’écart de la zone de la danse. Chaque participant doit faire l’effort de ramener des fleurs de saison (les jonquilles sont abondantes à cette époque de l’année). Si la cérémonie se déroule en plein air, ce qui est préférable, il serait bon d’avoir un arbre au centre du lieu où l’on ritualise (un houx serait idéal). J’ai assisté à des festivals où les femmes s’étaient tressé des couronnes de fleurs, les hommes portaient des clochettes aux chevilles, et, plus important encore, ils avaient une petite baguette ou un bâton décorés avec des rubans. Ces préparatifs peuvent faire toute la différence et créer un climat adéquat, car la concentration et les efforts nécessaires à leur réalisation participent à la concentration qui doit accompagner la pratique du rite.

Lorsque tout est prêt, les femmes se rendent sur le lieu où se déroulera le rituel. Là, elles désigneront l’une d’entre elles pour représenter la Déesse. La femme désignée doit se blanchir le visage en l’honneur de la lune. Puis la plus jeune des femmes va vers les hommes et les invite à une procession. Cette procession tourne lentement vers l’intérieur en spirale dans le sens du soleil c’est-à-dire dans le sens des aiguilles d’une montre. En arrivant à l’arbre on leur propose de boire du vin et une libation est versée en l’honneur de la Déesse. Elle conduit ensuite la procession dans l’autre sens et vers l’extérieur puis la spirale repart vers l’intérieur dans le sens du soleil. Maintenant les hommes dansent dans le sens du soleil autour des femmes qui réalisent une danse labyrinthique dans le sens contraire à celui du soleil, les hommes font huit tours, les femmes neuf. Les mains peuvent se toucher et ceux qui conduisent la danse encouragent les danseurs à aller de plus en plus vite. Comme on peut l’imaginer il peut en résulter des bousculades qui peuvent être très cocasses et permettent à tous de se souvenir qu’à la base la fête doit être joyeuse. Encore une fois, taper des mains et des pieds ou jouer de la musique contribuera à créer l’atmosphère adéquate. Si l’on veut, on peut continuer à danser, les hommes sautant le plus haut possible et montrent leur agilité et leur fierté. Traditionnellement il s’agissait d’une sorte de magie sympathique encourageant la croissance vigoureuse du blé et des plantes. Les danses peuvent être répétées pendant toute la cérémonie si l’on pense que c’est approprié. Dans toutes nos célébrations une grande place est laissée à la spontanéité autour de la trame centrale du rituel. Le cœur de ce rite est la sélection parmi tous les hommes de celui qui sera le conjoint de la dame.

Les « Joyeux Compagnons », comme on peut les appeler, commencent maintenant une danse, dans l’esprit de celle des Danseurs Morris, en frappant leur bâton contre celui des autres. Ensuite, ils posent leurs bâtons par terre aux pieds de la Dame et se retirent là d’où ils venaient. Pendant leur absence, les dames dansent solennellement autour de l’arbre dans le sens inverse à celui du soleil. Quand la Dame est prête les hommes sont sommés de revenir en procession et lorsqu’ils arrivent ils s’agenouillent humblement devant Elle. Après avoir longuement réfléchi Elle choisit alors l’un des bâtons et le rend à son propriétaire. Immédiatement les femmes se rassemblent autour de lui et le poussent hors du cercle. La Dame lui ordonne de se présenter comme il se doit. A ce moment les « Joyeux Compagnons » s’emparent de lui et de l’entrainent à l'écart. Là ils lui rougissent le visage et les mains pour symboliser le soleil. Il est ensuite ramené dans le cercle, où la Dame l’accueille avec un baiser. On lui propose du vin et des gâteaux et il y fait honneur. Un à un les prétendants non désignés s’avancent et brisent leur bâton puis en déposent les débris aux pieds de la Dame. Ils affirment ensuite solennellement leur dévotion et leur dévouement à la Dame puis au Seigneur qui a été désigné. Ils louent lors d’une prière, les principes sources de vie de ces deux divinités, ils promettent de respecter et d’honorer la nature et de travailler pour l’amour et la compréhension en toutes choses. Chacun est récompensé avec du vin, du gâteau et un baiser. Les femmes font toutes leur propre déclaration dans les mêmes termes.

L’arbre au centre du terrain est alors décoré de fleurs. C’est un magnifique spectacle que de voir un arbre qui bourgeonne avec des fleurs printanières. Ces arbres étaient appelés « Arbres Tonnelles ». On en trouve encore dans le Shropshire et son rituel avec une procession d’enfants et d’adultes existe toujours à Aston-on-Clun. Apparemment la célébration s’est arrêtée à l’époque des puritains. Deux amoureux ont réintroduit la coutume pour marquer leurs noces et ont célébré cette fête le jour de leur mariage. La coutume se pratique toujours aujourd’hui. On commence par décorer l’arbre, on fait la fête et l’on danse. Lors de cette danse le Dieu élu guide les siens dans une danse joyeuse, il court vers l’extérieur et frappe le sol avec sa baguette pour chasser l’hiver du pays. Le rituel s’achève dans une liesse générale.

Sur une note un peu plus sombre, à cette époque de l’année il est de coutume de rendre visite aux défunts dans les cimetières et de fleurir leur tombe. C’est un moyen de nous souvenir de notre propre mortalité et une façon d’accepter que la vie doit avoir la mort comme contrepartie, en particulier en ce jour où le jour prend le pas sur la nuit tout comme plus tard dans l’année, la nuit prendra le pas sur le jour. C’est aussi une façon d’exprimer notre foi dans l’unité de tous les êtres et tous les états d’existence en une vie plus élevée de la Déesse Elle-Même.


Le Sermon

Ce qui fait ce que nous sommes c’est notre climat. Il tempère notre façon de penser à nos Dieux et suggère la façon dont nous devrions les célébrer. Il détermine, même en ville, bon nombre de nos comportements. Les Dieux Eux-Mêmes sont en nous et forment le substrat de nos êtres, mais Leur expression en nous est conditionnée par notre climat et nos attentes psychologiques par rapport à ce climat. Ainsi nous devons accepter que nos cérémonies soient régionales. Nos rites avec les variations liées à l’époque, au lieu et au climat ont néanmoins une validité basique, et même si les idées et le timing changent, le cœur du mythe demeure et c’est ce qui façonne nos pensées et nos expressions religieuses. En reconnaissant cela, nous reconnaissons aussi que la tolérance religieuse est essentielle pour un païen et qu’elle ne lui cause nulle gêne que ce soit en esprit ou en conscience. La Rome et la Grèce antiques abritaient de nombreuses religions. Les chrétiens ont été persécutés car ils étaient une menace politique directe pour la stabilité de Rome, aucune autre secte n’a autant souffert. La pire forme de fanatisme et d’intolérance, c’est de mépriser la religion d’un autre homme, ses mythes et ses Dieux.

Lors de l’Equinoxe de Printemps, comme nous l’avons noté, il y a un équilibre entre la nuit et le jour. C’est le masculin et le féminin qui se retrouvent, deux grands contraires en une harmonie équilibrée et créative. C’est cette première conjonction que nous célébrons.

Les années se succèdent mais nous ne retrouvons jamais exactement ce même Printemps. C’est à chaque fois un tout nouveau Printemps, un autre tour sur le chemin en spirale qui se déplace dans le temps que nous percevons, un moment qui pour nous n’est jamais immobile. Nous, étant attachés à la terre, faisons partie de ce temps mobile et nous interagissons avec lui, ainsi, qu’à des niveaux plus profonds, nous interagissons avec la terre éternelle de la Déesse où le temps n’existe pas. Nous affectons et sommes affectés par toutes les autres choses qui composent l’Univers. Nous ne pouvons éviter de prendre part à sa danse. Même la navette qui tisse nos pensées fait partie de la trame des interactions. Supprimez l’un des danseurs de la danse et la trame se modifie instantanément. Toutes les choses dansent et elles ont toutes leur propre danse.

Lors de cette fête, notre danse est une dédicace et un cortège. Non seulement nous nous consacrons aux divinités, mais étant issus d’elles, nous nous consacrons à la prise en charge correcte de nous-mêmes, corps et esprit. Nous ne pouvons garder ce regard affectueux pour nous seuls mais nous devons aussi l’offrir aux autres. Nous devons prendre soin de n’insulter ni notre corps ni notre esprit, ne pas laisser l’envie ou l’inquiétude nous torturer et éviter les excès de violence, de fanatisme et de dogmatisme insensés. C’est ce que fait un esprit libre. Cela signifie que nous devons essayer de prendre la responsabilité de nous-mêmes, et cela veut aussi dire aussi prendre la responsabilité des autres. Comme l’année croît, nous devons donc considérer avec un grand soin cette responsabilité dans toutes nos attitudes et actions. On pourrait dire que l’Equinoxe de Printemps marque une « Fin de l’Enfance ». Enfin, nous ne pouvons pas espérer que les Dieux soient plaisants et nobles si nous ne cultivons pas ces qualités en nous.