Les Membres du Bricket Wood Coven

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Les Membres du Bricket Wood Coven

Tanya Luhrmann

Traduction Tof


La Sorcellerie est un monde très secret, et plus que dans d’autres pratiques magiques elle est riche en objets particuliers et symboliques. Les initiés ont des couteaux à manche sombre qu’ils appellent « athamés » qui sont l’outil principal et le symbole de leur pouvoir. Ils ont aussi des coupes, des plats et des encensoirs spéciaux, parfois même un fouet spécial pour se « purifier » les uns les autres avant que les rites ne débutent. Il y a toujours un Autel, généralement on y trouve des plantes et des encens, ainsi qu’une statuette de la Déesse. Il y a toujours des chandelles aux quatre directions car dans toutes les pratiques magiques les quatre directions (est, sud, ouest, nord) représentent différentes sortes « d’énergies » (pensée, pouvoir de la volonté, émotion, stabilité matérielle). Il y a aussi un autre symbole de secret et de transgression des conventions, la plupart des covens pratiquent nus. C’est un signe ostensible de liberté, mais cela vient probablement de l’association qui est faite entre la sorcellerie et la sexualité ainsi que d’une vision utopique d’un paradis perdu. Il n’y a pas d’orgie, peu d’érotisme et en réalité cela ne ferait pas beaucoup de différence si l’on portait des vêtements. Que les sorcières dansent nues fait probablement partie des fantaisies qui attirent les nouveaux, mais la fantaisie fait partie du paganisme et n’est pas une source de sexualité salace. En tout cas cela semblait être le cas dans les cinq covens que j’ai croisés.

J’ai été initié dans l’un des plus anciens groupes de sorcières, un coven qui existe depuis plus de 60 ans. Ce fut à une époque le coven de Gerald Gardner, le coven dont il fut membre et trois de ses membres actuels ont été initiés en sa présence. Cela a fait plaisir à l’anthropologue que je suis de voir qu’il y avait des traces de culte des ancêtres : le pentacle, le plat magique où l’on place les « gâteaux lunaires » de la communion étaient ceux de Gardner et nous utilisions sa statuette de déesse dans le cercle.

Le coven avait treize membres lorsque j’en étais membre (en 1988-89). Quatre d’entre eux (trois hommes et une femme) avaient été initiés depuis plus de 25 ans et avaient la cinquantaine : Un ancien consultant informatique de Cambridge qui fait des conférences tout autour de monde devant un public d’informaticiens, un analyste en logiciels informatiques, était grand prêtre depuis au moins vingt ans, une enseignante et un ancien enseignant de l’université d’Oxford. La grande prêtresse a été initiée il y a vingt ans et est psychologue. Une autre femme, la quarantaine, avait été initiée il y a une dizaine d’années. Elle avait rejoint le groupe lorsque son propre groupe s’était séparé, un autre homme, la cinquantaine vient lui-aussi d’un autre coven. Il était ingénieur électronique dans l’industrie musicale. Pendant les mois où je fus membre du groupe, le coven d’Helga et Eliot s’est séparé. Helga se considérait plus comme une Volva celtique plutôt que comme une sorcière, elle a donc abandonné la sorcellerie et s’est tournée vers d’autres pratiques magiques. Eliot, lui, a rejoint notre groupe. Parmi les autres « jeunes » du groupe il y avait une femme dans la trentaine qui était une artiste mais qui passait le plus clair de son temps à élever un jeune enfant. Un autre membre était cadre moyen dans une grosse entreprise. Il était proche de la quarantaine et était mon « jumeau psychique » : nous avons été initiés tous les deux la même nuit dans le même groupe. Un autre homme, la trentaine, s’occupait d’un gros lotissement. Le consultant en informatique et l’enseignante sont mariés depuis vingt-cinq ans, le grand prêtre et la grande prêtresse vivent ensemble depuis vingt ans. Quatre autres membres ont des conjoints qui n’appartiennent pas au groupe mais deux d’entre eux sont membres d’autres groupes magiques. Trois membres du groupe sont mariés ou très proches de professeurs d’université – mais il s’agit d’un groupe plus intellectuel que la moyenne.

Les membres de ce coven ont des ages très divers et sont surtout des intellectuels issus de la classe moyenne, nombreux sont ceux dont le partenaire ne fait pas partie du groupe. Ce n’est pas la norme : un autre coven avec lequel ce groupe a des contacts comprend neuf membres qui ont au maximum dix ans d’écart et qui compte trois couples mariés et trois célibataires. Les membres d’un coven de Cambridge ont la même différence d’age et des professions très diverses mais un autre à Clamham est entièrement composé de membres issus de la classe supérieure ayant au maximum quinze ans d’écart. Lors des rencontres le groupe se base sur un texte rituel standard. Gerald Gardner (avec l’aide de Doreen Valiente) a créé un manuel de pratique rituelle appelé « Livre des Ombres » qui est censé avoir été recopié par chaque initié depuis un très lointain passé. (‘Objets spéciaux pour Beltane : une cruche de vin, un calice en grès, une couronne de lierre… La grande prêtresse à l’est, le grand prêtre devant l’autel avec la cruche de vin et le calice en grès…’) Le groupe pratique ces rites comme ils sont écrits, bon an mal an : Ils sont pleinement conscients du fait que c’est Gardner qui les a rédigés (avec de l’aide) mais pensent, qu’en tant que coven originel, ils ont une responsabilité vis-à-vis de la tradition. En réalité, certains de ces rituels ont été réécrits par le grand prêtre car les versions de Gerald Gardner étaient trop simples : il pense pourtant devoir agir comme Gardner et ne jamais mentionner l’auteur du texte.