La Triade de la Déesse

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La Triade de la Déesse

Gerald Gardner (?)

version française Tof


Il faut que je dise publiquement que je ne suis pas un grand expert en théologie sorcière. Je suis une sorcière « opérative » qui a pris le temps d’essayer de comprendre en profondeur les implications de ma religion. Une religion qui rend un culte à une Déesse et qui a longtemps proclamé ses principes de fertilité aux quatre coins du globe.

On m’interdit de révéler le nom que l’on donne à la Déesse, Elle est connue depuis toujours sous une variété de noms par ceux qui étudient la mythologie et le folklore. Cela peut tout d’abord sembler étrange ; comment un certain nombre de Déesses mythologiques païennes peuvent-elle n’être qu’une seule et même personne ? Pour moi, la réponse peut se résumer sous la forme d’une phrase de Voltaire : « L’homme a créé Dieu à son image ». Je n’ai rencontré que bien peu de personnes capables de comprendre cette phrase.

Bien sûr, les hommes doivent considérer leurs Dieux et Déesses comme leurs propres créations, tant qu'ils limitent cette idée à leurs conceptions physiques d'une déité particulière. Une fois qu'une personne commence à créer en opposition, à interpréter l'esprit d'une déité, elle va trop loin. Une représentation physique n’est qu’une.


Triades

Dans de nombreuses représentations artistiques, on retrouve un aspect triple du Dieu ou de la Déesse. La sculpture tricéphale de Cernunnos du Musée Beaune en est un excellent exemple. On a connu d'autres aspects doubles, triples ou autres encore de déités dans la littérature, l'art et dans les religions comparées et cela depuis très longtemps. Il y avait, et il y a toujours, de nombreuses trinités, dont beaucoup sont bien plus anciennes que l’idée chrétienne de Dieu le Père, du Fils et du Saint-Esprit. Certaines de ces trinités sont composées de trois déités séparées qui s’unissent en une trinité que l’on adore. La triade de Vrahmin, Vishnu et Shiva, respectivement le créateur, le sauveur et (selon certaines savants) le destructeur de la vie et des choses, en est un bon exemple. J'estime que « changeur » serait un meilleur qualificatif que « destructeur ».

On peut donner toutes sortes d'interprétations (et on l’a fait) aux diverses trinités des diverses religions. Ces arguments donnent assez de matière pour de nombreuses pages de débats qui n’auraient que peu d’intérêt. Ce qui m’intéresse ici, c’est l'aspect triple de la Déesse des Sorcières, aspect qui me semble être totalement exact, je ne m'attends pas à ce qu'on lui donne la même importance qu’aux autres, ça ne serait d’ailleurs pas juste de le faire. Je ne souhaite que faire réfléchir les gens, si possible de manière constructive, et peut-être en même temps aider ceux qui ne connaissent pas la Déesse à comprendre un peu de Sa nature.

La triade de la Déesse à laquelle je me réfère peut fort bien se résumer par les mots « AMOUR », « MORT » et « RENAISSANCE ». Notez bien que le cycle commence par l'amour et non pas par la naissance. Commencer un cycle trinitaire par la naissance serait inutile, tout comme le serait l'idée que tout finirait avec la mort. Dans pratiquement toutes les religions et particulièrement pour la Wica, la réincarnation est une doctrine de base.

Amour

Considérons tout d'abord séparément chacun des trois aspects de la Déesse. Commençons par l'amour. Le mot amour a une longue carrière philosophique ; en général, on aboutit d'habitude à ce que le mot signifie ce que chacun veut que le mot signifie. Comme le mot est important, j'essayerai d'expliquer le mot dans le contexte où je l'utilise. Pour moi, l'amour de la Déesse n'est certainement pas l'amour romantique des poètes, l’amour gémissant, le désir et l'amour qui n’est pas encore réalisé. L'aspect Amour de la Déesse est vivant, urgent et valorisant. C’est cela que comprenaient ceux de ses disciples qui pouvaient comprendre le vrai concept de fertilité. Quand les gens étaient peu nombreux et le taux de mortalité important, la reproduction était un besoin des plus urgents. L'amour de la Déesse l'encourageait. Je pense que c'est très bien résumé par Robert Herrick dans son poème « Corinna s’en est allée aux fêtes de Mai » :


« Alors que mille vierges en ce jour S’élancent avant l'alouette pour en attraper un en Mai »

et encore :

« Et nous n’avons pas péché en restant, Mais, ma Corinna, viens, allons aux fêtes de Mai ».


Les deux dernières lignes de la citation aident également à souligner un autre point important sur l'amour de la Déesse, il est au-delà de la mortalité. Pour les lecteurs aptes à pontifier, j'estime que je dois ajouter que ce n'est qu’une simple déclaration, dont la signification est simple.


Mort

L'aspect suivant est la mort. Une fois que le dégoût naturel de la mort est surmonté, celui qui suit la voie de la Wica verra que c’est une partie nécessaire du cycle. Pour être réincarné, vous devez mourir ; pour mourir, vous devez être réincarnés.

L'aspect de mort est probablement le plus connu, mais c’est l’aspect de la Déesse qu’on interprète d'habitude le plus mal. C'est l'aspect de la Vieille Sorcière, le type même de la vieille sorcière hideuse sur un manche à balai, dont on se sert (avec le croque-mitaine, etc…) depuis des générations pour faire peur aux enfants. Mais l’image vraie n'est pas effrayante, au contraire, elle est consolatrice. Il est vrai que les représentations physiques n’apportent que peu de consolation, la vieille sorcière et Artémis la Grecque sont des Déesses puissantes invisibles de la mort soudaine. Mais comment pourrait-on montrer une telle image ?

Sa signification est importante, dans la mort, nous retournons à la Déesse, pour le repos et la jouvence (sous forme spirituelle) avant le début de notre prochain voyage. Si, au lieu d'une vieille sorcière flétrie, nous imaginons une vieille femme sage, elle-même au-delà de la mort et du temps, toujours prête à prendre ce qui doit être donné, je pense que l'idée serait un peu trop simplifiée. Sans aller vers la Déesse de mort, nous ne pouvons jamais atteindre la Déesse de vie.


Renaissance

La dernière partie de la triade est la renaissance. C'est peut-être ce qui est le plus facile à comprendre, puisque c'est de la Grande Mère Universelle dont il est question ici. De nombreuses personnes reconnaissent Sa présence d'une façon mineure sous le nom de Mère Nature. Elle est l'idéal de fertilité en toutes choses, homme, animal et culture.

On l'adore depuis les temps les plus reculés. Une de ses meilleures et, selon moi, de ses plus belles représentations vient de l’époque du Magdalénien supérieur de l'ère Paléolithique. Ce n'est qu’une petite statuette de femme nue. L'artiste a cependant énormément exagéré la taille des seins, du ventre et des hanches, suggérant une femme dans un état de grossesse avancée.

La statue d’Artémis d’Ephèse date d'une période postérieure ; ici, la Déesse est nue à partir de la taille et est de dimensions normales, sauf qu'Elle a de nombreux seins sur Sa poitrine. Il est aussi important de noter que Sa robe, Ses épaules et Sa coiffe sont couvertes de figures minuscules qui ont besoin de Sa fécondité pour exister.

Elle est la Mère Puissante, celle qui apporte toute fécondité que l’on évoquait autrefois par les fleurs des champs et par la vie elle-même. Sans Elle, il n'y avait rien. Elle souhaitait être respectée et que Son culte ne soit jamais oublié. C’est par le développement d'un tel culte de la Mère que la religion matriarcale Sorcière s’est développée.

Maintenant que la triade de la Déesse a été disséquée, certains doivent se demander : comment cette triade peut être connectée à un être mystique, la Déesse ?

Voilà une nouvelle question pour chacun de nous. Cela peut nous aider si je me réfère à l’ancienne tradition, qui voulait que l’on tue le Roi Divin. On avait l'habitude de tuer les Rois d'un peuple pour apaiser la Déesse et assurer la fertilité et la paix à ceux qui lui rendent un culte.

Cela peut sembler être un drôle d’exemple pour dépeindre la Déesse avant de l’avoir examiné de plus près. Les Rois régnaient pour diverses durées, parfois une année, parfois sept ans ou jusqu'à ce que le Roi suivant le batte et le tue. Comme J.G. Frazer le fait remarquer, les coutumes varient légèrement d'un lieu à l'autre.

Presque toujours, le Roi au cours de sa vie goûtait aux plaisirs physiques avec la Reine, qui était très souvent aussi la Grande Prêtresse. Il en a été de même lorsque des rois « de substitution » ont été utilisés pour épargner la vie du Roi réel, on leur accordait toujours les faveurs de la Reine. Ainsi, le Roi formait une union symbolique avec la Reine, elle qui était la représentante vivante de la Déesse de l'amour. Après cet acte, le Roi était envoyé dans les bras d'Annis la Noire, la Déesse de la mort, pour être réincarné une fois encore par la Grande Mère, la Déesse de la vie. En même temps, le Roi lui-même prenait aussi part au rituel de fertilité en étant sacrifié pour la récolte, le bétail et les enfants.

J'espère que tout cela a, dans une certaine mesure, expliqué certains éléments au sujet de la Déesse de la Wica. Personne ne pourra jamais tout expliquer et le meilleur endroit pour chercher la Déesse c’est dans votre propre esprit.

« Ecoutez les mots de la Déesse Etoile. Elle qui, dans l'empreinte de ses pas, emmène les armées des cieux et dont le corps encercle l’Univers ».


Source

http://lapierresorciere.free.fr/WiGG007.htm