Mariage traditionnel russe

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Depuis la demande en mariage -début officiel des rites nuptiaux- jusqu'au dernier banquet (et même plus tard encore), le rite de mariage russe est émaillé d'opérations et d'oraisons magiques qui ont perduré jusque dans les années 1920, et qui sont intéressantes à plus d'un titre : elles sont un des meilleurs témoins de la perception qu'avaient du mariage les paysans russes et les milieux attachés à la tradition ; elles reflètent leur vision du monde dans ses aspects magiques, religieux, fantastiques ; enfin elles constituent une illustration de cette "double foi" (двоеверие), mélange de croyances chrétiennes et païennes, qui à l'époque contemporaine suscite tout particulièrement l'intérêt des ethnologues.[1]


Période prénuptiale

  • La période prénuptiale est particulièrement sujette aux pratiques de divination, les jeunes filles cherchant à connaître l'identité de leur futur époux et ses qualités. Certaines pratiques urbaines sont réalisées individuellement. A la campagne, il existe des pratiques divinatoires de groupe, comme les "chansons de plat" (подблюдные гадания). Les périodes les plus propices sont les veilles de Noël et du Jour de l'an, la veille de la Saint-Jean (périodes-frontières de l'année : passage à l'hiver, à l'été, cycle du soleil) ; également la Trinité, le jeudi avant la Pentecôte (fête du printemps), Pâques, la Saint-André, la Sainte-Parascève, l'Intercession ; l'heure : à minuit ou à l'aube ; les lieux de prédilection : près de l'eau, d'un puits; à un carrefour ; dans un local (bergerie, cabane de bains, isba vide) ; près d'un poële, près d'un dépôt d'ordures (les ordures ou la poussière balayée étant liées au culte des ancêtres, ou des esprits tutélaires). Certaines conditions doivent être respectées: pratiquer sans être vu, sans parler, nu ou en chemise, les cheveux dénoués...[2]

"Chansons de plat" contemporaines :

Exemples d'incantation magique (заклинание) :

  • A dire sur des déchets de la rue rassemblés en cachette dans un coin de l'isba : Гоню я в избу свою молодцов, не воров, наезжайте ко мне женихи с чужих дворов. ("J'amène chez moi des beaux garçons, pas des voleurs, venez à moi, prétendants des autres fermes")
  • Lancer une chaussure par la porte : le fiancé viendra du côté où elle pointe. Tendre l'oreille dans le silence : le fiancé arrivera d'où vient le bruit (aboi, choc).
  • Mettre dans un verre d'eau un blanc d'oeuf ou de la cire fondue, et deviner d'après la forme qu'ils prennent : si c'est la forme d'un cierge, d'un édifice ou d'un anneau, il y aura mariage. S'ils tombent au fond, l'intéressée restera longtemps fille.
  • Prendre une poignée de neige et observer les menus détritus qui s'en dégagent quand elle fond.
  • Mettre un animal (souvent un coq, une poule) devant de la nourriture (différents tas préparés par différentes jeunes filles ou nourritures diverses: grain et eau, etc) : on tire des déductions selon le comportement de l'animal.
  • Pratiques utilisant la kutia (кутья), gâteau béni lors de certaines fêtes religieuses ou en mémoire des défunts : en mettre un morceau sous son oreiller permet de voir le fiancé en rêve ; on peut aussi sortir avec un morceau dans la main et prêter l'oreille aux premiers bruits que l'on perçoit. Dans la région de Kostroma on pratique "les semailles de la kut'ja" (посевание кутьей) : on en prélève un morceau en cachette le soir de Noël, on l'émiette devant la porte le Jour de l'an en disant : "Суженый-ряженый, приходи пшеницу собирать'" (Bien-aimé, viens moissonner chez moi).
  • Pratiques utilisant les crêpes, particulièrement dans la région du Polesje : la jeune fille s'empare de la première crêpe cuite, sort la crêpe roulée dans une serviette sous son bras, et observe la première personne rencontrée, les premières paroles dites. Autre variante, on donne la crêpe à un animal et on observe son comportement.
  • Dans l'eau, on cherche à voir le visage du futur ; à Kostroma, la veille de l'Epiphanie, on l'observait dans un trou pratiqué dans la glace. La surface réfléchissante de l'eau se voit parfois remplacée par un miroir. Autres utilisations de l'eau : un verre d'eau sur lequel la jeune fille pose un "pont" (brindille, paille) en disant : "Суженый-ряженый, переведи меня через мост" (Bien-aimé, fais-moi franchir le pont). Le puits, réel ou représenté par quatre brindilles en forme de carré ou une petite maquette entourant un récipient, est le centre de diverses pratiques : on sème près de lui, on prélève de son eau, on le place (maquette) près de son lit...
  • Les filles à marier devinent encore avec des miroirs, des anneaux, des plumes d'oiseaux ou, caractéristique des villes, des feuilles de papier sur lesquelles sont inscrites des réflexions sur le mariage : coutume héritée de l'usage, au XIXe siècle dans les milieux de marchands et de la petite bourgeoisie, de livres de divination.
  • On tire aussi les cartes ; en général, les intéressées, surtout les jeunes filles déjà promises par leurs parents, s'adressent en cachette à des tireuses de cartes spécialisées. Dans les villes, on pouvait encore acheter à des marchands ambulants (продавцы счастья, marchands de bonheur) des petits billets tirés au hasard, portant des dictons ou des proverbes sur de grands thèmes : bonheur, richesse, amour, mariage, etc.




Evocations dans l'art

Evocation des rites de mariage de l'ancienne Russie par Stravinsky, dans le ballet "Les Noces" :


Articles connexes

Mariage


Sources

<references>