Pilier des Nautes
mythologie gauloise et mythologie romaine
Le Pilier des Nautes constitue l’un des rares documents sur la mythologie gauloise qui soient parvenus jusqu’à nous.
Il s'agit d'une colonne monumentale gallo-romaine érigée en l'honneur de Jupiter par les Nautes (bateliers de la Seine) de Lutèce dans la première moitié du Ier siècle, sous le règne de l'empereur Tibère.
Il a la particularité de représenter à la fois des dieux gaulois et romains, avec des inscriptions des noms des divinités. C'est sur ce pilier qu'a été retrouvé la seule inscription du nom du dieu cornu : [C]ernunos.
Les quatre blocs qui le composent ont été découverts en 1710 en remploi dans un mur du Bas-Empire, sous une travée de Notre-Dame.
Ce pilier est aujourd'hui visible au musée de Cluny à Paris.
Description
Le pilier, haut de cinq mètres, est composé de quatre blocs superposés de pierre avec des des bas reliefs et des inscriptions sur chacune des faces. Il est possible qu'une statue ait été posée sur l'ensemble.
Les inscriptions étaient rehaussées d'ocre rouge.[1]
Le pilier porte une dédicace à l'empereur Tibère, fils adoptif d'Auguste : « À Tibère César Auguste, à Jupiter très bon, très grand, les Nautes du territoire des Parisii, aux frais de leur caisse commune ont érigé [ce monument]. »
en latin :
« TIB·CAESARE
AVG·IOVI·OPTVM
MAXSVMO·???
NAVTAE·PARISIACI
PVBLICE·POSIERV
·NT· »
Les bas reliefs représentent :
- les nautes défilant en armes avec boucliers et lances, privilège octroyé par les Romains, ce qui est exceptionnel moins d'un demi-siècle après la conquête de la Gaule.[2]
- des divinités du panthéon latin :
- Jupiter, portant la foudre, accompagné de l'aigle
- Mars, le guerrier, cuirassé et armé, son manteau de général, la paludamentum, replié sur le bras
- le forgeron Vulcain
- Mercure, protecteur du commerce
- Fortuna, qui donne chance
- Vénus, qui favorise la fécondité
- les dioscures Castor et Pollux, patrons de la cavalerie.
- des divinités du panthéon gaulois :
- Esus
- Tarvos trigaranus, le taureau aux trois grues
- Cernunnos le dieu cornu.
Interprétation
Selon l'historienne Anne Lombard-Jourdan, les Nautes cherchaient en édifiant le pilier à montrer aux peuples de la Gaule la voie de la coopération, qu'il était désormais raisonnable de suivre. En dédiant le pilier à Jupiter, ils montraient qu'ils agréaient à la religion des Romains tout en affirmant leur fidélité aux cultes indigènes par la mention de dieux gaulois[3]. La construction du pilier est contemporaine de l'interdiction des assemblées de druides. En donnant une figure humaine aux dieux gaulois, les Nautes contribuaient à ruiner la position d'intermédiaires des druides entre les dieux et les hommes[4]. Pour Anne Lombard-Jourdan, le pilier aurait été situé au Lendit à proximité où se seraient réunis selon elle les druides des Gaules.[5]
Galerie
représentation du dieu gaulois Cernunnos, chauve, barbu, doté d’oreilles animales et de bois de cervidé auxquels pendent des torques. Inscription [c]ernunos.
Sources
Bibliographie
Paul-Marie Duval, Paris antique des origines au milieu du IIIe siècle, Paris, Herrmann, 1961.
Paul-Marie Duval, Les inscriptions antiques de Paris, Paris, Coll. de l'histoire générale de Paris, 1961.
Bernard Jacomin, Le pilier des Nautes de Lutèce : Astronomie, mythologie et fêtes celtiques, éd. Yvelinédition, mars 2006.
Didier Busson, Paris 75 : Carte Archéologique de la Gaule : 75, Paris. Inscriptions de DES de Paris, éd. Académie des Inscriptions et Belles-Lettrest, 1998.
Philippe de Carbonnières, Lutèce : Paris ville romaine, Paris, éd. Gallimard, 1997.
Henri d'Arbois de Jubainville, Ésus, Tarvos Trigaranuss. La légende de Cûchulainn en Gaule et en Grande-Bretagne, in : La Revue Celtique XIX, 1898, p. 245-251.
<references>
- ↑ Paris Culture
- ↑ Alexis Charniguet et Anne Lombard-Jourdan, Cernunnos, dieu Cerf des Gaulois, Paris, Larousse, coll. « Dieux, mythes & héros », 2009, p. 15.
- ↑ Anne Lombard-Jourdan, Montjoie et Saint-Denis ! Le centre de la Gaule aux origines de Paris et de Saint-Denis, Paris, Presses du CNRS, 1989, p. 107.
- ↑ Ibid. p. 108.
- ↑ Ibid. p. 105.